Les mesures protectionistes adoptées par les pays développés
dans les années trente ont aggravé la crise au lieu d'y apporter
une solution. Conscients de cela, et avant même la fin du deuxième
conflit mondial, les dirigeants américains et brittaniques ont nourri l'idée
d'un monde plus ouvert, leur ambition étant de supprimer à terme
les entraves à la circulation des capitaux, marchandises et services afin
de laisser se jouer le jeu de la libre concurrence. Alors que ce libéralisme
" international " se met en place dès l'après guerre,
il faudra attendre la crise des années 1970 et l'échac des tentatives
keynésiennes pour vois s'installer des politiques néolibérales
à l'échelle nationale. Cette poussée libérale, caractéristique
de la seconde moitié du vingtième siècle, correspond à
un choix des pays industriels. En quoi ce choix a-t-il influencé les vies
économiques et sociales des pays qui l'ont fait ? Pour répondre
à cette question, nous allons tout d'abord voir en quoi consiste ce libéralsime
voulu, pour nous intéresser ensuite à la place dominante qu'il a
pris dans nos sociétés et économies, et enfin nuancer cette
place en constatant qu'il existe des réticences, avouées ou pas,
face au libéralisme au sein des pays à économies de marché.
Les idées et pratiques libérales, aussi bien dans le cadre des institutions
internationales que dans les politiques,nationales, ont été choisies
par les pays développées. Les institutions internationales telles
le GATT montrent bien ce choix de libéralisation des échanges. Le
GATT, " code de bonne conduite " est chargé d'organiser les négociations
multilatérales sur les tarifs douaniers et les échanges contraint
ses parties contractanctes à observer le principe de non discrimination
( entre producteurs nationaux et étrangers, et entre deux producteurs étrangers
), à réduire les obstacles non tarifaires à la circulation
de marchandises et à baisser ses droits de douane. Ceci montre que le GATT
est bien un accord purement libéral. Or, le nombre de pays signataires
de ce traité n'a cessé d'augmenter, et, en 1995, cet accord a débouché
sur l'OCM, véritable organisation qui compte étendre le rôle
du GATT. Le FMI est également une institution libérale dans le sens
où il lutte contre le protectionisme monétaire : les dévaluations
compétitives. Le choix libéral passe d'abord par l'adhésion
à des institutions de ce type. Le rôle dominant des Etats-Unis dans
cette initiative de libérer le commerce est évident, car ceci sert
leur idéologie récente et surtout leurs interérêts,
car ils sont assez compétitifs pour profiter de la libre concurrence pour
s'assurer des débouchés.
L'essor du libéralisme dans le cadre national se fait beaucoup plus tard.
En effet, de 1945 à 1973, les pays développés à économie
de marché sont tous plus ou moins influencés par la doctrine de
Keynes, qui n'a rien de libéral puisqu'elle prône le rôle de
l'Etat dans la lutte, par exemple, contre le chômage. L'inefficacité
des solutoins keynésiennes est dénoncée par les libéraux,
qui condamnent les effets pervers de l'Etat providence. Dans la plupart des pays,
les gouvernement libéraux se succèdent alors, entraînant une
vague de privatisations et de dérèglementations, à l'image
de Margaret Thatcher.
Cette volonté de libéraliser semble avoir abouti
et ceci a entrainé des bouleversements dans la vie économique
et sociale des pays industriels. Cette " victoire " du libéralisme
se manifeste tout d'abord dans le domaine international par une baisse indéniable
des mesures protectionistes : les échanges internationaux n'ont cessé
de s'accroître et ceci même en période de crise, ce qui est
un progrès remarquable ! Le succès du GATT apparaît évident
: les droits de douane sont passés de 40% en 1945 à 4% en 1995.
Les effets de cette libération du commerce extérieur sont importants
dans la vie économique des pays, car la création d'un marché
mondial suppose une concurrence exacerbée et pousse donc les économies
locales à être compétitives : la " course à
la compétitivité " est de plus en plus serrée ; la
baisse des coûts de production est recherchée à tout prix
; ce qui peut avoir un impact sur les salaires et donc sur la vie sociale. Délocalisations,
restructurations et licenciements semblent bien liés à l'émergence
de ce marché mondial. Les conséquences de ce libéralisme
ne sont pas que néfastes ; Ainsi, l'ouverture des marchés s'accompagne
d'une exigence d'effort économique qui peut être salutaire.
Quant aux politiques néo-libérales au sein des nations, elles
ont modifié les paysages économiques en privatisant notamment
des entreprises comme les compagnies pétrolières (comme en France
ou au Royaume-Uni), qui jusque là étaient nationales.
Malgré cet avènement du libéralisme, subsistent
des mesures hypocrites de protectionisme déguisé de la part de
certains Etats, et l'opinion publique ainsi que certains économistes
se montrent de plus en plus favorables à la réglementation. La
libération des échanges entraîne, on l'a vu, un alourdissement
de la contrainte des Etats en matière de politique économique,
elle a entraîné non pas une disparition du protectionisme, comme
prévu, mais l'émergence d'un protectionisme caché : dumping
économique ou social, obstacles non tarifaires tels que des normes techniques
très compliquées font partie de ces mesures. Ainsi, un accord
bilatéral entre la France et le japon plafonnait jusqu'au début
des années 1990 à 4% les importations de voitures japonnaises
! Le protectionisme est également toujours présent pour certains
produits, comme les produits agricoles ( l'accord multi-fibres de 1973 est un
cartel entre pays producteurs et consommateurs de produits textiles ). Tous
ces exemples montrent bien le caractère relatif de la pratique libérale.
La libération des flux entraîne également des risques dont
nous avons aujourd'hui conscience : misère salariale dûe à
la course à la productivité dans des pays où il n'y a pas
de normes sociales, développement de l'économie paralèle
lié au caractère incontrôlable et souvent immatériel
des échanges… Ceci entraîne un discours cherchant à
limiter ces risques en réglementant quelque peu cette libération
des échanges, et donc en remettant en cause le principe même du
libéralisme.
Les politiques libérales se heurtent aux difficultés que représentant
parfois les dérèglementations. Ainsi, la dérèglementation
mal gérée de l'électricité en Californie a entraîné
un mécontentement de la population et une dette insolvable des grandes
compagnies électriques.
La seconde moitié du vingtième siècle a
été marquée par une grande vague libérale dans les
pays développés, qui a profondément bouleversé l'économie
mondiale. Aujourd'hui, on amorce une volonté de " retour en arrière
" car le libéralisme est allé un peu loin.