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Au regard de l’évolution de l’économie mondiale 
au XIXème siècle, c’était la Grande-Bretagne que l’on qualifiait 
de superpuissance. Cependant, à partir de la première guerre mondiale, 
les Etats-Unis vont tenter d’installer une certaine hégémonie. Poser 
le problème de l’Amérique en tant que puissance mutante, à 
travers l’analyse des évolutions de son économie et de son statut 
de superpuissance, reviendrait à se demander : quels sont les types de 
mutation qu’a subie l’économie américaine ? Ces mutations n’ont-elles 
pas été en réalité l’un des facteurs de l’hégémonie 
américaine surtout à partir de 1945 ?
L’économie américaine a subi différents types de mutations 
au cours du XXème siècle. Il en est de même pour son statut 
de superpuissance (I). Pour autant, certains facteurs restent récurrents 
dans l’évolution de cette économie et l’affirmation de cette hégémonie 
(II). Ce sont les mutations des Etats-Unis qui on en partie permis la justification 
de son statut de superpuissance (III).  
  A travers l’analyse des évolutions des Etats-Unis, les mutations économiques, 
  géopolitiques et celles se rapportant à la géodynamique 
  de son territoire permettent de justifier ce statut de puissance mutante.
  D’un point de vue économique, les notions de taylorisme et fordisme, 
  montrent déjà clairement que dès le début du siècle, 
  les notions d’organisation du travail (Taylor, Ford avec le modèle T(1920)) 
  ont considérablement évolué. A partir de 1945, le secteur 
  tertiaire va devenir de plus en plus important dans l’économie américaine 
  : la part des actifs dans le secteur tertiaire a augmenté de 30% en 50 
  ans. Depuis quelques années, un nouveau phénomène est en 
  train d’émerger : l’imbrication du secteur secondaire dans le secteur 
  tertiaire. L’évolution de sociétés comme Général 
  Electrics ou US Steel (qui devient US X) montre bien cette évolution. 
  La notion de propriété a pris un tout autre sens au cours du XXème 
  siècle. L’idée que les grandes entreprises étaient sous 
  le contrôle de quelques grandes familles (Rockfeller) a été 
  validé depuis l’émergence de l’économie américaine 
  et réfuté avec la notion d’importance du management de l’entreprise 
  (les technostructures) définie par Galbraith qui parlait d’un nouvel 
  Etat industriel dans les années 60. De même, les années 
  80 et 90 ont vu apparaître deux phénomènes asymétriques 
  : l’ère des " corporate killers " comme Jimmy Goldsmith (cherchant 
  à racheter des entreprises et les démanteler pour optimiser leurs 
  qualités) et l’avènement dans les années 90 de la reconcentration 
  des entreprises pour atteindre une taille critique face à la mondialisation. 
  C’est le cas de Boeing et Mac Donnel Douglas mais aussi Digital Equipment et 
  Compaq.
  Cette volonté des Etats-Unis de s’affirmer en tant que superpuissance 
  apparaît dès 1945 et se traduit rapidement sur le plan géopolitique. 
  Pour y parvenir, par un système d’accords bilatéraux ou multilatéraux, 
  ils vont établir des bases militaires partout dans le monde leur permettant 
  ainsi d’avoir une influence sur tous les océans et les endroits stratégiques 
  (Canal de Panama, Détroit de Malacca). Ils vont aussi imposer un certain 
  libre-échange sur tous les marchés mondiaux à travers différentes 
  institutions (GATT,FMI) mais aussi des rounds de négociations. Cette 
  volonté des Etats-Unis de contrôler les marchés par des 
  institutions n’apparaît qu’après la seconde guerre mondiale. Pour 
  imposer cet ordre économique, ils vont utiliser leur puissance. Ainsi, 
  durant le round de Tokyo, des menaces sur la croissance mondiale ont provoqué 
  l’accélération des négociations, les Etats-Unis étant 
  alors le pivot de l’économie mondiale.
  Son importance dans l’économie mondiale se justifie aussi par la géodynamique 
  de son territoire qui a particulièrement évolué. Contrairement 
  aux autres pays industrialisés, la population américaine est une 
  population très mobile (les américains changent d’Etat en moyenne 
  tous les 17 ans). Par conséquent, la hiérarchie des Etats aux 
  Etats-Unis change chaque année et aucun état n’est condamné. 
  A partir du moment où un Etat est dévalorisé, il devient 
  intéressant pour les entreprises car le terrain est moins cher. Cette 
  géodynamique a été modifié grâce à 
  l’évolution de l’immigration des Etats-Unis (avec toujours près 
  de 750000 migrants par an) : les communautés minoritaires ont eu plus 
  ou moins de facilité pour s’intégrer (la communauté asiatique 
  est très intégrée, tandis que pour les communautés 
  noires et hispaniques, de nombreuses disparités sont apparues). L’immigration 
  étant un facteur important dans l’économie américaine, 
  son évolution a donc aussi permis une certaine mutation de la puissance 
  américaine et de son économie comme le montre l’importance grandissante 
  de " l’ethnobusiness " actuellement. Pourtant, même si cette 
  puissance émerge depuis la première guerre mondiale, et malgré 
  de nombreuses évolutions, certains facteurs ne changent pas. 
  Depuis 1880, la plupart des inventions qui ont permis l’évolution de 
  l’industrie sont américaines. Ainsi, en 1945, la moitié des brevets 
  technologiques sont américains. Cette puissance d’innovation a été 
  aidée par l’importance du budget de l’Etat américain dans la recherche 
  et développement, notamment dans le complexe militaro-industriel. Cette 
  puissance d’innovation se retrouve aussi dans l’évolution de l’économie 
  : ainsi l’importance du secteur tertiaire a été très précoce 
  par rapport aux autres pays industrialisés, de même que la mondialisation 
  même si le commerce extérieur ne prend une part importante dans 
  l’économie américaine que dans les années 70 (5% du produit 
  intérieur brut était importé auparavant).
  D’un point de vue monétaire, malgré de nombreux changements de 
  politique, la volonté d’une hégémonie monétaire 
  demeure depuis les années 20, lorsqu’elle devient une véritable 
  monnaie de référence. C’est d’ailleurs à cause de son importance 
  dans l’économie mondiale, que le krach boursier d’octobre 1929 va provoquer 
  une crise de taille mondiale.. L’Amérique va utiliser de nombreux processus 
  pour accroître l’importance du dollar pour permettre ainsi aujourd’hui 
  que la moitié des échanges se fassent en dollar et 75% des transactions 
  journalières sur les marchés des changes se fassent aussi en dollar. 
  Déjà, dès 1945, la banque centrale américaine possédait 
  deux tiers des stocks d’or et la seule monnaie convertible en or était 
  le dollar. Depuis, elle utilise des processus pour permettre d’augmenter la 
  part du dollar dans les réserves monétaires mondiales. Ainsi, 
  avec un dollar faible, les Banques centrales des pays industrialisés 
  souhaitant soutenir cette monnaie, la part de celui-ci augmente dans les réserves.
  Le capitalisme américain, malgré ses nombreuses mutations, a aussi 
  gardé quelques constantes. Il a toujours été un capitalisme 
  innovateur qui a permis un véritable dynamisme des entreprises américaines, 
  c’est ce que Schumpeter appelle la destruction créatrice. Le capitalisme 
  a valorisé le salaire par rapport à l’emploi : symbolisé 
  par le système du Cost of Life Adjustement (COLA) instauré par 
  General Motors en 1948, qui vise à harmoniser le rapport entre la hausse 
  des prix et les salaires. Le syndicalisme a pour de nombreuses raisons eu de 
  moins en moins d’importance dans l’économie américaine notamment 
  avec la loi Taft-Hartley de 1947. Cependant, une contestation de ce capitalisme 
  semble émerger car des grèves, peu courantes aux Etats-Unis, ont 
  eu lieu ces dernières années comme celle des ouvriers de General 
  Motors pour protester contre un transfert de technologie vers la Chine. Malgré 
  tout, la puissance de ces facteurs récurrents, bases de l’économie 
  américaine, peuvent-ils justifier ce statut d’hyperpuissance pour les 
  Etats-Unis? 
 Le statut de superpuissance se justifie avec l’importance des 
  mutations de l’économie américaine. Sa puissance d’innovation, 
  permettant de devancer ses concurrents, et la réussite à des degrés 
  plus ou moins importants de ces innovations a permis d’installer l’économie 
  américaine en tant qu’archétype de l’économie mondiale. 
  Ainsi, la plupart des grands décideurs dans le monde ont suivi une formation 
  dans une université américaine ( de nombreux politiques mexicains 
  ont été formés à Harvard comme l’ancien président 
  Georges Salinas). De même, tous les géants de la distribution qu’ils 
  soient européens ou japonais, ont appris les techniques de la distribution 
  (fondamentale pour une économie) aux Etats-Unis (comme les techniques 
  de Bernard Trujillo).
  La présence de nouveaux marchés comme celui de l’Internet, montre 
  aussi que les Etats-Unis ont une longueur d’avance. Plus de 75 millions d’américains 
  sont connectés à Internet et de nombreuses fortunes se sont formés 
  grâce à ce marché (Chambers avec Cisco Systems, David Filo 
  et Jerry Yang avec Yahoo), ce qui n’est pas encore le cas en Europe et au Japon. 
  Cette mutation des technologies de l’information est donc sous l’emprise des 
  Américains. 
  La mutation des marchés financiers mondiaux avec l’apparition des fonds 
  de pension montrent que les Etats-Unis parviennent à affirmer leur puissance. 
  Cette mutation a été initié par les Etats-Unis et justifie 
  ainsi son statut de superpuissance. Les fonds de pension américains (tels 
  que LTCM, Sequoia Capital) détiennent plus de 25% de l’économie 
  américaine. Ce phénomène a de nombreuses conséquences 
  notamment une fragilisation des marchés boursiers qui deviennent de plus 
  en plus spéculatifs : la capitalisation boursière de Yahoo (225 
  milliards de dollars) est équivalente à celle de Boeing malgré 
  un chiffre d’affaire totalement différent. De même, ce capitalisme 
  impose de nouvelles règles qui rendent le système boursier encore 
  plus fragile (système des warrants). Enfin, cette prise de pouvoir dans 
  les entreprises étrangères permet d’imposer une nouvelle idéologie 
  américaine : le profit maximum à court terme.
 
  Au total, l’expression d’ "Amérique puissance mutante" est 
  justifié au regard de l’évolution de l’économie américaine 
  et de son statut de superpuissance car elle est parvenue à imposer son 
  idéologie à travers ses innovations et ses nombreuses mutations. 
  Ainsi, les technologies de l’information ne sont-ils pas le nouveau marché 
  où les Etats-Unis imposeront leurs idées par leur capacité 
  de mutation ?