Le Mexique apparaît, à l'aube du vingt et unième
siècle, comme un pays prometteur, sans contexte le plus industrialisé
d'Amérique Latine, et de plus en plus assimilé aux pays industrialisés
: en efffet, en 1994, il rejoint l'OCDE, souvent qualifiée de " club
des pays riches ". Or, au moment de la révolution zapatiste de 1910,
le Mexique sous-développé sort d'une dictature de 34 ans, le Porfiriato,
et ne joue aucun rôle sur la scène internationale. Le mode de développement
mexicain au cours du vingtième siècle a donc porté ses fruits
; mais constitue-t-il pour autant un modèle à suivre pour les autres
pays en voie de développement ? Pour cela, il faudrait d'une part que ces
résultats soient vraiment prometteurs, et d'autre part que ce modèle
soit applicable aux autres pays. Le bilan du développement mexicain justifie-t-il
qu'on le prenne en " exemple ", et, si c'est le cas, peut-on l'appliquer
aux autres pays ? Afin de répondre à cette question, nous allons
d'abord constater la réussite du Mexique sur les plans économique
et commercial ; pour ensuite nous intéresser aux moyens de cette réussite,
et nous poser la question de savoir si ce modèle est imitable ; et enfin
nous dégagerons les limites du mode de développement mexicain.
Les succès du développement mexicain en matière
d'industrialisation et d'échanges avec le monde semblent justifier l'exemplarité
de son modèle. En effet, le Mexique, qui occupe le rang de douzième
puissance industrielle mondiale, dispose d'une industrie loin d'être négligeable
puisqu'elle emploie 29 % de la population active, apporte au pays 26 % de son
PIB et surtout occupe une place de 80% des exportations. Son industrie aéronautique,
notamment, a été précoce et s'est rapidement développée
: de nos jours, ce pays compte presque 100 aéroports, dont la moitié
est tournée vers l'international.
Mais la plus grande réussite du Mexique est son intégration sur
le marché mondial, aussi en créant des liens avec les pays en
voie de développement, mais aussi et surtout avec les pays riches. En
1986, le Mexique devient partie contractante du GATT, mais c'est surtout après
l'arrivée au pouvoir de Salinas en 1988 que le Mexique a entrepris de
jouer le jeu du libéralisme international en s'ouvrant au monde. Ainsi,
il signe avec les Etats Unis et le Canada l'ALENA, qui constitue une zone économique
importante ; puisque son PIB cumulé est supérieur à 8 000
milliards de dollars, et car elle comprend la première puissance mondiale.
En 1996, le Mexique s'allie au Mercosur, qui regroupe cinq pays d'Amérique
du Sud ( le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay, le Paraguay et le Chili ).
Mais le Mexique s'associe également aux pays émergents d'Asie
du Sud Est dans le cadre de l'East Asian Latino American Forum ( l'EALAF ).
Cette ouverture sur le marché mondial est bénéfique pour
ce pays, qui enregistre la croissance du nombre de ses exportations la plus
rapide au monde ; exportations qui, d'ailleurs, comportent une part de plus
en plus importante de produits manufacturés que de prosuits de base,
ce qui rapproche le Mexique des pays industrialisés. Ce pays semble donc
être " sur la bonne voie ", voilà pourquoi nous allons
maintenant nous intéresser aux moyens de son développement exemplaire.
En analysant le mode de développement du Mexique, on
se rend compte que celui-ci repose sur des bases spécifiques à
ce pays, et qu'il ne peut donc pas constituer un modèle à suivre.
L'originalité du développement mexicain est, d'une part, qu'il
s'est fait en deux étapes : le président Lazaro Cardenas, au pouvoir
de 1934 à 1940, a décidé de mener une politique de substitution
aux importations, à l'aide d'un protectionisme assez important et d'une
intervention de l'Etat dans le commerce. Ainsi, une loi de 1944 interdit toute
participation étrangère de plus de 49% dans une société
mexicaine. Puis, à partir de 1988 et toujours d'après la tendance
libérale de Salinas, le choix d'un développement extraverti par
l'industrie bat en brèche la politique de substitution aux importations
pour mettre l'accent sur la promition des exportations et sur la nécessité
d'attirer les investissements étrangers. Ainsi, la loi de 1944 sur les
investissements est annulée en 1989 et la liberté des investissements
étrangers est promulguée en 1995. Le Mexique devient alors de
plus en plus libéral, aussi bien dans le domaine intérieur ( privatisations
de BANMEX en 1991, de l'ASEMEX en 1993 et de TELMEX en 1994 ) que dans le domaine
extérieur, comme nous l'avons déjà vu. Une autre caractéristique
du développement mexicain est l'importance du tourisme ; qui emploie
une grande partie de la population, apporte au pays 16% de ses recettes totales
d'exportations et permet d'atténuer les disparités régionales.
Ce modèle original paraît efficace : lors de la crise financière
de 1995, le pays s'est effondré, mais s'en est remis assez vite.
Cependant, si ce modèle est efficace, c'est surtout grâce à
sa position géographique. Ainsi, on peut affirmer que c'est surtout la
frontière en commun avec le géant du Nord qui a permis au Mexique
de se développer. De nombreux exemples peuvent accompagner cette affirmation
: de 1942 à 1964, le bracerisme ( appel aux Etats-Unis d'ouvriers agricoles
mexicains ), puis l'importante émigration de la population mexicaine
vers ce pays jouent un rôle de " soupape démographique ",
un rôle régulateur de la croissance démographique au Mexique.
Mais c'est surtout le rapprochement économique des deux pays qui joue
un rôle moteur dans le développement mexicain, puisqu'il inspire
confiance aux investisseurs étrangers ( ce qui est, nous l'avons vu,
fondamental pour le développement du pays ). Le développement
des usines " maquiladoras ", à la frontière Nord, a
permis un essor de cette région et embauche actuellement plus d'un million
de mexicains, contribuant aussi à la croissance. Ce rapprochement est
également essentiel car il harmonise les intérêts des deux
pays, encourageant ainsi les Etats-Unis à aider financièrement
le Mexique, comme par exemple lors de la crise de la dette, en 1982 et surtout
lors de la crise de 1995. Enfin, le rapprochement physique garantit au Mexique
un marché énorme, et donc une zone de débouchés
faciles, qui a d'ailleurs contribué à atténuer la crise
de 1995. Le développement mexicain est donc tout d'abord lié à
son voisinage avec la première puissance économique mondiale ;
on ne peut donc pas le qualifier de modèle ; puisqu'on ne sait pas quelles
seraient ses conséquences sans cet atout géographique propre au
Mexique. On peut toutefois se demander si, dans tous les cas, la situation du
Mexique est vraiment enviable. En effet, nous venons de voir que les moyens
du développement ne peuvent pas constituer un exemple car ils ne sont
pas applicables aux autres pays ; penchons-nous à présent sur
le bilan du Mexique, afin de voir si le développement mexicain en lui-même
doit représenter un objectif pour les autres pays.
Nous avons tout à l'heure parlé de succès
du Mexique, mais ce succès est très relatif, surtout dans les
domaines politique, social, régional, agricole et même international.
De 1928 à 2000, le Mexique a connu une hégémonie du PRI
( parti révolutionnaire institutionnel ) sans interruption, marquée
par une corruption de la classe politique et par des fraudes électorales.
De plus, en 1996 éclate la révolte du Chiapas menée par
le " subcomandante " Marcos, défendant le droit des indiens
au cri zapatiste " Tierra y Libertad ", qui ne parvient pas à
être réglée par l'Etat ( comme l'avait promis Fox dans sa
campagne " en 15 minutes " ) et alimente les troubles en milieu rural.
La population mexicaine est globalement pauvre, puisque 40% des ménages
vivent avec moins de 300 dollars par an ; et les infrastructures de transport
sont pour la plupart en piteux état. De plus, le choix de développement
extraverti par l'industrie a accéléré le processus de l'aggravation
des disparités régionales, opposant des zones centrales dynamiques
et connectées au marché mondial et des périphéries
marginalisées où la population souffre du manque de terres cultivables.
Un des échecs les plus important du Mexique, récurrent pendant
tout le vingtième siècle, est celui de l'agriculture. Après
l'échec de la réforme agraire lancée en 1915, la révolution
verte, à partir des années 1940, n'a profité qu'aux paysans
les plus riches, disposant des moyens nécessaires pour acheter les engrais
et irriguer leurs terres. De nos jours, la situation insupportable d'une grande
partie de la population rurale entraîne un exode rural massif vers les
grandes villes où le chômage ne cesse d'augmenter ( 3 millions
et demi de chômeurs à Mexico ) et où les bidonvilles se
multiplient
Enfin, il est nécessaire de mentionner la dépendance du Mexique
vis-à-vis de l'étranger. Déjà, de 1976 à
1982, la hausse des prix du pétrole et de nombreuses découvertes
de gisements au Mexique ont incité ce pays à " pétroliser
" son économie : l'industrie du pétrole représentait
alors les trois quarts des exportations du Mexique. Cette situation de dépendance
commerciale ne tarda pas à nuire au pays en 1982, alors que la concurrence
entre l'OPEP et le " NOPEP " entraînait une baisse considérable
des prix du pétrole. Cette dépendance financière et commerciale
ne s'atténue pas vis-à-vis des Etats-Unis : premiers partenaire
commercial du Mexique, qui y envoie 80% de ses exportations ( contre 2.5% en
Allemagne, deuxième partenaire commercial ! ), les Etats-Unis sont également
les plus gros créditeurs du Mexique. Cette dépendance excessive
est encore vraie, même si le Mexique cherche à diversifier ses
partenaires commerciaux, en s'ouvrant notamment à l'Union Européenne.
Le Mexique appartient donc encore à maints égards aux pays en
voie de développement au vingtième siècle est trop mitigé
pour le citer en exemple.
Le caractère spécifique du développement
mexicain, d'une part, et le bilan trop mitigé que l'on peut dresser sur
son développement, d'autre part, nous permettent de conclure que, malgré
son rôle croissant dans les relaitons internationales et ses succès
industriels et touristiques, le Mexique n'est et ne peut pas être cité
en exemple.