Les après-guerres en Europe ; 1919-1925, 1946-1952.

Bonnes Copies

Bonne copie du lycée : 75 - Paris - Lycée Louis le Grand

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Commentaire du professeur : Commentaires du professeur : devoir intelligent. Il faut apporter un peu plus de précision à propos des frontières, souvent imparfaites. En outre, il y a bien une leçon à tirer de l'affrontement entre le capitalisme et le communisme.



A l'issue du second conflit mondial, dont elle fut aussi l'un des principaux théâtres d'opérations, l'Europe est détrônée, semble t'il pour longtemps, de sa place de première puissance économique mondiale conquise depuis une industrialisation pionnière au XIXe s. Cependant, elle demeure au centre d'un conflit qui marque toute la seconde moitié du XXe s.: la guerre froide. Après une guerre, les premières orientations décidées par un état ou imposées à lui sont déterminantes, tant elles relèvent d'une certaine conception de la reconstruction, de l'indépendance, des leçons des après-guerres passés. Face au jeu des expansionnismes du bloc occidental, mené par les Etats-Unis et du bloc de l'Est, mené par l'URSS, L'Europe doit faire -ou subir- un choix, sa relative neutralité et son statut de troisième grande puissance étant désormais très compromis : entre capitalisme et socialisme, l'Europe fait la difficile expérience de la nécessité de son union, qui suivra deux modèles opposés, précoce et audacieux à l'Est, plus libre et progressif à l'Ouest…Après avoir été divisée en pays vainqueurs et vaincus, l'Europe est divisée entre deux idéologies.
L'après-guerre a ainsi une double dimension : il y a deux après-guerres, un après chaque conflit mondial, et aussi un en Europe de l'Est et un en Europe de l'Ouest après 1945. De 1919 (traité de Versailles) à 1925 (en pleine prospérité capitaliste) et de 1946 à 1952 (en pleine guerre froide), que distinguent et révèlent les après-guerres en Europe ?
Nous étudierons le poids de l'héritage des guerres mondiales, puis l'affaiblissement de l'Europe qui montre son incapacité à se reconstruire et à assurer seule sa protection, enfin l'émergence de deux modèles de construction européenne.


Si les conséquences des deux conflits mondiaux restent dramatiques en Europe, les voies empruntées pour les surmonter diffèrent entre les deux après-guerres.
Les bilans immédiats sont désastreux. Les dégâts matériels dus aux combats (dans l'Est de la France après la première guerre mondiale) ou aux bombardements (à Dresde ou Londres après le deuxième conflit), les pertes humaines, militaires ou civiles, le choc subi par les populations fragilisent durablement une Europe qui fut le principal lieu d'affrontement de deux conflits mondiaux que moins d'un demi-siècle sépare. L'Europe doit faire face à une pénurie de main d'œuvre, à la destruction ou à la délocalisation (notamment en URSS) ou à la perte de son potentiel industriel, due aux retrecissement des frontières des pays vaincus après 1919. Cependant, le bilan de la deuxième guerre mondial est encore plus lourd que celui de la première, et plus inégal selon les pays européens : l'Allemagne a pu préserver l'essentiel de son potentiel industriel tandis que la Pologne a été véritablement laminée deux fois.
Le redémarrage économique est moins chaotique après 1945. En effet, la grave crise de surproduction de 1920, qui manifeste la difficulté de reconversion des industries de guerre face à la brusque chute des débouchés en temps de paix, ne connaît pas d'équivalent dans les années 1950. Ceci est la preuve que les états ont su tirer des leçons, et que la course aux armements qui caractérise la guerre froide naissante sera un moteur des économies de l'Est et de l'Ouest. De plus, après avoir assigné des buts de guerre et fait l'expérience d'un certain dirigisme pendant les deux guerres, l'Etat s'affirme, partout en Europe, comme un acteur économique incontournable.
Enfin, l'attitude des pays vainqueurs face aux vaincus change radicalement d'un après-guerre à l'autre. En effet, dans le traité de Versailles de 1919, la France impose un vrai "diktat" à l'Allemagne (perte de territoires à l'Est au profit de la Pologne et de la Tchecoslovaquie, énormes dédommagements), les empires austro-hongrois et ottoman sont démembrés par décision des vainqueurs ouest-européens (Royaume Uni, France), afin d'en servir les interêts sans tenir compte du principe des nationalités. Le principe qui préside au règlement de la deuxième guerre mondiale n'est plus la vengeance. Il est vrai que ce sont les puissances extra-européennes (URSS et Etats-Unis) qui décident des aménagements territoriaux. Les Etats-Unis sont ainsi plus soucieux de reconstruire une Allemagne forte pour en faire un rempart à la menace soviétique. Ainsi, la France renonce à exploiter les gisements de la Sarre. Les ensembles régionaux construits à l'Ouest et à l'Est intègrent désormais au même niveau pays vainqueurs et vaincus, effaçant les rivalités pourtant très récentes face aux impératifs d'une nouvelle guerre : la guerre froide.

Dans les après-guerres, l'Europe affaiblie est incapable de se reconstruire seule et d'assurer sa propre protection face à la menace de la guerre froide.
Les grandes puissances aident partiellement aux reconstructions de l'Europe. Les Etats-Unis, encore réticents à assurer leur leadership révélé après la première guerre mondiale, secourent ainsi l'Allemagne bouleversée par une hyperinflation qui a fait disparaître sa monnaie en débloquant des fonds dans le cadre du plan Dawes en 1924. Mais c'est surtout l'aide Marshall, aide financière considérable proposée aux Etats-Unis à tous les pays européens (et aussi à l'URSS) en 1947 qui illustre combien l'Europe ne peut plus se reconstruire par elle-même. Cette aide est redistribuée aux pays ouest-européens dans le cadre d'une première grande organisation de coopération économique européenne, l'OECE (1949) . En effet, le deuxième conflit mondial a permis à l'URSS d'être internationalement reconnue comme une grande puissance. Le bloc occidental, qui avait tenté dans le premier après-guerre de renverser la révolution communiste de 1917, sait désormais que le dirigeant soviétique Staline, au pouvoir depuis 1928, est à la tête d'une nouvelle grande puissance à l'idéologie alternative. Sous pression soviétique, les pays est-européens, notamment la Yougoslavie de Tito, refusent l'aide Marshall.
L'Europe, après le traumatisme d'une guerre mondiale, s'est montrée soucieuse d'assurer la paix sur son territoire.
Cette volonté s'est traduite par la constitution de la SDN en 1920, puis par celle de l'ONU en 1946, regroupant la plupart des états européens aux côtés des Etats-Unis et de l'URSS, dont le but était d'être plus efficace que l'expérimentale SDN. De plus, l'Europe doit, après la deuxième guerre mondiale, assurer sa sécurité : la guerre continue ; chaque partie de l'Europe au sein de laquelle la coupure Est-Ouest devient de plus en plus nette se sentant menacée par le camp opposé. L'Europe occidentale intègre ainsi avec les Etats-Unis une alliance militaire en 1949, l'OTAN.
Devant le souvenir de l'insuffisance d'une organisation internationale pour la paix (la SDN) qui n'a pas pu empêcher un second conflit mondial, la nécessité d'une union qui complèterait l'aide reçues des puissances dominatrices respectives est au cœur du problème de la reconstruction de l'Europe dans le deuxième après-guerre.


Deux modèles d'intégration européenne se dessinent entre 1946 et 1952.
L'Europe n'est non plus divisée entre pays vainqueurs et pays vaincus, mais entre pays alliés du bloc de l'Est (l'URSS voulant en faire un glacis protecteur) et pays alliés du bloc occidental (dans l'interêt des Etats-Unis, qui recherchent des débouchés sur les marchés ouest-européens, qui ne s'inféodent pas aux Etats-Unis). Cette coupure de l'Europe, à la fois géographique, idéologique et économique, est symbolisée par l'insensée coupure d'un même pays en deux : l'Allemagne, officiellement RDA et RFA en 1955.
Les pays d'Europe de l'Est (Tchecoslovaquie, Albanie, Hongrie, Roumanie, Pologne, RDA) deviennent très vite après la seconde guerre mondiale des démocraties populaires dans lesquelles un même schéma unique est imposé sur le modèle soviétique. Dans ces pays, où l'héritage démocratique est encore fragile voire inexistant, où l'industrialisation est inégale, des Fronts Nationaux sont constitués à la tête de chaque gouvernement national par la force et la répression sans grande résistance (à l'exception notable de la Tcheoslovaquie) pour permettre au pouvoir central moscovite de contrôler indirectement ces états. Cette satellisation rapide se traduit par la transposition directe et sans aménagement tenant compte des spécificités nationales du modèle soviétique : l'agriculture est collectivisée, les entreprises nationalisées, toute l'économie planifiée (les premiers plans débutent tous avant 1950). Cette coopération se manifeste dans tous les domaines : militaire (Pacte de Varsovie), économique (CAEM en 1945), idéologique (Komminform en 1947). C'est une intégration européenne rapide, radicale, rigide dans laquelle une organisation en centre-périphérie au bénéfice de l'URSS révèle le manque de liberté des populations.
A l'Ouest se développe une organisation différente, qui conserve une économie de marché. La France, le Royaume Uni, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la Grèce, le Bénélux 'union douanière crée en 1944), la RFA se regroupent également sous l'égide d'une grande puissance, les Etats Unis, dans le cadre de l'OECE en 1949. Cependant, les états font le choix de poursuivre leur coopération sans l'aide américaine, en s'émancipant. L'existence de débats sur les conceptions de l'Europe (union ou fédération…) prouve que la construction à l'Ouest est libre et volontaire. Contrairement à l'Est, la coopération ne débute pas dans le domaine politique, mais dans le domaine économique : en 1951, 6 pays (France, RDA, Bénélux, Italie) fondent la CECA, créant un pool charbon-acier autour d'un axe franco-allemand réconcilié. La création du Conseil de l'Europe (1950), suite à la conférence de La Haye, censé promouvoir l'idée d'une construction européenne, et à laquelle les pays de l'Est participent d'ailleurs, représente, au même titre que le CECA, une tentative, certes moins audacieuse que celle entreprise à l'Est, mais respectant le principe de la souveraineté des Etats-Nations. Les premières constructions, engageant peu les états, en appellent d'autres, comme le prouve la proposition d'une CED pour l'intégration allemande dans une armée européenne.

Poursuivant une même finalité, la reconstruction, l'Europe réalise enfin, après deux conflits mondiaux, la nécessite de s'unir pour former un noyau de stabilité. Cependant, elle ne parviendra pas à dépasser la dialectique d'un monde bipolaire, et deux constructions reposant sur des conceptions opposées de l'Etat-Nation seront menées parallèlement. En 1952, alors qu'une première grande révolte éclate à Berlin contre le pouvoir soviétique, il est encore impossible de déterminer laquelle de ces constructions tiendra ses promesses, car la croissance économique des deux systèmes, écartelés entre l'idée d'Europe indépendante et d'Europe partie d'un bloc, est encore comparable.