Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et les
mouvements de décolonisation, les pays en voie de développement
connaissent un phénomène qualifié d'explosion urbaine. Ainsi
l'urbanisation qui est un mouvement qui décrit le développement
,l'extension des villes et des espaces dit urbanisés , se caractérise
par un accroissement du nombre et de la taille des villes ainsi que de leur population
mais aussi par les mutations des espaces ruraux par diffusion de comportement
,adoption de mode culturel ,de référence et de valeurs urbaines.
Quant à la croissance économique ,elle se définit par l'augmentation
soutenue pendant une ou plusieurs longues périodes, un développement
durable de l'économie. Depuis les années 1980,on parle non plus
d'un tiers-monde mais des tiers mondes soulignant les différentes voies
dans lesquelles se sont engagés les pays en développement. Croissance
économique et urbanisation agissent_elles en interaction l'une sur l'autre
?Ont-elles les mêmes effets sur les différents pays que l'on regroupe
sous la dénomination de pays en développement ?Si la croissance
économique et l'urbanisation agissent l'un sur l'autre, leurs effets ne
sont pas toujours des plus attendus et leurs variations induisent un développement
qui diffère entre les pays.
Si la croissance économique agit sur le mouvement d'urbanisation
des pays en voie de développement (PED) ,celui-ci entraîne aussi
la croissance économique.
Le tiers-monde est aux racines de l'histoire urbaine de l'humanité .Les
sites urbains les plus anciens se trouvent en Asie Mineure ,en Mésopotamie,
dans les plaines de l'Indus, du fleuve Jaune ou du Nil mais aussi en Afrique
méditerranéenne. Ainsi ,les villes se situent surtout en position
littorale à cause des échanges qui ont lieu par la mer. Au XVe
siècle, l'économie de traite entraîne le développement
de comptoirs côtiers qui se transforment en réseaux urbains côtiers
avec la colonisation au XIXe et Xxe siècle. Si la colonisation fortifie
la présence urbaine en s'appuyant sur des cités existantes comme
Shanghai ou Canton ou en créant de nouvelles villes, c'est surtout pour
des raisons commerciales. Ainsi la croissance des échanges entre métropoles
et colonies alimentant la croissance économique conduit à l'urbanisation
des colonies. Ainsi les grandes villes africaines sont surtout des villes portuaires
,centres d'exportation des produits agricoles et miniers et d'importation des
marchandises des pays développés. Elles sont au carrefour des
routes maritimes et continentales le plus souvent comme Alexandrie, Casablanca
ou Abidjan.
Cependant, le phénomène d'urbanisation reste limité dans
les PED avant 1945 et s'accélère par la suite. La croissance économique
passe par les réformes agraires. En effet ,celles-ci permettent de dégager
des capitaux alimentant la croissance économique puisque les paysans,
autrefois pauvres, s'enrichissent donc deviennent consommateurs et les indemnités
reçues par les grands propriétaires leur permettent d'obtenir
un capital susceptible de servir au développement industriel en ville
.La croissance économique permet donc l'urbanisation par le fait qu'elle
dynamise le système productif. D'autre part, par ces réformes,
le trop plein de main d 'uvre agricole se dirige vers les villes. C'est
l'exode rural qui aliment la croissance économique par les emplois occupés
en ville d'où m'urbanisation augmente.
Enfin ,l'installation des secteurs secondaire et tertiaire en ville par leur
dynamisme alimente la croissance économique des PED.L'urbanisaton est
alors nécessaire et se réalise de fait. L'activité industrielle
reste faible, environ 10% des emplois en Afrique. C'est surtout la croissance
économique générée par le tertiaire et notamment
le secteur informel qui explique l'urbanisation. La croissance économique
permet une augmentation de la taille de la ville, des logements, une desserte
du territoire.
La ville apparaît comme le lieu propice à la croissance
économique qui était limitée dans les campagnes. En effet
,la ville est un centre de production ,de consommation. La gamme de possibilité
d'emplois, de promotion, de revenu est plus étendue et variée
à la ville qu'à la campagne. La croissance de la production atteint
ainsi les 10% du produit national brut (PNB) mondial en Asie du sud est , 6,5%
en Amérique Latine. L'activité urbaine est largement dominée
par les services dans des pays comme l'Afrique. La grande ville a une fonction
international de métropole -relais des économies dominantes par
le port, l'aéroport, l'hôtellerie internationale. On y retrouve
les principales institutions financières mais aussi les administrations
publique de l'Etat.
De plus ,la ville est le lieu où se concentrent les investissements nationaux
ou étrangers. C'est un centre d'implantation auquel s'ajoute les entreprises
étrangères qui délocalisent leur production dans les PED.A
cela s'ajoute un secteur informel qui se manifeste par les services financiers,
commerciaux ou de transport. Ce secteur représente 40 à 50 % des
emplois et engendre une croissance économique qui n'existe pas dans les
campagnes. En Afrique, les petites activités sont fondées sur
des rapports de parenté, de clientèle et le secteur informel constitue
une parade économique au sous-emploi et un amortisseur social à
la crise.
Enfin, la croissance urbaine atteignant des sommets supérieurs à
5% par an ,dans les années 1970-1980 avoisinent les 10% parfois en Afrique.
L'Amérique Latine est peuplée à la fin du XXe siècle
de 70% d'urbains ,l'Asie de l'est de 35 à 40% et l'Afrique d'environ
33%.Souvent autour des villes se développent des activités agricoles
que l'on appelle périurbaines pour alimenter ,ravitailler les villes.
Ainsi l'urbanisation entretient à sa périphérie le secteur
primaire qui participe alors à la croissance économique.
Si croissance économique et urbanisation agissent l'un sur l'autre ,des
effets qu'ils produisent sont parfois pervers.
L'urbanisation et la croissance économique ont engendré
des effets pervers qui malgré des mesures ont du mal à être
résolus.
L'urbanisation est déséquilibrée dans sa répartition.
De façon générale, la population se répartit en
tiers ,un pour les villes de moins de 100000 habitants, un pour les villes de
100000 à 1 million, et un pour les villes de plus d'un million En Amérique
Latine, on constate une relative faiblesse des agglomérations moyennes.40%
sont inférieures à 100000 habitants et 36% supérieurs à
un million. En Asie du sud-est, il y a une primauté de petites villes.
Mais en Afrique du nord ,au Moyen-Orient et en Chine ,cela est à peu
près équilibré.
De plus, les réseaux urbains sont généralement mal structurés,
cela étant lié à la faiblesse des réseaux de transports.
Les phénomènes de macrocéphalie c'est -à-dire d'hypertrophie
des villes sont nombreux s'accompagnent d'une littoralisation marquée.
Dakar au Sénégal regroupe 60% de la population urbaine. Il existe
aussi quelques bicéphalies comme au Cameroun avec Douala et Yaoundé.
Mais les réseaux équilibrés sont rares sauf en Algérie
,en Afrique du sud et au Nigeria. C'est un handicap évident pour un développement
harmonieux d'autant plus que beaucoup plus difficile à gérer qu'une
agglomération normal.
Enfin, les villes sont confrontées à de sévères
difficultés. Le tissu urbain est de plus en plus complexe. La ville moderne
souvent calquée sur la métropole est juxtaposée à
la ville traditionnelle comme la Médina au Maghreb. Des lotissements
se construisent , des installations illégales, les bidonvilles se mettent
en place. dans la ville même ,la ségrégation est sociale
et spatiale avec des quartiers pour riches, pour classes populaires
Enfin,
le poids de la pauvreté est omniprésent. L'absence de planification
urbaine se traduit par l'asphyxie liée à la circulation automobile,
au manque d 'approvisionnement en eau plate au gaspillage, à la violence
et à l'insécurité. La croissance économique n'a
pas contribué à l'éradication des maux dus à une
urbanisation anarchique.
Ainsi, des tentatives ont été menées pour améliorer
les disparités du territoire et une meilleure utilisation des fruits
de la croissance. L'intégration des espaces marginaux peut être
recherchée par l'implantation de nouveaux pôles de développement
industriels ou agricoles. Mais reposant surtout sur une activité unique
comme celles de l'industrie lourde : sidérurgie, raffineries ,production
d'énergie ou bien sur le tourisme international ou les aménagements
portuaires, ils se révèlent incapables d'y diffuser le progrès
attendu. Avec la forte urbanisation ,l'exode rural peut induire le sous-développement.
De plus ,un rééquilibrage peut être également tenté
avec la création de villes nouvelles intérieures en particulier
de nouvelles capitales comme Brasilia, Abuja au Nigeria ,Yamoussoukro en Cote
d'Ivoire ou bien en favorisant l'émergence de réseaux urbains
régionaux plus étoffés. Des efforts de décentralisation
industrielle sont aussi menés ainsi que de véritables politique
régionales comme dans le sud-ouest ivoirien, autour du port de San Pedro
,ou au Brésil. Dans la villes même, des réformes de l'Etat
ont tenté de prendre compte des mauvaises conditions de vie ce qui a
conduit à des opérations de planification urbaine comme au Caire
où l'Etat crée des lotissements qu'il revend ensuite.
Cependant faute de moyens financiers et de volonté politique suffisamment
affirmée, la plupart de ces mesures n'ont qu'un impact réduit.
D'autre part, la ville perturbe les lois du marché selon la banque mondiale
pour qui les politiques étatiques perturbent le jeu de l'offre et de
la demande. Face à la demande alimentaire accrue des villes, beaucoup
de PED, par leur pratique des prix et des taux de change ,favorisent les importations
au détriment des productions nationaux. Le " biais urbain "
perturberait ainsi les grands équilibres macroéconomiques donc
la croissance économique.
Les mesures prises par l'Etat ont d'autant moins d'effets que
d'autres facteurs que la croissance favorise l'urbanisation sauvage. L'apport
migratoire joue un rôle décisif, engendrant à lui seul de
60 à 70% de l'accroissement urbain total. Il a commencé en Amérique
Latine dès 1960.En Afrique, à Kinshasa,57% de la population est
née à l'extérieur.
A cela s'ajoute le facteur naturel qui a tendance à l'emporter depuis
quelques années. La ville croit à cause de la forte natalité
,la migration y ayant amené des individus essentiellement jeunes. Néanmoins,
il y a une diminution du poids des traditions qui induit une légère
baisse de la natalité. Mais grâce aux installations sanitaires,
la mortalité infantile est en baisse ainsi que le taux de mortalité.
Au Caire ,90% de la croissance urbaine résulte de ce facteur.
Enfin , la ville a aussi " un effet mirage " car elle représente
la modernité. Les migrants espèrent une meilleure instruction,
une vie meilleure. La fascination pour la ville est grande bien que 9 fois sur
10 la situation ne s'améliore pas. Elle permet un encadrement scolaire
de meilleure qualité et renforce ainsi les chances d'ascension sociale.
Mais la ville offre aussi une structure sociale moins contraignante que celle
des communautés villageoise du moins dans un premier temps.
Ainsi ,l'urbanisation n'est pas toujours au service de la croissance économique
et peut avoir des effets néfastes.
La croissance et l'urbanisation ne semblent donc pas suffire à assurer
un développement harmonieux des PED.Cependant certains pays semblent
mieux s'en sortir que d'autres.
L'inégalité des performances économiques est plus marquée
encore entre les pays du Tiers Monde que parmi les pays industriels. Ainsi des
pays comme ceux du sud est asiatique ou d'Amérique Latine ont connu des
croissances économiques tout en s'urbanisant. Leur situation est proche
des pays développés à économie de marché
(PDEM).CE succès semble pouvoir être attribué au fait que
ces pays ont favorisé une industrialisation pendant leur urbanisation.
Ainsi la Corée dès les années 1960 entreprend des réformes
agraires et lance son pays dans la voie de l'industrialisation. Ainsi la proportion
importante du PNB produite par les villes du sud -est asiatique ou comme le
Brésil et au Mexique est significative. L'urbanisation génère
le " développement économique " ,c'est_à_dire
une hausse du revenu entraient des bouleversements sociaux et culturels indissociable
de l'industrialisation et par la suite du tertiaire .La Corée du sud
a une population urbaine de plus de 80%,Taiwan 75%.
De plus ,ces pays ont adopté une stratégie d'ouverture sur l'économie
mondiale notamment avec leurs exportations. Or cette ouverture dans les années
1960-1970 coïncide avec la croissance économique devenue depuis
un siècle un phénomène mondial, le " rattrapage "
repose sur l'apprentissage des technologies les plus avancées. Il est
inséparable ,pour chaque économie nationale ,de son intégration
aux échanges internationaux. Le dynamisme des pays développés
dans les années1950 à 1970 joue aussi le rôle d'entraînement.
On remplace alors l'expression de " villes mondiales " par leur PNB
dans leur total national, le nombre de sociétés multinationales
installées dans la cité, les niveaux des banques ,internationalisation
du tertiaire ,niveau de commandements
Des pays comme la Chine restent encore peu urbanisés.
Cependant leur croissance économique est de loin supérieure à
celle des PDEM.La Chine possède 400 millions de citadins, la population
urbaine la plus importante du monde mais sur une population totale d'environ
1,2 milliards. Elle possède aussi une trentaine de ville millionnaires
dont cinq dépassent les cinq millions d'habitants. Les problèmes
d'équipement et d'intégration y sont considérables. Mais
l'industrie d'exportation y trouve la main d'uvre qui contribue à
la développer bien que trois décennies auparavant ,les autorités
aient régulé les mouvements migratoires vers les villes donc l'urbanisation.
Aujourd'hui ,le développement chinois est contrastée puisque le
surpeuplement des campagnes rend tout modernisation de l'agriculture impossible
et l'industrie dans les villes obsolètes. Ainsi, on constate que seule
la Chine orientale se développe rapidement à partir des trois
principaux ensembles urbains du pays sur la façade maritime .La Chine
centrale aux fortes densités rurales reste essentiellement agricole et
la chine occidentale pauvre.
L'Inde est aussi un pays où la population rurale reste forte. Mais les
villes sont désormais les foyers du développement et de l'ouverture
après une stratégie de développement autocentré
du pays dans les années 1970.La voie indienne du développement
a d'abord fonctionné selon un modèle réformiste avec une
planification souple qui refusait d'importants programmes d'appropriation collectives.
Quelques grandes entreprises nationales ont géré les équipements
de base dans l'industrie lourde, l'énergie, les transport et l'armement.
La priorité avait été donné à l'investissement
avant de satisfaire les besoins de la consommation, créant ainsi un modèle
austère et peu ouvert sur l'extérieur. Avec une politique d'inspiration
libérale, les restructurations d'entreprises et les déréglementations
profitent à l'axe Bombay-Ahmedabad, du Pendjab ,grandes agglomérations
urbaines. Les principaux groupes industriels du secteur privé ,à
capitaux familiaux, tels Fata et Birla sont devenues des grands " empires
" avec des fabrications très diverses comme la sidérurgie
, le ciment, l'engrais , les biens de consommation
Enfin ,l'Afrique sub-saharienne montre que le processus d'urbanisation est en
décélération. En effet, l'évolution de l'urbanisation
en Afrique dépend du rôle que va jouer le continent dans l'économie
mondiale. Les politiques d'ajustement doivent en principe, à long terme
,encourager la productivité aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain
et donc favoriser la constitution d'un secteur industriel. La conséquence
d'une industrialisation renouvelée pourrait être une relance du
processus d'urbanisation ,en raison des économies d'agglomération
que permettent les villes. L'Afrique ne serait donc pas au stade de saturation
urbaine. L'urbanisation sans industrialisation en serait donc arrivée
à ses limites. Ainsi la ville en Afrique s'est construite sans le développement
et n'apparaît donc plus comme un lieu privilégié mais parfois
d'exclusion. Parfois la seule réponse à la crise urbaine est "
l'exode urbain ".
La croissance économique et l'urbanisation dans les PED sont liés
puisqu'elles agissent l'une sur l'autre. Cependant une démesurée
peut provoquer les phénomènes de crise urbaine. L'urbanisation
n'est pas non plus une condition nécessaire au développement.
Les situations
extrêmement différentes des PED suggèrent donc que les éléments
tels qu'une
urbanisation maîtrisée ,une industrialisation, une tertiarisation,
une ouverture sur le monde sont des conditions nécessaires à la
croissance économique et au développement ?Chacune doit figurer
au tableau .