Constamment des choses me "viennent à l'esprit", 
me traversent l'esprit. Notre faculté de réfléchir et de 
comprendre fonctionne en permanence : dans la rue, par exemple, sans que je ne 
m'en rende compte, mon cerveau reçoit et analyse un nombre impressionnant 
de données (distance, bruit, danger, 
). Nous pourrions appeler ces 
éléments mes représentations. Mais quel est alors le sens 
précis de ce mot aux multiples significations ? Il s'agit ici de représentations 
mentales, c'est-à-dire qu'elles sont ce qui est présent à 
mon esprit. Pour reprendre une expression kantienne appropriée, on peut 
dire que nos " facultés de représentation " désignent 
un acte par lequel l'esprit se rend présent quelque chose, mais aussi le 
résultat de cet acte. Avoir des idées, c'est donc avoir des représentations.
Intuitivement, on pourrait dire que mon idée, ma représentation 
d'une chose, c'est ma perception de la chose, c'est son apparaître, son 
surgissement. Les représentations semblent donc s'imposer à moi. 
Est-ce à dire que nous n'avons aucun contrôle sur nos représentations, 
qu'elles dépendent exclusivement de facteurs extérieurs à 
ma conscience ? Si c'est le cas, alors nous pouvons faire une croix sur nos aspirations 
d'une part à la connaissance, d'autre part à la liberté. 
En effet, si je ne puis maîtriser mes représentations, c'est-à-dire 
ici mes idées, alors toute liberté de penser est illusoire. Pareillement, 
si mes représentations ne dépendent pas de moi, comment parvenir 
à la connaissance du monde extérieur, comment juger de la réalité 
des choses qui m'entourent et de leur essence ? Ce sujet remet donc en cause deux 
des enjeux majeurs de la philosophie : la connaissance, et plus particulièrement 
la possibilité de la connaissance, et la liberté. Peut-on donc s'accommoder 
d'une analyse qui prive l'homme de toute faculté de connaître et 
de se déterminer librement ? Assurément cela est difficile : comment 
donc dépasser ce cadre de réflexion afin de montrer que nous détenons 
un pouvoir, plus ou moins étendu, sur nos représentations et que 
nous pouvons les maîtriser ?  
 Nos représentations semblent en première analyse 
  dépendre de facteurs extérieurs à nous-mêmes. Quels 
  sont ces " choses extérieures " qui déterminent nos 
  représentations ?
Tout d'abord nous pouvons nous pencher sur ce qui influence nos 
  représentations, le terme étant entendu ici comme nos façons 
  de penser, nos idées sur le monde d'une manière générale, 
  nos croyances, 
 Il ne s'agit donc pas encore du problème de la 
  possibilité de la connaissance mais du caractère hypothétique 
  de notre libre-arbitre. Les représentations d'un individu sont souvent 
  déterminées par des caractéristiques évidentes : 
  son époque, sa localisation géographique et donc sa langue, son 
  niveau culturel et son milieu social pour ne citer que les plus nettes. Il est 
  en effet clair qu'un homme du VIIième siècle av. J.C. vivant en 
  Abyssinie ne pensera pas de la même façon, c'est-à-dire 
  ne verra pas le monde de la même manière qu'un " honnête 
  homme " du 17ième siècle ou encore qu'une femme active du 
  début du XXIième siècle : les progrès de la civilisation, 
  qu'ils soient techniques ou scientifiques, les avancées des droits de 
  l'Homme, de la justice sociale influencent de manière déterminante 
  la manière de voir le monde des différents individus. D'autres 
  facteurs importants entrent en jeu : la langue par exemple, que l'on peut interpréter 
  comme un système exprimant une certaine conception du monde. L'allemand, 
  exemple classique car c'était la langue de nombreux philosophes, implique 
  une façon de voir le monde toute particulière, l'anglais reflétant 
  une autre approche des éléments extérieurs
 Ces facteurs 
  qui ne dépendent pas de l'individu jouent donc un rôle déterminant 
  dans la formation de ses représentations.
  Ce phénomène a été analysé en particulier 
  par Marx. Il introduit à cet effet les concepts de "superstructure 
  " et " d'infrastructure ". Par " infrastructure ", 
  il désigne la base économique, c'est-à-dire la place qu'occupe 
  chaque individu dans la structure des rapports de production : propriétaire 
  des moyens de production, salarié, prolétaire, 
 Par " 
  superstructure ", Marx entend le droit, l'Etat et l'idéologie (le 
  plus souvent, mais cette classification est sujette à controverse au 
  sein des courants marxistes). Dans cette superstructure, on peut donc déceler 
  les croyances de l'individu, ses idées politiques, ses idées morales, 
  en d'autres termes ses représentations. Or Marx affirme que cette superstructure 
  n'est que le reflet de l'infrastructure, de la base économique. La place 
  de l'individu dans les rapports de production détermine selon le philosophe 
  allemand ses pensées, ses croyances, bref ses représentations. 
  Le prolétaire aura les mêmes représentations que les autres 
  membres de sa classe, le patron les mêmes que celles de ses collègues 
  dirigeants, etc. 
  Il existe donc des déterminismes forts qui décident de nos représentations. 
  Des facteurs culturels jouent, mais aussi spatiaux et temporels, et enfin selon 
  Marx des facteurs économiques. Cette analyse affirme donc que nos représentations 
  sont plutôt indépendantes de nous et que nous ne les dominons que 
  très peu : notre liberté est donc fortement limitée par 
  ces réflexions.
Mais mes représentations ne dépendent pas uniquement 
  de ce genre de facteurs socioculturels et économiques. Plus prosaïquement, 
  elles sont également liées aux situations courantes, de la vie 
  quotidienne. Notre perception, qui est à la base de notre représentation 
  brute, non réfléchie, est souvent trompeuse. Pour qui ne connaîtrait 
  pas le principe de l'iceberg, il aurait tendance à minimiser l'importance 
  de ces blocs de glace dérivants au gré des courants puisqu'il 
  n'en verrait que la partie émergée et aurait donc une représentation 
  fausse de la réalité. Cependant, le problème ici n'est 
  pas du passage de la représentation à la réalité 
  qu'elle masque. Mais cet exemple trivial montre bien combien, suivant la manière 
  dont la situation se présente à nos sens, notre représentation 
  de la réalité va différer. Considérons un autre 
  exemple simple : quand on rentre dans un endroit surchauffé en hiver, 
  notre représentation de ce lieu sera celle d'un endroit agréable, 
  dans lequel on aimerait s'arrêter, passer du temps. Si l'on recommence 
  l'expérience en plein été, alors cet endroit nous apparaîtra 
  comme un lieu hautement désagréable, dans lequel il faut passer 
  le plus vite possible. Suivant les circonstances, une donnée invariante 
  (la chaleur régnant en ce lieu) va nous apparaître de deux manières 
  diamétralement opposées. C'est un des aspects de ce qu'on appelle 
  le " relativisme "sceptique : nos représentations dépendent 
  (au sens de "sont relatives") des circonstances, des objets considérés, 
  de la situation dans laquelle le sujet de la représentation se trouve. 
  Si je suis malade, si j'ai trop bu, alors le même objet m'apparaîtra 
  différemment de la manière dont il me serait apparu si j'étais 
  dans des conditions normales. Nos représentations dépendent donc 
  des circonstances et notre esprit est en quelque sorte trompé par la 
  divergence des apparitions, des phénomènes suivant les circonstances, 
  les conditions de la perception.
  Nous pouvons également être le jouet d'autrui qui, en se donnant 
  en représentation d'une certaine manière, va nous tromper sur 
  sa nature. Etant donné que la vie sociale peut être considérée 
  comme une gigantesque scène de théâtre, ce phénomène 
  est assez fréquent. C'est ce qu'on veut exprimer quand, déçu 
  ou rassuré, on dit : "je m'étais trompé sur Untel/Unetelle". 
  Nos représentations dépendent donc aussi d'autrui et de la manière 
  dont il se présente à nous. C'est le même genre de problème 
  que celui de la divergence des circonstances exposée plus haut sauf qu'il 
  y peut y avoir, dans le comportement d'autrui, une volonté consciente 
  de donner une certaine image de sa personne, une certaine représentation 
  de son être social.
 Nos représentations sont donc déterminées, 
  nous l'avons vu, par de multiples facteurs socioculturels comme économiques, 
  mais elles sont aussi conditionnées par les circonstances de la perception, 
  du surgissement des phénomènes. Notre liberté et notre 
  rôle sont fortement limités par ces processus sur lesquels nous 
  n'avons qu'un pouvoir restreint. On peut cependant dire que nos représentations 
  dépendent de nous, mais dans un sens étroit et finalement négatif 
  : en effet, nos représentations sont relatives à notre état 
  au moment de la perception, ce qui signifie que nous sommes d'une certaine manière 
  responsables des représentations qui surgissent à mon esprit, 
  mais comme ce phénomène est inconscient et involontaire, on ne 
  peut conclure en disant que nos représentations dépendent vraiment 
  de nous, mais plutôt des circonstances.
  
  Enfin, comme dernière étape dans cette démarche de recherche 
  des déterminants de nos représentations, nous débouchons 
  sur l'interrogation la plus radicale qui puisse être : avons-nous réellement 
  un pouvoir sur nos représentations, c'est-à-dire pouvons-nous 
  choisir entre nos représentations celles qui nous paraissent les plus 
  vraies, les meilleures ? En d'autres termes, pouvons-nous choisir nos représentations 
  ou bien nous sont-elles imposées par leur essence même ? Ce questionnement 
  est typiquement celui des philosophes de l'école sceptique. Sextus Empiricus, 
  dans les Hypotyposes, définit le scepticisme comme " une faculté 
  d'opposer représentations sensibles et conceptions intellectuelles de 
  toutes les manières possibles pour en arriver [
] d'abord [
] 
  à la suspension du jugement et ensuite à la quiétude de 
  l'âme. " Selon les Sceptiques, nos représentations nous sont 
  donc imposées par les " choses extérieures " et nous 
  n'avons comme pouvoir sur ces représentations que celui de les opposer 
  et de suspendre notre jugement. Autrement dit, nous ne pouvons interpréter 
  nos représentations. Cela signifie qu'elles ne dépendent absolument 
  pas de nous puisque nous n'avons pas le droit de les penser, de décider 
  lesquelles sont vraies, lesquelles sont estimables et lesquelles sont fausses, 
  c'est-à-dire que nous n'avons pas le droit de les juger. Nous n'avons 
  donc aucun moyen d'accéder à la connaissance du réel : 
  nous ne pouvons pas connaître puisque nous ne pouvons sortir de la relativité 
  de toute représentation. Les Sceptiques en tirent comme conclusion qu'à 
  défaut de connaître la réalité, ils savent qu'ils 
  ne peuvent pas connaître et cela leur procure une quiétude de l'âme 
  enviable, qu'ils nomment " ataraxie ". 
  Selon ce courant donc, nous n'avons sur nos représentations qu'un pouvoir 
  de confrontation mais aucun pouvoir de jugement. Nous n'avons pas d'autre choix 
  que d'accepter les phénomènes tels qu'ils se sont présentés 
  à nous, tels qu'ils se sont imposés à nous. Nos représentations 
  ne dépendent donc pas de nous suivant les Sceptiques. Le seul pouvoir 
  que je peux exercer sur mes représentations est celui exposé dans 
  la définition de Sextus Empiricus : j'ai le pouvoir de suspendre mon 
  jugement. Ce pouvoir est relativement faible, il faut bien en convenir.
  Pour plusieurs raisons d'ordre différent, mon pouvoir sur mes représentations 
  et donc ma liberté semble être assez fortement limité. Qu'on 
  en reste à l'infrastructure marxiste ou qu'on l'élargisse à 
  nombre de facteurs socioculturels, de nombreux déterminismes pèsent 
  sur nos représentations. Si l'on se réfère au cadre de 
  l'analyse sceptique, on conclut sur l'impossibilité de la connaissance 
  et sur l'indépendance totale de nos représentations à notre 
  égard.
  Peut-on se contenter d'une telle analyse qui exclut presque tout moyen d'atteindre 
  la connaissance et qui nous refuse notre liberté ? Cela semble plutôt 
  insatisfaisant comme conclusion. Pour sauvegarder la possibilité de la 
  connaissance et l'existence de notre liberté, il nous faut donc tenter 
  de montrer que nous avons un certain pouvoir sur nos représentations. 
  Pour cela, il faut dépasser le cadre de réflexion sceptique. 
  La connaissance et la liberté étant deux des enjeux majeurs de 
  la philosophie, les philosophes ne pouvaient se satisfaire des conclusions des 
  Sceptiques. Platon, bien qu'antérieur aux Sceptiques, connaissait leurs 
  principaux arguments car ils existaient déjà avant la naissance 
  du courant sceptique, notamment au travers de la philosophie de Protagoras, 
  célèbre pour son relativisme (" l'Homme est la mesure de 
  toute chose ", ce qui signifie qu'à chaque individu correspond au 
  moins une représentation, d'où l'impossibilité de la connaissance 
  de ce qui est représenté). Platon, dans ses dialogues, s'efforce 
  donc de démonter et de dépasser le cadre de réflexion sceptique 
  qui finalement conclut qu'il est interdit de conclure. Pour qui recherche la 
  connaissance, il faut avouer que cela ne peut suffire. Platon va donc renverser 
  le schéma qui sert de base à l'analyse des Sceptiques afin de 
  pouvoir conclure à l'existence de la Vérité et à 
  la possibilité de la connaissance. Selon lui, l'argumentation des Sceptiques 
  tourne trop autour de l'argos logos, de l'argument paresseux qui consiste à 
  dire : je ne sais que ce que je sais et ce que je ne sais pas, je ne peux pas 
  l'apprendre car je ne le connais pas (" Et comment chercheras-tu, Socrate, 
  ce dont tu ne sais absolument pas ce que c'est ? Laquelle en effet, parmi les 
  choses que tu ignores, donneras-tu pour objet à ta recherche ? ", 
  lance Ménon à Socrate, qui reconnaît là l'argument 
  paresseux). Comment Socrate, donc Platon répond-il à cet argument 
  qu'il qualifie de " captieux " ? 
  Platon fait intervenir à cet effet une nouvelle théorie, la théorie 
  de la réminiscence. Selon lui, les Idées, qui sont la réalité 
  suprême, sont d'essence divine et les choses sensibles n'en sont que la 
  pâle copie. Pour Platon, l'âme, avant de tomber dans notre corps 
  sensible, a contemplé les Idées dans le monde des dieux. Mais 
  le corps, parce qu'il est sensible et à ce titre trompeur, lui a fait 
  perdre de vue ces Idées qui sont vraies et belles. C'est pourquoi retrouver 
  une idée, c'est à dire connaître, n'est finalement qu'une 
  opération de la mémoire chez Platon : connaître, c'est se 
  ressouvenir. 
  Où est notre responsabilité dans cette théorie, en quoi 
  nos représentations vont-elles dépendre de nous ? Simplement dans 
  le fait de rechercher la Vérité, de confronter entre elles nos 
  représentations, de prendre garde aux représentations issues directement 
  de la perception. Grâce à la théorie des Idées de 
  Platon, dans laquelle les Idées sont intérieures, on évite 
  l'écueil sceptique de l'impossibilité de connaître les " 
  choses extérieures ". Platon, en fait, renverse le schéma 
  sceptique en mettant au sommet de sa pyramide des choses réelles les 
  Idées et les choses sensibles au premier niveau de cette hiérarchie. 
  C'est exactement le contraire de ce que dont les Sceptiques. 
  Certes on objectera que l'Idée est d'essence divine et qu'à ce 
  titre elle ne dépend en aucune manière de nous puisque nous ne 
  pouvons "trouver" ou "inventer" une nouvelle Idée 
  : en effet, lorsque nous croyons trouver une Idée, nous ne faisons que 
  nous en ressouvenir. En ce sens, l'Idée et donc la représentation 
  que nous en avons ne dépend pas de nous, mais il nous incombe de rechercher 
  la Vérité, de chercher à atteindre à l'essence des 
  choses, d'aspirer à la connaissance. Là réside la responsabilité 
  de l'homme, et ainsi sa liberté. Nous sommes libres de changer nos représentations 
  erronées à cause des défaillances de nos sens et donc, 
  nos représentations dépendent clairement de nous. 
  
  Mais la solution proposée par Platon n'est pas le seul moyen de dépasser 
  le cadre sceptique. En réalité, Platon renverse totalement le 
  cadre sceptique et à ce titre, on peut lui opposer la critique qu'il 
  faisait aux Sceptiques, selon laquelle leur schéma de réflexion 
  n'était qu'une représentation. Est-il possible, tout en gardant 
  comme cadre de départ la représentation sceptique, de conclure 
  à la possibilité de la connaissance et à l'existence de 
  notre liberté ?
  L'expérience courante montre que notre esprit est en permanence en train 
  de soupeser deux possibilités, de balancer entre les deux termes d'une 
  alternative, autrement dit, notre esprit passe son temps à juger nos 
  représentations, soit de manière inconsciente en en refoulant 
  certaines qui sont contraires à la morale, soit de manière consciente 
  et raisonnée, en en rejetant d'autres qui ne correspondent pas à 
  la réalité. Il y aurait donc en notre esprit une faculté 
  particulière qui nous permettrait de décider de la validité 
  ou non d'une idée ou d'une représentation que l'extérieur 
  nous a imposée. C'est exactement ce que dit Descartes quand il crée 
  sa célèbre distinction entre " l'entendement " et " 
  la volonté " dans les Méditations métaphysiques.
  L'entendement est en fait la partie de notre esprit qui produit des idées. 
  Comme Descartes raisonne dans le même cadre que les Sceptiques, l'entendement 
  subit les représentations qu'impose l'extérieur. Il explique que 
  depuis l'enfance nous avons pris la fâcheuse habitude de considérer 
  que toutes nos idées viennent de nos sens, ce qu'il conteste fortement. 
  
  La volonté chez Descartes est la faculté qui me permet de juger 
  de mes représentations, d'opérer un tri, un choix pour éliminer 
  celles que ma réflexion détermine comme fausses et à rejeter. 
  C'est donc ce pouvoir qui est décisif quant au sujet qui nous occupe 
  : nous avons un pouvoir sur nos représentations, nous pouvons les juger, 
  les classer, rejeter les fausses et garder les bonnes. La volonté est 
  en effet cette faculté " d'assurer ou de nier " ce que l'entendement 
  a conçu. Toutefois, nous devons nous garder de toute précipitation 
  car c'est elle qui est source de l'erreur. 
  Descartes garde donc comme modèle de départ le cadre sceptique 
  mais il le dépasse car il supprime l'impossibilité de juger de 
  ses représentations. En adjoignant à l'entendement malheureusement 
  fini, limité, la volonté, infinie, il donne à l'homme les 
  moyens de ses ambitions : proclamer sa liberté, son " libre-arbitre 
  ", et accéder à la connaissance du vrai bien, car, comme 
  le dit Georges Pascal, le fruit suprême de la philosophie cartésienne 
  n'est autre que " la plus haute et plus parfaite morale " (lettre-préface 
  des Principes AT IX-B, 14). 
  
  Platon et Descartes à leur manière permettent de sortir de l'espèce 
  d'aporie dans laquelle les Sceptiques se complaisent. Une des limites à 
  notre pouvoir sur nos représentations que nous avons esquissé 
  plus haut était celle qui consistait à dire que nous sommes déterminés 
  par nombre de facteurs socioculturels ainsi que par la " base économique 
  "selon l'analyse de Marx. Ce dernier élément est-il contestable, 
  comme l'était la théorie des Sceptiques ?
  Pour le contester, il faut réussir à montrer que grâce à 
  divers facteurs, nous arrivons à prendre conscience des éléments 
  déterministes et à lutter contre cette sorte de loi qui brime 
  notre liberté de penser et donc d'agir. Nous avions vu que le milieu 
  social influait sur nous en nous donnant comme représentations (du monde, 
  de la Justice, de la valeur des choses, 
) celles qui dominaient dans notre 
  classe, pour employer un vocabulaire marxiste. Mais a contrario, il est possible 
  de dire que l'influence du niveau culturel vient contrecarrer cette tendance 
  déterministe. En effet, apprendre, se cultiver, et particulièrement 
  étudier la philosophie et les philosophes doit avoir comme but de permettre 
  à l'individu dans un premier temps de se rendre compte des déterminismes 
  qui le guettent, et dans un second temps de penser par lui-même et de 
  se forger ses propres représentations en confrontant ses connaissances 
  à ses intuitions, ses perceptions sensibles à ses représentations 
  intellectuelles, autrement dit en cherchant à connaître les " 
  choses extérieures " ainsi que soi-même. 
  Il faut bien convenir que se débarrasser de ses déterminismes 
  est quelque chose d'éminemment difficile et que cela nécessite 
  au préalable une douloureuse prise de conscience de son absence de liberté 
  naturelle. Cependant, et c'est là que résident notre responsabilité 
  et donc notre liberté, nous avons le pouvoir de changer nos représentations, 
  au sens de conceptions du monde, de manières de voir le monde, en diversifiant 
  notre approche des choses extérieures et en recherchant inlassablement 
  la vérité. 
  Les déterminismes restent forts, la connaissance reste quelque chose 
  de difficile à atteindre, c'est ce qui ressort de cette brève 
  étude. Toutefois, il ne dépend que de nous de chercher à 
  vaincre et à dépasser nos déterminismes afin de pouvoir 
  enfin penser par nous-mêmes et d'atteindre la connaissance, car nous avons 
  également souligné qu'elle pouvait être possible et que 
  le scepticisme n'était (heureusement) pas la seule solution au problème 
  de la connaissance. Refusant le " mol oreiller " que constitue le 
  doute aux yeux de Montaigne, nous avons en nous le pouvoir de nous interroger 
  sur nos représentations et de parvenir progressivement à une connaissance 
  de plus en plus étendue malgré la finitude de notre " entendement 
  ". Si de facto les représentations dépendent peu de nous, 
  il est une chose qui ne dépend que de nous : prendre conscience de notre 
  pouvoir sur nos représentations et se servir de cette faculté 
  afin de les mettre au pas et de les subordonner à notre " volonté 
  ", à notre conscience. Car c'est dans cette démarche que 
  résident la possibilité de la connaissance et la liberté 
  première de l'Homme.