( NB : Ce sujet était donné avec une carte sur
l'agriculture en URSS )
L'agriculture soviétique dispose de nombreux atouts :
une surface agricole utile quatre fois plus vaste que celle des Etats Unis,
une grande diversité climatique due à l'étendue de son
territoire et elle mobilise une grande partie de la population. Cependant, elle
n'a jamais réussi à décoller et ses rendements sont toujours
restés bas : on peut parler d'échec de l'agriculture soviétique.
De même, l'économie soviétique ne manquait pas de potentiel,
mais elle se trouve en bien piteux état en 1990, rongée par la
pénurie, l'inflation et la dette extérieure
L'échec
agricole est-il révélateur de l'échec économique
? Peut-on comprendre l'échec de l'expérience soviétique
grace à l'analyse de son échec agricole ? Nous pouvons constater
que, d'une part, l'agriculture est bien révélatrice de l'échec
des grandes politiques économiques de l'URSS, ainsi que de l'incapacité
de l'Etat à régler les problèmes mais que, d'autre part,
l'échec agricole n'est pas entièrement le reflet des difficultés
économiques, et que le secteur agricole a bien ses propres problèmes.
L'analyse de l'échec agricole met en évidence
le caractère aléatoire des grandes politiques économiques
de l'URSS, qui débouchent sur des gaspillages et des faibles rendements.
Un gaspillage d'argent, tout d'abord, qui est flagrant dans le système
agricole de l'URSS, de part les incohérences du système des prix,
qui éloigne certains produits de leur valeur réelle. Le pain,
par exemple, est vendu, pour des raisons sociales, à un prix inférieur
à son coût de production ; ce qui a conduit certains éleveurs
à profiter du bas prix du pain pour nourrir leur bélail ; alors
que c'est un aliment cher à produire ! La planification est également
une source de gaspillage, puisque son objectif est fixé sur la quantité
de produits produits ; soucieux de remplir leur objectifs, les chefs d'entreprises
négligent leur qualité, et c'est ainsi que la plupart des machines
agricoles produites ne seront pas utilisées
De plus, on constate
que l'absence de secteur privé, autant dans l'agriculture que dans l'industrie,
est facteur de temps perdu : occupés à travailler leur lopin de
terre, les paysans passent le moins de temps possible et se fatiguent le moins
possible dans les kolkhozes, de même que l'ouvrier va se dédier
plus à son activité illégale ( chauffeur de taxi, plombier
) qu'à son usine, qui rapporte beaucoup moins car les employés
ne sont pas rémunérés en fonction du mérite.
La faible productivité agricole est aussi due à la politique économique
soviétique : d'une part, les innovations, la science, sont bloquées
par le rôle idéologique du parti comme le montrent l'affaire Lyssenko
qui a privé l'URSS d'agronomes confirmés pendant des années
; et le bannissement de l'informatique dans la gestion de Gosplan, qui l'aurait
rendu beaucoup plus efficace, sous prétexte que c'est une " science
bourgeoise ". D'autre part, le système de crédit automatique
est un véritable frein à l'augmentation de la productivité
; puisqu'il assure une aide financière aux fermes qui n'atteignent pas
leur objectif ; avec ce système, avoir des hauts rendements n'est pas
ce qu'il y a de plus rentable ! Les gaspillages et la faible productivité
agricole sont donc bien révélateurs des difficultés de
la politique économique soviétique.
L'incapacité de l'Etat à gérer le problème
agricole est également le reflet du malaise économique national.
Ceci se traduit par l'importance de l'économie parallèle, par
l'inefficacité des réformes et par la nécessité
du recours à l'extérieur. L'économie parallèle est
fondamentale pour l'économie soviétique, puisque l'économie
" officielle " ne remplit pas les besoins de la population. Le fait
que l'Etat en ait conscience, et aille même jusqu'à la rendre légale,
dans le cas de l'agriculture par exemple, montre biens ses limites : il n'est
pas capable de répondre aux besoins de sa population. L'économie
parallèle est indispensable au fonctionnement de l'économie soviétique
Or, c'est dans l'agriculture qu'il est le plus flagrant, avec le développement
des marchés kolkhoziens.
Le caractère inefficace des tentatives de réforme de l'économie
est égalment mis en évidence dans le sectuer agricole. Celle de
Krouchtchev, par exemple, visait une augmentation des saliares des kolkhoziens,
ainsi que l'arrêt des récquisitions obligatoires ; mais, si les
prélèvements sont devenus facultatifs, il était beaucoup
plus avantageux de vendre sa récolte à l'Etat que sur le marché
libre, d'où l'inutilité de la réforme.
Le programme
d'exploitation des terres vierges, imaginé suite à la découverte
des champs de maïs américains montrent également le caractère
irréfléchi et spontanné des réformes : ces terres
n'étant pas adaptées à la culture du maïs, cette tentative
échoua au bout de deux ans
Le rôle de l'Etat est, enfin, remis en cause dès les années
1975, quand l'URSS avoue qu'elle est obligée d'importer des céréales
aux américains
La reconnaissance de l'échec de l'autosuffisance
alimentaire se fera sentir dans le cadre de l'économie en général
dès la fin des années 1980, quand l'URSS va devoir se rabaisser
à demander une aide financière extérieure
Cependant, on ne peut pas comprendre l'échec de l'expérience
soviétique uniquement par les mécanismes agricoles : en effet,
l'agriculture est un secteur spécial, " à part " dans
l'économie soviétique. Il existe donc des causes propres aux difficultés
agricoles et des causes propres aux difficultés économiques. L'agriculture
est un cas différent des autres secteurs comme l'industrie ou l'énergie,
car elle n'est pas prioritaire, du moins avant les années 1960. Afin
de privilégier le symbole de puissance de l'URSS, Staline a en effet
dès le départ délaissé l'agriculture agin de se
concentrer sur la modernisation et l'accélération de la production
des industries lourdes ; dans le cadre de la plannification. Disposant d'investissements
nettement minoritaires et d'un désintéressement de la part du
pouvoir ( il a fallu attendre Kossyguine pour que le blé soit reconnu
comme un produit stratégique ), le secteur agricole n'a pas pu connaître
les mêmes évolutions que d'autres secteurs privilégiés,
comme l'uindustrie lourde, l'énergie, le secteur militaire
L'échec gricole n'est donc pas lié uniquement à l'échec
économique ; et possède bien des difficultés propres à
ce secteur ? Tout d'abord, la surface agricole utile est mal répartie
sur le territoire, comme le montre la carte. De plus, le climat est peut-être
diversifié, mais il est également aléatoire ; et les récoltes
du sud sont souvent touchées par la sécheresse alors qu'au Nord
le frois empêche toute exploitation. Enfin, les ressources sont souvent
éloignées des lieux de production ; ainsi, la distance moyenne
entre les champs et les silos est de 200 km.
Dès l'arrivée de Staline au pouvoir, avec la collectivisation
brutale des campagnes puis la dékoulakisation, il y a eu un mouvement
d'opposition entre le centre et les paysans ; ce qui n'a pas rendu pour autant
le secteur agricole indépendant de l'économie puisque nous avons
vu que ses difficultés incarnent biens les grandes voies économiques
du régime soviétique, qui l'ont mené à sa fin.