Le chômage est une situation dans laquelle un actif
n'occupe pas d'emploi alors qu'il en recherche un. C'est un phénomène
massif dans les pays développés à économie de marché
(PDEM), excepté dans les pays anglo-saxons et au Japon, pour l'essentiel.
Le chômage persiste notamment en France depuis le milieu des années
70 après avoir atteint 2 millions d'actifs en 1982, puis plus de 3 millions
en 1997. En 2001, au mois de décembre, il concernait 2,2 millions d'actifs
selon l'Agence Nationale pour l'Emploi (ANPE) et 2,4 millions au sens du Bureau
International du Travail (BIT), soit 9,3 % de la population active. Pour tenter
de cerner l'ampleur et la profondeur du chômage, les approches se sont multipliées,
notamment celle de l'influence du salaire (revenu du travail) sur le niveau de
l'emploi. C'est pourquoi on peut se demander dans quelle mesure le salaire est
nuisible à l'emploi, c'est-à-dire qu'il crée du chômage
?
Pour répondre à cette question, nous verrons en premier lieu qu'un
faible niveau de salaire peut ne pas inciter à travailler. En second lieu,
nous montrerons en quoi un salaire trop élevé peut décourager
les employeurs à embaucher. En troisième et dernier lieu, nous tâcherons
de décrire les politiques actives favorisant l'emploi, compte tenu du salaire.
Traditionnellement, les salaires ont tendance à augmenter
quand le chômage diminue parce que la main- d'uvre inoccupée
se faisant plus rare, il faut chercher à l'attirer par un salaire plus
élevé. Dans l'autre sens, les salaires tendent à diminuer
quand le chômage augmente parce que la " pression " se relâche
sur le marché du travail. Dans les 2 cas, ce sont surtout les emplois
peu qualifiés et faiblement rémunérés qui sont concernés.
Ainsi, un emploi peu rémunéré peut inciter les actifs inoccupés
à rester au chômage compte tenu du faible gain obtenu par le salaire
mais aussi par la perte de certains avantages sociaux.
Les actifs choisissent de travailler en tenant compte de plusieurs facteurs
: la salaire et les loisirs ; en effet, il existe une courbe d'indifférence
selon laquelle se combinent temps de travail et temps de loisirs compte tenu
du salaire offert. Ainsi, plus le salaire est élevé, plus l'actif
est prêt à sacrifier une partie plus grande de son temps de loisirs.
Dans le cas d'un emploi faiblement rémunéré, beaucoup d'actifs
n'accepteront pas cet emploi car les gains obtenus en situation de travail ne
seront pas plus élevés qu'en situation de non travail. C'est ainsi
valable pour les ménages qui ont des enfants et dont un parent pourrait
occuper un emploi peut rémunéré, c'est-à-dire de
l'ordre du SMIC qui vaut 42.03 francs nets de l'heure au mois de juillet 2001.
Si ce parent (en général une femme) occupe cet emploi, cela signifie
qu'il devra dépenser de l'argent pour la garde des enfants, pour se déplacer
sur son lieu de travail
Parfois, il peut être plus rentable de ne
pas travailler compte tenu des faibles gains économiques et sociaux obtenus.
C'est ce que dans une optique libérale on appelle le chômage volontaire
: un actif choisit de ne pas travailler au regard du faible salaire qui s'est
fixé selon les lois du marché (confrontation de l'offre et de
la demande de travail). Ce choix du non travail est d'autant plus vrai qu'il
existe beaucoup d'avantages sociaux pour les travailleurs.
Même si la situation du chômage est loin d'être idéale,
elle peut être préférable en cas de proposition d'emploi
faiblement rémunéré, compte tenu de la large protection
sociale. En effet, beaucoup de prestations s'offrent aux chômeurs : allocation
chômage (1958 sous de Gaulle) (même si 55 % des chômeurs seulement
sont concernés), allocation logement, revenu minimum d'insertion (créé
en 1989 sous F Mitterrand). Si les chômeurs concernés par ces prestations
retrouvent un emploi faiblement rémunéré, ils perdent leurs
avantages sociaux. Or Ces emplois sont la plupart du temps précaires
(contrat à durée déterminée, intérim, contrat
emploi solidarité
). Donc, la probabilité d'un retour au
chômage est bien plus élevée que pour la moyenne des autres
emplois stables et les démarches pour récupérer les aides
sociales sont longues et complexes. Ainsi voit-on que l'assistance des chômeurs
qui est indispensable si l'on veut éviter les phénomènes
d'exclusion et de pauvreté, a des effets pervers, notamment pour ce qui
concerne l'incitation à travailler, puisque le retour à l'emploi,
dans bien des cas, conduit à une situation incertaine, surtout au niveau
financier, étant données les faibles rémunérations.
Si un salaire trop faible démotive les salariés à travailler,
un salaire trop élevé peut démotiver les employeurs à
embaucher du personnel. En effet, le salaire étant une composante des
coûts de production, il joue sur la compétitivité de l'entreprise.
Aussi, le salaire est-il déterminé par des conventions collectives
qui peuvent peser sur les coûts.
Tout d'abord, le salaire fait partie du coût du travail (salaire auquel
s'ajoutent les charges sociales). S'il augmente (à cause de certaines
revendications syndicales notamment), les coûts de production vont indubitablement
augmenter, ce qui va jouer à la baisse sur la compétitivité-prix
des entreprises. La demande diminuant, la production va s'ajuster à cette
baisse et les licenciements vont se multiplier, occasionnant au passage une
hausse du chômage et la substitution du capital au travail, surtout si
la hausse des salaires s'est faite sur des emplois peu qualifiés, facilement
remplaçables par des machines. C'est pourquoi les employeurs souhaiteraient
déterminer le niveau de salaire de façon individuelle, pour éviter
ce genre de dérapage conduisant au chômage.
Mais la plupart du temps, pour des secteurs comme l'industrie, les salaires
font l'objet selon les keynésiens de négociations salariales grâce
à l'action des syndicats. Par les conventions collectives obtenues d'un
commun accord entre patronat et syndicats, les salaires ont tendance à
être supérieurs à l'équilibre avec la productivité
marginale du travailleur, ce qui fait que la pression sur les coûts de
production augmente et les employeurs ont tendance à limiter leurs embauches.
Cela ne favorise évidemment pas la diminution du chômage. Selon
les libéraux, la flexibilité des salaires conduirait au plein
emploi, par confrontation de l'offre et de la demande de travail. Or, les salaires
étant rigides à la baisse, la flexibilité ne se fait que
par les licenciements en cas de difficultés économiques.
Nous voyons donc que le coût du travail dans lequel s'inscrit le salaire
est un élément clé de la compétitivité des
entreprises par les prix. Si cette compétitivité diminue, elle
entraîne dans la plupart des cas une hausse du chômage étant
donnée la situation économiquement rude dans laquelle se situe
l'entreprise, qui n'a d'autres solutions que les licenciements.
Face aux difficultés croissantes de la détermination des salaires
liées d'un côté à l'offre de travail et de l'autre
côté à la demande de travail, l'Etat tend ces dernières
années à mener des politiques actives pour agir sur le niveau
de l'emploi, compte tenu du salaire. Si Friedman a prôné dans les
années 70 un taux de salaire n'affectant pas le niveau de chômage
(NAWRU : non accelerating wages rate of unemployment), les gouvernements actuels
tendent à partir de l'emploi et non pas des salaires. Pour eux, la création
d'emplois favorisera la distribution de salaires, soutenant ainsi la demande,
donc la création d'autres emplois et le partage des fruits de la croissance
à travers la valeur ajoutée, de plus en plus favorable aux salariés,
c'est-à-dire que les salaires augmenteront.
Ainsi, l'Etat a multiplié les initiatives pour inciter les chômeurs
découragés à travailler. Tout d'abord, le gouvernement
a mis en place des emplois-jeunes et des contrats emplois solidarité.
Ces emplois qui sont publics sont facilement accessibles, ce qui favorise ainsi
le retour à l'activité réelle des chômeurs. De plus,
ils peuvent déboucher, à l'issu du contrat à durée
déterminée sur un emploi stables et mieux rémunéré.
Ensuite, le PARE (plan d'aide au retour à l'emploi) a été
crée : par ce plan, les chômeurs s'engagent à suivre des
formations en échange du maintien de leur allocation, et à accepter
rapidement un emploi qui correspond à leur recherche, sous peine de se
voir privés d'allocation. De cette façon, les chômeurs mieux
formés sont amenés à retrouver un emploi relativement plus
rapidement.
De l'autre côté (du côté des employeurs), l'Etat accorde
quelques faveurs pour inciter à embaucher. Par exemple, dans les années
90, les entreprises ont vu leurs charges sociales sur les bas salaires diminuer.
Ce qui fait que les entreprises ont pu embaucher plus rapidement (on avance
régulièrement le nombre de 400 000 emplois crées par cette
mesure). De cette façon les bas salaires n'ont pas été
nuisibles pour l'emploi, au contraire, ils l'ont favorisé. De plus, l'Etat
a favorisé la flexibilité du travail par la multiplication des
nouvelles formes d'emploi (NFE) : temps partiel, CES, contrat à durée
déterminée
Ces emplois rémunérés sur
la base du SMIC, ont favorisé les embauches puisque plus de 70 % des
emplois créés ces dernières années étaient
de cette forme. Aussi, permettant aux entreprises d'être compétitives
car débarrassées de contraintes liées aux coûts élevés
du travail, ces NFE on finalement été favorables à la croissance
économique donc au retour à l'emploi avec la création d'un
million de postes depuis 1997. Le chômage diminuant, les rémunérations
du travail ont pu augmenter.
On peut donc conclure en disant que la fixation du salaire pose problème
puisque si elle est trop élevée, elle désincite les chômeurs
à travailler. C'est pourquoi l'Etat tend à développer son
intervention du côté de l'offre et de la demande de travail. Ne
devrait-il pas plutôt maîtriser sa politique sociale désincitative
et alléger sa fiscalité sur le travail ? Toujours est-il que la
fixation du salaire est d'autant plus délicate que la croissance économique
est faible et que le partage de la valeur ajoutée est favorable aux entreprises.
C'est pourquoi l'Etat doit jouer un rôle de soutien à la croissance
pour d'une part créer des emplois mais aussi pour les rémunérer
plus généreusement. Dans ces conditions, on peut dire que les
salaires ne nuisent pas à l'emploi, au contraire, ils le favorisent,
parce que la distribution de salaires supplémentaires entraîne
une hausse de la demande. Pour répondre à cette hausse, les embauches
augmentent, ce qui fait décroître le chômage.