L'internationalisation des économies et la multiplication
des échanges supposent la nécessité de pouvoir faire circules
des biens et services et des capitaux par l'intermédiaire d'un moyen d'échange
favorable à chaque économie nationale. Le taux de change est ainsi
l'évaluation d'une monnaie sur le marché des changes et sa convertibilité
en monnaies étrangères . Le taux de change nominal est le nombre
d'unités étrangères nécessaires pour obtenir l'équivalent
d'une unité nationale tandis que le taux de change réel est le prix
relatif de produits en monnaie étrangère par rapport au prix des
produits en monnaie nationale. Depuis la révolution industrielle , plusieurs
systèmes monétaires internationaux se sont succédés
, visant à faciliter les échanges mais entraînant de fortes
fluctuations des parités monétaires . Le système monétaire
qui prévalait jusqu'en 1914 ( Gold Standard ) a été source
de stabilité des changes. La recherche de stabilité des parités
a caractérisé chaque SMI et a été l'objectif des politiques
monétaires en changes fixes et des marchés monétaires en
changes flottants. Il s'agit donc de se demander si l'on peut trouver un modèle
de détermination des taux de change qui limiterait les fluctuations . A
ce titre, la naissance de l'euro , qui ouvre la voie possible d'une nouvelle façon
d'échanger , ne constituerait-il pas la résolution des contraintes
des déterminants des taux de parité ? Nous verrons donc dans un
premier temps que les systèmes monétaires de parités fixes
d'avant 1973 ont essayé de trouver des déterminants stabilisateurs
des taux de change mais l'échec de ces deux systèmes successifs
montre l'inefficacité de ces déterminants. Puis , nous montrerons
dans un second temps que le système de changes flottants , rompant avec
les parités fixes, est dans l'obligation d'introduire de nouveaux déterminants
des parités monétaires. Enfin, nous analyserons pourquoi le modèle
des déterminants ainsi établi n'est pas fournisseur de stabilité.
L'euro ne résoudrait-il pas cette question des déterminants des
changes ?
*
Les deux systèmes monétaires internationaux qui
se sont succédés entre 1918 et 1973 on semblé avoir établi
des déterminants de leur taux de change en parités fixes.
Après la crise du système de l'étalon or dans les années
1920 avec la fin de la première Guerre Mondiale , l'or ne peut plus être
l'étalon qui permet la convertibilité des monnaies . Beaucoup
de monnaies ne peuvent plus avoir de réserves en or, d'où la nécessité
de trouver une autre manière de convertir les monnaies . En 1922 est
crée le système de Gênes où seules la livre sterling
et le dollar sont convertibles en or . Les autres monnaies étrangères
doivent s'approvisionner de ces monnaies de référence dans les
échanges. Dans ce système de parité fixe, la position du
pays dans l'économie mondiale semble être déterminant de
la valeur de sa monnaie. En effet , le RU est le pays clé de la RI et
tient la première place mondiale dans les échanges . Le niveau
du commerce extérieur confère la place monétaire dominante
d'un pays. Si un pays est premier dans les échanges mondiaux , sa monnaie
circule sur tous les marchés et tend à prendre la place de monnaie
de référence.
Cependant , avec la crise des années 1930 et la seconde guerre mondiale
, le système de Gênes est dépassé . La livre sterling
est obligé de dévaluer à plusieurs reprises jusqu'à
perdre la confiance des agents . L'hyperinflation du mark entraîne une
dépréciation sans précédent de la monnaie (dévaluation
de 1931 ) : il faut un nombre colossal d'unités en mark pour obtenir
une unité en dollar. La crise monétaire entraîne la fin
du système de Gênes . En juillet 1944 , un nouveau système
monétaire est crée ; le système de Bretton Woods (Gold
Exchange Standard) , où le dollar devient la seule monnaie convertible
en or. Le dollar est considéré " as qood as qold " et
les monnaies étrangères sont converties en dollar . Les Etats-Unis
qui sortent vainqueurs de la guerre tiennent la première place mondiale
. Là encore la place économique du pays lui permet d'imposer sa
monnaie sur le marché des changes comme monnaie de référence.
Le déterminant majeur des taux de change en parités fixes semble
être la place économique et le poids de son commerce extérieur
qui confère au pays la première place monétaire. Dans les
années 1920, Cassel énonce sa théorie de la parité
du pouvoir d'achat : soient deux pays A et B ; le prix d'un bien en monnaie
nationale du pays A doit être , après conversion des changes ,
le même prix en monnaie étrangère du pays B . Il semble
évident que le taux de change doit être évalué en
fonction de la parité du pouvoir d'achat de chaque monnaie nationale
(PPA). S'il ne l'est pas , le pays ayant le taux de change le plus bas (leader
sur le marché des changes ) peut avoir avantage à acheter pour
un coût plus faible les mêmes biens dans le pays ayant un taux de
change élevé (incidence de l'inflation ou de la déflation
à cet égard) . Ainsi , en parités fixes , les changes s'établissent
selon cette PPA , qui permet , grâce aux taux de change réel ,
d'évaluer objectivement les monnaies. Cependant, les fluctuations importantes
du dollar et la méfiance des agents vis-à-vis de cette monnaie
, entraîne sa dépréciation . La monnaie américaine
circulait en masse dans les autres pays étrangers et cette abondance
du dollar (eurodollars) fait que le dollar ne peut être la monnaie de
référence.
*
Face à la PPA et à l'état du commerce extérieur
, déterminants insuffisants du taux de change, le nouveau système
monétaire depuis 1973 a dû établir de nouveaux déterminants.
Le système de Bretton Woods avait fourni une certaine stabilité.
En parité fixe , le taux de change peut fluctuer par l'action des politiques
monétaires. Les banques centrales peuvent ajuster les taux en fonction
des situations monétaires. Cependant , en change flottant, l'action des
politiques monétaires est très restreinte. Dans un système
de change flottant , les taux de change varient en fonction de l'offre et de
la demande de monnaie. Selon Friedman , partisan des changes flottants , il
faut laisser le marché s'ajuster de lui-même . En effet , en cas
de déficit de la balance courante , le pays en déficit est obligé
de vendre sa monnaie nationale qui tend alors à s'apprécier ;
la balance courante peut ainsi se rétablir toute seule sous l'action
du marché. D'autre part, les taux d'intérêt jouent un rôle
prépondérant dans la fixation des taux de change : une baisse
du taux d'intérêt entraîne une augmentation de la masse monétaire
(inflation) , la monnaie abondante tend à se déprécier
et son taux de change augmente. Inversement , une augmentation des taux d'intérêts
peut entraîner une baisse des prix (déflation ) qui permet l'appréciation
de la monnaie et qui provoque une diminution dans l'élaboration des changes
sur le marché des changes. Les taux d'intérêts ont aussi
une influence sur les flux de capitaux : l'attraction des capitaux entraîne
une appréciation de la monnaie. Ainsi , il est nécessaire d'établir
une parité des taux d'intérêts entre monnaies nationales
afin de stabiliser les taux de change.
L'exemple du dollar et de ses fluctuations depuis 1979 montre bien l'influence
de l'instabilité sur les taux de changes (appréciation et dépréciation
). De 1979 à 1985, le dollar est relativement fort mais à partir
de 1985jusqu'en 1988 , il subit une forte dépréciation . Une politique
restrictive est mise en place afin de limiter la création monétaire.
L'inflation passe de 9 % à 3-4 %, grâce à une augmentation
des taux d'intérêts . Les accords du Plaza en 1985 puis ceux du
Louvre en 1987 visent à réapprécier le dollar par une baisse
de l'inflation . La lutte contre l'inflation est un élément déterminant
de la stabilité des changes . Elle fut une priorité dans les années
1980 en Frnace.
La spéculation , phénomène qui se développe sur
le marché des capitaux depuis les années 1980, est l'achat du
monnaie alors à cours faible et sa revente plus tard en vue d'en tirer
un bénéfice . Elle peut être positive et réguler
les taux mais aussi négative et déstabiliser le libre réajustement
des marchés. Pour Friedman , la spéculation permet de dynamiser
le marché des changes . Elle s'accompagne d'anticipations et provoque
la " prophétie autoréalisatrice " , en ce sens qu' une
dépréciation anticipée entraîne un achat massif de
la monnaie en vue de la revendre après ; cet achat provoque en lui-même
une inflation et donc une dépréciation . Les investisseurs , aujourd'hui
appelés aussi les cambistes , agissent massivement sur les changes ,
par des investissements de portefeuille et des investissements directs à
l'étranger (IDE) .
*
Il semble qu'un nombre de déterminants des taux de change sont apparus
depuis le développement et l'ouverture des marchés monétaires
. Un modèle de l'établissement semble prévaloir aujourd'hui
mais n'est-il pas remis en cause par la monnaie unique qui abolit l'existence
même des taux de parité.
Le système de change , qu'il soit fixe ou flottant , détermine
lui-même les changes . L'or , le dollar , puis les devises étrangères
ont déterminé chaque taux des monnaies étrangères
, en fonction d'un principe de référence . Fleming et Mundell
ont montré la difficulté d'agir sur les taux de change en même
temps que d'autres variables et montrent ainsi la difficulté à
déterminer les taux de change. Selon eux , il est impossible d'assurer
à la fois la stabilité des taux de change la circulation des capitaux
et l'autonomie des politiques monétaires. Si on choisit la fixité
des changes et des taux d'intérêts , on pénalise les mouvements
de capitaux (cas de la France dans les années 50_60). Si on choisit la
fixité des changes et les mouvements de capitaux , on ne peut agir sur
les taux d'intérêts (cas de la France dans les années 80)
. Si enfin , on choisit les mouvements de capitaux , la fixité des taux
de change est difficile (cas du RU en 1992). Il semble aujourd'hui que les changes
se déterminent par l'action respective de plusieurs variables : la PPA
, la parité des taux d'intérêts , la spéculation
, les investissements et les politiques monétaires ( système de
parité fixe et de flottement impur). Est-il possible de trouver un modèle
entre le système de parité fixe et celui des changes flottants
? La théorie de Williamson semble essayer de trouver un consensus en
élaborant des zones cibles sur lesquelles il faut agir en déterminant
spécifiquement les taux de change.
Mais face à cette profusion de déterminants , qui ne semblent
pas résoudre les fluctuations des parités de monnaie depuis 1918,
l'euro semble mettre un point d'orgue à ce problème des taux de
change. En effet, la monnaie unique au sein de l'Europe est une volonté
ancienne . Après la création du Serpent monétaire en 1972
puis du SME en 1979 et enfin le sommet du traité de Maastricht en 1991
(UEM ) , l'Europe parvient enfin à cette union monétaire . L'euro
, entré en vigueur le 1er Janvier 1999, sera la seule monnaie circulant
en Europe en Juin 2002 . Dans le système monétaire européen
, les taux de change étaient fixes et les pays devaient respecter les
critères de convergence . Ce système semble être un îlot
de stabilité des changes et avoir réussi ce que les déterminants
des taux de change ont râté : la stabilité. L'euro semble
être la solution au problème des changes puisque cette monnaie
unique les supprime , et ainsi en finit avec les taux de conversion. Les politiques
monétaires doivent être communes et c'est maintenant les taux de
change avec le dollar et le yen qui sont en question . Les déterminants
des taux de change seront l'affaire des politiques coordonnées et de
la BCE .
Les déterminants des taux de change , peu nombreux dans
un système à parité fixe , se sont multipliés en
même temps que le développement des flux de capitaux et des marchés
financiers internationaux . Les déterminants des parités semblent
n'avoir pas permis la stabilité des changes, peut-être par la modification
sans cesse des échanges eux-mêmes . La monnaie unique confère
ainsi une stabilité dans les échanges au niveau national mais
aussi international. Les déterminants des taux de change évolueront
vraisemblablement en fonction même de la modification de l'organisation
des monnaies. La vison générale qui prévaut est que les
déterminants se modifient en fonction des fluctuations même des
monnaies et des systèmes monétaires internationaux.