La technique de dissertation

La dissertation est un exercice de réflexion sur un sujet qui présente un problème. Les jurys demandent de privilégier le travail de réflexion. Il ne s'agit pas de vouloir à tout prix "caser" des connaissances ou ressortir des fiches apprises par coeur. Tout exercice de rédaction implique le respect de la langue, de l'orthographe, de la grammaire et de la syntaxe. Il ne faut pas négliger la présentation générale de la copie, elle en dit long sur votre aptitude à communiquer et sera donc une des composantes de votre note. Il faut lire et étudier avec soin l'énoncé. Vous devez soumettre à un examen rigoureux tous les termes présents dans le libellé du sujet. Il faut proscrire le jargon journalistique. Vous devez souligner les titres d'ouvrages, mais pas le nom des auteurs. Les guillemets sont réservées aux citations. Il est nécessaire d'argumenter ce que vous avancez et de préciser les termes théoriques que vous utilisez. A priori (sauf cas particulier) un devoir d'économie s'écrit au présent. Les citations d'auteur doivent toujours être suivies d'un commentaire personnel, ce qui évite de leur donner un caractère purement ornemental. Elles doivent être des moyens au service de l'argumentation et non des fins en elles-mêmes. Il est important de toujours respecter la chronologie et le correcteur attend un certain nombre de connaissances essentielles qui formeront le coeur de son barème de notation ...

I - Des exemples d'analyse de libellés de sujet d'économie.

 "Le processus d'élargissement des Communautés européennes de 1961 à 1995".

Il est important de justifier les dates.
1961 : première demande d'adhésion du Royaume-Uni.
1995 : passage à l'Europe des Quinze. 
Il faut s'interroger sur le mot "processus" et montrer en quoi l'élargissement était dans la logique de la construction européenne (pour des raisons politiques et économiques).
Une étude des différents élargissements (1973, 1981, 1986, 1990, 1995) est indispensable. 
Les demandes d'adhésion du Maroc et de la Turquie posent le problème de la définition que l'on adopte pour l'Europe (espace culturellement homogène ou espace à géométrie variable à définir en fonction du degré de développement des pays).

"La France est-elle encore une puissance industrielle ?"

Ce sujet ne doit pas être confondu avec des sujets voisins, tels que : "Bilan de l'industrie française aujourd'hui" qui comporte uniquement une dimension statique.
Il incite à une double comparaison : la France d'aujourd'hui par rapport à la France d'hier ; et, la France par rapport au reste du monde.
Il est important de parler des bases de la puissance industrielle (population, investissement, matières premières) et de son environnement (action de l'État, valeurs collectives, etc.), des performances des entreprises et de la crises économique. Il faut aussi évoquer la question de savoir si la France est une puissance de premier plan ou une puissance intermédiaire (à partir de critères objectifs : parts de marché à l'exportation, place des groupes industriels français dans la hiérarchie mondiale, présence internationale liée aux flux d'investissements directs, effort de recherche, etc.). Y-a-t-il des symptômes de désindustrialisation ?
On peut aussi s'interroger sur le thème de la domination ou de la marginalisation (la France puissance dominante ou marginalisée ?). Il est important d'intégrer une dimension internationale : la production industrielle française est-ce celle qui s'effectue sur le territoire français ou celle qui est contrôlée par des groupes français éventuellement à l'étranger (thème des délocalisations) ? Enfin il faut replacer l'industrie française dans le contexte européen : perspectives et dangers offerts par le grand marché, programmes technologiques.

"A la lumière de l'évolution de l'économie française depuis 1870, la croissance des dépenses publiques vous paraît-elle inéluctable ?"

A propos des "dépenses publiques" : il est fondamental de souligner qu'il ne s'agit pas uniquement des dépenses de l'État, mais aussi de celles des collectivités locales et depuis 1945 de la Sécurité sociale. 
Un problème de méthode se pose immédiatement : faut-il mesurer la croissance des dépenses publiques en valeur ? en volume ? en % du PNB ? 
Il faut justifier la date de départ (début d'une phase de dépression). 
Une réflexion doit s'engager sur l'adjectif "inéluctable" (ce contre quoi on ne peut lutter, ce qu'on ne peut pas éviter). Les pouvoirs publics sont-ils toujours conduits à pousser plus loin la socialisation de l'économie ? Les dépenses publiques sont-elles une variable économique par rapport à laquelle les gouvernements n'ont de pas de prise ?

II - Rassembler ses connaissances.

Après l'analyse du sujet, il faut passer en revue les différents aspects de la question posée afin que votre devoir soit le plus complet possible. Ainsi dans un devoir d'histoire il faut évoquer les dates-clés et les personnages qui ont joué un rôle important. Il ne faut pas hésiter à détailler les mécanismes économiques susceptibles d'éclairer la situation. Il est important de se poser des questions afin de retrouver rapidement l'ensemble de ses connaissances. Quelles sont les limites géographiques du sujet ? Quelles sont les conséquences du phénomène étudié ? Etc.

III - Les différents types de plan.

Le plan doit être évolutif et les parties doivent représenter un volume à peu près égal. Il est important de s'entraîner régulièrement à rechercher des problématiques et à rédiger des plans détaillés. Il existe des plans types qui peuvent être utilisés presque systématiquement.

Le plan chronologique.

Il consiste à opposer des périodes historiques ayant une forte homogénéité interne. Ce plan ne doit jamais se limiter à une juxtaposition de dates et d'événements.

Le plan semi-chronologique.

Il consiste à bâtir une 1ère partie sur les explications et une seconde partie sur les évolutions. Ainsi sur le sujet précédemment étudié : "Le processus d'élargissement des Communautés européennes de 1961 à 1990", on peut adopter le plan suivant :
1. Le cadre et les causes des élargissements,
2. Les différentes étapes de l'élargissement et les problèmes posés à chaque étape. - Le plan mixte. Il repose sur une première partie historique suivie de deux parties synthétiques.

Le plan dialectique.

Il repose sur la structure : Thèse, Antithèse, Synthèse. Le plan dialectique peut être simplifié et devenir de "type dialectique". Ce plan comporte alors deux parties qui ne s'opposent pas complètement comme les deux premières parties du plan précédent : la seconde partie ne fait que nuancer la première (1ère partie : oui..., 2ème partie : mais...).

Le plan logique.

Il repose sur l'enchaînement : Comment ?, Pourquoi ?, Jusqu'où ?. Parfois il est possible de construire un plan selon une logique assez proche : Conjoncture, Structure, Problèmes.

IV - L'introduction et la conclusion.

L'introduction doit partir d'un thème général et se focaliser sur le problème posé. Quand ce problème n'est pas explicite dans l'intitulé du sujet, c'est au candidat de l'expliciter. Lorsque l'intitulé se prête à une certaine marge d'interprétation, justifier l'interprétation retenue. Il faut dire clairement en quoi le problème consiste, identifier les difficultés à résoudre, et le faire d'une manière telle que le plan s'en déduise directement. L'introduction doit définir les termes du sujet et annoncer un plan. Elle doit être courte et poser clairement une problématique. Il ne faut pas que l'introduction se transforme en un remplissage inutile, vous devez aller à l'essentiel. La conclusion doit répondre à la problématique posée. Deux types de conclusion sont envisageables :

  • celles qui sont fermées (bilan, synthèse) ;
  • celles qui sont ouvertes (élargissement de la problématique).
  • Il est important que la conclusion ne se contente pas de résumer ce qui a déjà été dit. Elle doit montrer en quoi les différentes étapes du développement ont effectivement permis d'apporter une réponse aux difficultés soulevées dans l'introduction.

    V - La rédaction du devoir.

    Il est important que les différentes parties et sous-parties soient facilement repérables : n'hésitez pas à sauter des lignes. Évitez l'utilisation prétentieuse d'un jargon pseudo-économique "la désubstantation de l'industrie",... ou les formules journalistiques "les vagues de dégraissage"..., ou des concepts théoriques que vous êtes incapables de définir "l'économie monde", ... Il faut apporter un soin particulier aux transitions. Il faut que le candidat fasse preuve de rationalité dans l'organisation de son discours écrit. N'hésitez pas à rappeler régulièrement l'intitulé exact du sujet au cours du développement pour vérifier et souligner qu'il est toujours pris en compte dans sa totalité et dans sa particularité. Il faut s'interroger, poser des questions, débattre et proposer des réponses. Les correcteurs attendent du candidat qu'il démontre et non qu'il en reste uniquement à des descriptions. Ne cherchez pas à mettre le plus de connaissances possibles dans votre devoir : la qualité doit primer sur la quantité (c'est pour cela que certaines écoles fixent un nombre de pages maximal à ne pas dépasser : huit à HEC). On ne vous demande pas d'accumuler des faits, mais de construire un raisonnement. Le texte que vous écrivez doit se suffire à lui-même, il doit pouvoir se défendre seul, sans son auteur, face au lecteur. Ne négligez pas l'aspect calligraphique : le soin porté à l'écriture est aussi un paramètre d'appréciation.

    Quelques conseils :

  • expliquer toujours ce à quoi vous faites allusion (en utilisant les parenthèses, les entre-tirets) ;
  • préciser en toutes lettres la signification des sigles utilisés ;
  • vous pouvez renvoyer à un schéma que vous aurez réalisé sur une feuille à part et expliqué préalablement ;
  • utiliser sans abus les anecdotes que vous avez lues dans la presse économique ou dans les manuels, cela enrichira et singularisera votre copie.
  • VI - Les principales critiques (relevées dans les rapports de Jury).

  • absence de problématique ;
  • le plan n'est pas annoncé ;
  • récitation du cours, manque de réflexion personnelle ;
  • chiffres incertains ;
  • trop de fautes d'orthographe ; 
  • manque de rigueur (absence d'organisation cohérente de la pensée, changement injustifié du sens des termes au cours du devoir). 
  • Profitez pleinement de nos services !

    Dans ce mode, tous les documents sont visibles, mais présentés sous forme d’extraits.
    LES AUTEURS

    David COLLE et Frédéric TEULON sont professeurs à Ipesup.