Lexique des principaux termes en Culture générale
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M-N-O-P-Q-R-S-T-U-V-W-X-Y-Z
- E -
Empathie
Aptitude à se glisser en l’autre, à éprouver ses sentiments les plus profonds. Elle n’est vraiment possible que par la plus authentique amitié.
Ennemi
L'ennemi ne retourne pas seulement le visage de l'ami, il ramène aussi à des distinctions que le mot français d'amitié, parce qu'il est unique, efface, ou plus précisément dissimule.
Le latin distingue ainsi l'ennemi public (hostis) de l'ennemi personnel et privé (inimicus).Selon certains penseurs contemporains l'opposition ami public/ennemi public définirait l'essence même du phénomène politique :
" La distinction spécifique du politique, à laquelle peuvent se ramener les actes et les mobiles politiques, c'est la discrimination de l'ami et de l'ennemi. " (C.Schmitt, La notion de politique)
État
Ensemble des institutions à travers lesquelles s’exerce un pouvoir souverain sur une population et un territoire donnés. Le plus souvent, l’existence de l’État est inséparable de l’existence du droit positif, qui à la fois définit et fonde les conditions d’exercice du pouvoir souverain. Les institutions étatiques renvoient aux différentes modalités de l’action du pouvoir sur la société : définition d’une volonté publique (pouvoir législatif), application de cette volonté (pouvoir exécutif et administration publique), sanction des transgressions et arbitrage des différends (pouvoir judiciaire).
N.B. : Le mot État, en ce sens, prend toujours une majuscule.
État de nature, ou état naturel
État fictif, construit par abstraction, de l’homme « avant » ou « sans » la société, en particulier avant la société politique. On l’oppose en ce sens à l’état civil ou politique. Le plus souvent (chez Hobbes ou Locke), cet « état de nature », pure hypothèse d’école, laisse l’homme avec toutes ses facultés intellectuelles et morales, mais affranchi de toute obligation juridique ; il s’agit alors simplement d’un état pré-politique. Rousseau le premier montre qu’un véritable état de nature serait un état non culturel, c’est-à-dire quasiment animal, et distingue donc, dans son Discours sur l’inégalité, deux états de nature. Le premier, décrit dans la première partie du Discours, est véritablement « naturel », c’est-à-dire bestial et animal ; tandis que le second, déjà marqué par la dénaturation, se rapproche de l’état de nature de Locke ou de Hobbes, et représente un homme civilisé mais non soumis à un État (état social pré-politique).
État
Situation d'un système caractérisé par les valeurs des variables appliquées à l'instant considéré, mais également des valeurs appliquées antérieurement (événements passés). Les états d’une entrée ou d’une sortie peuvent être représentés par un chronogramme.
État de droit
Terme utilisé par Kant ( Rechtsstaat) et ses successeurs pour désigner un État dont les modalités d’organisation et les processus de légitimation sont définis par des lois et circonscrits dans les bornes de l’intérêt public.
Ethique
Du grec ethikos, ce qui concerne les mœurs.
Sous la forme adjective, le mot renvoie à tout ce qui touche l'évaluation des fins de la vie humaine. L'éthique, c'est aussi une partie de la philosophie qui examine les règles de vie à suivre pour accomplir pleinement son humanité. Enfin, une éthique apparaît de façon particulière et relative comme un ensemble de principes régissant la cohérence des comportements de chacun.
Évidence
L’évidence est le corrélat objectif de l’intuition. L’esprit a l’intuition de ce qui est évident, c’est-à-dire littéralement de ce qui se voit, de ce qui est parfaitement visible. Chez Descartes, l’évidence est intellectuelle (elle est l’objet d’une intuition de l’entendement). Elle se caractérise par la clarté et la distinction.
- F -
Force
la force est ce qui se manifeste par une modification ou une conservation de l'état d'une réalité ; par exemple, la force du vent se manifeste par les mouvements dans la nature, la force publique par le maintien d'une foule dans un certain ordre ; la modification peut avoir lieu de façon naturelle (les forces fondamentales de l'univers telle la gravité) ou contrainte (camisole de force qui entrave les mouvements d'un aliéné) entrainant un effet positif (force motrice d'un moteur ou, au sens figuré, d'un discours entrainant l'adhésion) ou un effet passif (emploi de la force pour blesser une personne, pour la forcer à faire quelque chose). La force se rapproche de la violence (dont elle partage l'étymologie : la vis, origine latine du mot violence, se rattache à l'is grecque qui désigne le muscle, la vigueur du corps, la force vitale ; la vis est la force d'un individu tandis que son pluriel, vires, désigne les forces armées d'un peuple) par le fait d'agir de l'extérieur sur quelque chose, mais s'en distingue en ce que la force est tout entière dans cette extériorisation, elle n'a pas d'intention ou de finalité (tandis que l'on peut penser que la violence exprime autre chose que son acte et vise autre chose que le seul impact immédiat, à savoir la négation d'un certain rapport à l'autre).
Famille
Du latin famulus, le serviteur. A Rome, familia désigne l'ensemble des individus qui dépendent d'un même pater familias, chef de famille : femmes, enfants, serviteurs, clients.
Le discours philosophique trouve dans la famille une intéressante forme de communauté humaine qui parvient à faire cohabiter des individus de manière en apparence non conflictuelle. Or selon Aristote dans La Politique, la famille est travaillée par trois formes différentes de pouvoir : despotique (maître/esclave), royal (père/enfant) et politique (mari/femme). De fait, derrière l'harmonie de façade se dissimulent des conflits, des haines, des inimitiés. " Familles, je vous haïs." Le mot célèbre de Gide dénonce les faux-semblants des vertus familiales et prépare une redéfinition par l'amitié de la communauté vraiment heureuse.
- G -
Guerre
la guerre désigne un type d'affrontement qui s'intègre au champ politique car elle implique deux groupes humains (la guerre de clans, c'est-à-dire d'un groupement de familles, serait la limite inférieure de la possibilité d'une guerre) qui cherchent à faire reconnaître leur pouvoir l'un sur l'autre. Cette lutte pour la reconnaissance explique le développement très ancien d'un droit de la guerre, la guerre devant être justifiée dans son déclenchement (« la guerre qui est nécessaire est juste », Tite-Live, Saint Thomas en précisera les critères dans sa Somme théologique), ses pratiques (protection des populations civiles et des soldats désarmés mais en contrepartie droit de détruire les forces adverses) et ses conséquences. Cependant, le droit de la guerre à travers les conventions de La Haye (1907) reconnaît lui-même les « nécessités militaires », c'est-à-dire que si « la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens » (Clausewitz), la guerre a ses propres buts dont la cohérence est axée sur la « décision par les armes » c'est-à-dire sur l'engagement dans la violence pour emporter la décision car « la destruction des forces ennemies est la pierre de touche de toute action de guerre ». Dans le face à face, la logique de l'escalade est, selon Clausewitz, le cours normal de l'affrontement militaire « [les armées] doivent s'entre-dévorer sans répit tout comme l'eau et le feu ne s'équilibrent jamais » jusqu'à une dyssimétrie qui mette fin aux hostilités et que Clausewitz situe dans la supériorité de la guerre de défense sur la guerre d'offensive. Ainsi donc, les buts militaires distendent les règles du jeu proposés par les accords et les finalités politiques (d'où les attaques sans déclaration préalable comme Pearl Harbor, l'agression des pays neutres, les représailles, etc…). La guerre est attirée par le pôle de la violence pure, apolitique (guerre totale utilisant des méthodes terroristes, la torture, la destruction massive de civils) tandis que la politique est tentée de déclarer la guerre hors-la-loi. En effet, à partir de la Seconde Guerre mondiale, un agresseur peut être considéré coupable d'un crime sur la communauté internationale - tel les crimes contre l'humanité - ce qui implique sa déchéance juridique et dès lors, en théorie classique, l'impossibilité pour lui de signer un traité de paix en toute réciprocité, c'est-à-dire sans contrainte. De fait, les vaincus seront traités à titre de rebelles contre leur propre communauté politique (la communauté internationale incarnée par les vainqueurs) et dans cette perspective leur reddition sans condition ne sera pas contraire à la liberté et au droit (malgré la rétroactivité de la définition de crimes contre l'humanité qui a été énoncée après la fin du conflit) mais répondra à une exigence universelle. La nouveauté des accords de l'après-guerre tient à ce que la tendance ancestrale de tout acte de souveraineté politique se manifestait enfin ouvertement dans son essence, à savoir commettre l'ultime violence en voulant mettre un terme à la violence, en voulant se poser comme le terme absolu au cycle des violences et représailles et pour cela exclure le vaincu comme ennemi absolu du genre humain. Désormais, la dissuasion nucléaire implique le renoncement à la guerre totale, caractéristique des deux conflits mondiaux, guerre qui désormais ne pourrait être autre chose qu'une extermination mutuelle et dès lors, avec la disparition de la guerre, c'est la possibilité même de la politique qu'il faut réinventer (voir Arendt, Essai sur la révolution).
- H -
Harmonie
Du grec armos, la ligne de bataille. L'harmonie est un ajustement des parties entre elles. Cet ajustement est nécessaire dans la recherche du bonheur politique. L'amitié dans la perspective politique d'Aristote est le moyen de cet ajustement.
- I -
Incivilité
La manifestation de la violence au quotidien (agression verbale, harcèlement des femmes, nuisance sonore intentionnelle, dégradation des lieux publics ou des biens privés tel que l'incendie de voiture, etc…) est un phénomène de société et non un événement perturbant le fonctionnement social. Ceci signifie que les sociétés occidentales sont elles-mêmes devenues inciviles, au sens où le rapport humain dans l'espace social ouvert (c'est-à-dire hors vie familiale, professionnelle ou culturelle) est majoritairement une situation d'anonymat (la rue comme espace de transfert et non de socialité), de promiscuité contrainte (transports publics) où la rencontre de l'autre apparaît d'abord comme une transgression, une intrusion dans un rythme personnel et dans un réseau choisi de contacts privés. Dès lors les incivilités peuvent être définies comme «des atteintes à l'ordre en public», soit la remise en cause de la tranquillité et de la sécurité de la vie par le fait que les incivilités « menaçent la personne à travers la mise à bas des rituels interpersonnels [ou rituels de la civilité] qui sont communément utilisés pour tenir autrui à distance et [par] la dénégation des codes utilisés pour s'assurer réciproquement son innocuité » (Sébastien Roché, La société incivile). Si les rapports humains sont « déritualisés », cela montre qu'il n'y plus de code commun qui permette de médiatiser la peur de l'inconnu, l'apprivoisement mutuel et progressif de la logique du comportement d'autrui. Il n'y a donc pas spontanément d'intermédiaire, de médiation entre l'absence du contact (la tolérance comme indifférence réciproque du "ne me touche pas") et le choc physique, verbal ou culturel.
Intuition
Opération de l’esprit par laquelle il obtient une connaissance ou une compréhension immédiate de son objet.
Sens courant. L’intuition est un pressentiment plus ou moins confus de ce qui est seulement à venir ou de ce qui ne peut être clairement connu. En ce sens, l’intuition est surtout une faculté d’anticipation ou de prévision.
Sens philosophiques. L’intuition peut être sensible, et s’identifie alors à la perception, ainsi qu’à ses formes a priori chez Kant (l’espace et le temps sont les formes a priori de l’intuition sensible). Elle peut être intellectuelle, et se ramène alors à l’intellection d’une vérité universelle (mathématique, par exemple). Enfin, en des sens divers, certains auteurs (dont Bergson) font de l’intuition le mode d’accès par excellence aux choses en soi ou à l’absolu, qui est l’objet propre d’une connaissance métaphysique. En ce dernier sens, l’intuition conserve donc quelque chose de l’intuition mystique, accès direct au divin qui se passe de toute représentation, aussi bien au sens mental (image, concept, etc.) qu’au sens institutionnel (le mystique passe outre les « représentants » de Dieu, ses églises et ses prêtres).
- J -
Jusnaturaliste, jusnaturalisme
Du latin jus naturalis, droit naturel. On nomme « jusnaturalistes » les théoriciens du droit naturel, en particulier du droit naturel moderne.
Jalousie
Du grec zelos, ébullition.
- L -
Libéral, libéralisme
Termes recouvrant des acceptions très diverses, mais dont le point commun est de manifester une méfiance à l’égard de l’action volontariste des pouvoirs publics et des instances collectives sur les activités privées. Le libéralisme est jusqu’au XVIIIe siècle un individualisme (Locke, Hume, Smith,…), qui revendique le droit souverain de l’individu à faire son propre bonheur, et assigne à l’État un rôle limité et contrôlé, celui de rendre possible la coexistence des initiatives et des ambitions individuelles ; c’est pourquoi le libéralisme inspire d’abord le réformisme démocratique et notamment la Révolution française. Au XIXe siècle, après l’expérience de la Terreur révolutionnaire, le libéralisme conservateur (Burke, Tocqueville, Guizot, Thiers,…) s’appuie sur l’hypothèse sociologique d’une organisation spontanée de l’ordre social selon les lois de la communauté et de la tradition, et se rapproche de la réaction politique, l’État ayant pour tâche de conserver l’ordre social existant et de le protéger contre les entreprises révolutionnaires volontaristes et constructivistes. Cette ambiguïté se retrouve aujourd’hui dans l’usage du terme. L’adjectif « libéral » désigne en particulier, en Europe, un courant politique de droite, le plus souvent allié à des courants conservateurs, alors qu’aux États-Unis le terme évoque une inspiration politique permissive et libertaire, qui considère l’usage de la liberté individuelle, quel qu’il soit, comme sacré.
Légitime défense
Est légitime ce qui est justifié par une raison d'être reconnue comme universellement valable, à distinguer de son contraire, l'arbitraire (ce qui n'a pas d'autre raison d'être que la volonté d'un individu ou d'un groupe particulier) et de son opposé, le légal (qui a une raison d'être, la loi, mais n'est pas forcément reconnue, par exemple lorsque la loi a été imposée de façon arbitraire par le pouvoir politique). Dans le cas de la légitime défense, Kant pose une distinction entre le droit et l'éthique: se défendre d'un « agresseur injuste qui en veut à ma vie et que je préviens en lui otant la sienne » ( Doctrine du droit), c'est exercer non pas un droit de contrainte mais une contrainte sans droit, une « violence licite contre une personne qui n'en a exercée aucune contre moi ». Cette « acte de conservation de soi par la violence ne doit pas être considéré comme innocent mais comme impunissable ». Un tel acte doit être considéré en soi comme injuste, comme une faute condamnable selon l'éthique mais non jugeable selon le droit, d'où l'indulgence d'un tribunal envers cet acte de nécessité car « nécessité n'a point de loi ».
Loi naturelle
Dans les théories du droit naturel, la « loi naturelle » désigne un ensemble de règles universelles et reconnues spontanément par les hommes, indépendamment de toute configuration culturelle, politique ou sociale. La loi naturelle prend la forme, dans la tradition issue de l’antiquité (« droit naturel classique »), d’obligations universelles, d’origine divine ou rationnelle. Dans le droit naturel moderne, la loi naturelle fondamentale est le droit que possède chaque individu de se conserver et de jouir de sa liberté et de ses biens.