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Le mouvement paneuropéen (1922) du Comte Coudenhove-Kalergi
ou même l’idée d’ "Etats-Unis d’Europe" de Victor HUGO
montre que la notion d’Union Européenne est ancienne. Pourtant, c’est à
partir de 1945 que la construction européenne démarre avec comme
premier objectif : empêcher le retour de la guerre.
Peut-on penser, comme le dit Jean MONNET, que : "l’Europe est née
des crises, elle sera la réponse apportée à ces crises ?"
La construction européenne a évolué avec ces crises. Ses
institutions ont tenté, grâce aux différents organismes qu’elles
ont fondés, de répondre à celles-ci (I). L’Europe a-t-elle
vraiment résolu ces crises ? D’autres raisons n’ont-elles pas fait évoluer
la construction Européenne ? (II) Une nouvelle Europe est en train de se
construire pour prévenir ses crises. C’est une Europe à vocation
économique, politique, sociale et culturelle. Les enjeux étant l’affirmation
d’une puissance face aux Etats-Unis et au Japon et la construction d’une Europe
libérale, solidaire et unie.
Avec le début de la guerre froide, en 1947, l’Europe
se divise en deux blocs : l’Europe de l’Ouest s’allie avec les Etats-Unis, l’Europe
de l’Est avec l’URSS. Cette alliance met en place une coopération économique
et militaire entre les pays d’Europe de l’Ouest. La coopération économique
se met en place avec le plan Marshall et la création de l’OECE en 1948,
regroupant les pays d’Europe de l’Ouest. L’OECE devait répartir entre
les pays membres, les aides provenant du plan Marshall. La coopération
militaire apparaît avec la création de l’Organisation du Traité
de l’Atlantique Nord, en 1949, regroupant les pays d’Europe de l’Ouest et les
Etats-Unis. Cette organisation met en place un système de défense
contre le bloc communiste.
Le premier objectif de la construction européenne étant d’empêcher
la guerre, celle-ci va tenter de le remplir par le biais d’une coopération
économique. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les relations
franco-allemandes restent très tendues. Pourtant, dès 1949, le
plan Schuman mais aussi les pères fondateurs de l’Europe (Jean Monnet
en France, Adenauer en Allemagne) montrent que l’un des principes fondateurs
de l’Europe sera l’axe franco-allemand. Ils décident alors, pour améliorer
ces relations, et éviter toute guerre, de mettre en place la CECA en
1951. Cette coopération économique sur le charbon et l’acier (matières
premières stratégiques au niveau militaire) regroupe six pays
: Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, République Fédérale d’Allemagne,
France et Italie. Cette organisation permet le contrôle des productions
du charbon et de l’acier dans ces six pays. L’axe franco-allemand va alors devenir
l’axe principal de l’Europe même si cette coopération est économique
plus que politique durant cette période. L’axe franco-allemand a un rôle
déterminant dans la relance d’une Europe financière lorsqu’elle
met en place le SME en 1979 (axe Giscard-Schmitt) pour tenter d’éviter
les fluctuations monétaires des monnaies des pays membres de ce système.
L’Europe va devenir importante avec la résolution de trois crises. Tout
d’abord, la mise en place de la Politique Agricole Commune dès 1962 va
résoudre le problème agricole européen à savoir
: isoler le marché européen des turbulences du marché mondial
mais aussi maîtriser les productions. Cette politique a aussi été
un test pour faciliter la mise en place d’autres politiques. L’Europe ne peut
vraiment s’affirmer sans l’adhésion de la Grande-Bretagne. Cette intégration
britannique va être longue puisque son adhésion sera refusée
à deux reprises (1963 et 1967) à cause de sa trop grande coopération
avec deux autres blocs : les Etats-Unis et le Commonwealth. L’arrivée
au pouvoir de Georges Pompidou en France en 1969 facilite son adhésion
effective en 1973. Le manque de cohérence des institutions européennes
fait apparaître une nouvelle crise en juin 1965. De Gaulle conteste l’idée
que le budget européen (incluant celui du FEOGA) soit voté à
la majorité. Cette crise a mis en péril la communauté européenne
mais 6 mois plus tard, le problème a été résolu
avec l’instauration du vote à l’unanimité (permettant ainsi aux
nations d’avoir un droit de veto).
Cependant, malgré les crises qu’a traversées l’Europe,
d’autres projets, donnant sa véritable mesure, ont été
mis en place en dehors de tout contexte de crise. La signature du traité
de Rome, le 25 mars 1957, met en place un " marché commun "
mais aussi une coopération technologique avec l’Euratom. Avec ce traité,
instituant la Communauté Economique Européenne (CEE), ce n’est
pas une réponse à une crise mais au contraire un premier pas vers
une union européenne. Cette volonté de libre-échange était
déjà apparu avec le Bénélux (1948) mettant en place
entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas une politique visant à
libéraliser leurs échanges. De même, cette volonté
d’intégration va se confirmer dans les années 80, avec les accords
de Schengen (1985) permettant la libre circulation des hommes et l’Acte Unique
de 1986, avec quatre mesures : la libre circulation des hommes, des capitaux,
des biens et des services. Ces mesures seront effectives le premier janvier
1993.
L’Europe n’apporte pas toujours la réponse à ses crises. L’échec
de la communauté européenne de défense (rejeté par
l’Assemblée Nationale en France en 1954) montre que l’Europe n’a pas
su établir de système militaire pouvant empêcher ses crises.
L’Europe s’est montré inefficace vis-à-vis de la crise des années
70, à deux niveaux : au niveau monétaire et agricole. Sur le plan
monétaire, le serpent monétaire mis en place en 1974 a tenu peu
de temps, car il n’a pas su contrôler les fluctuations monétaires
dues à l’inflation et à la crise du dollar. De plus, il n’avait
aucun moyen financier pour minimiser ces fluctuations. La France est alors obligée
de quitter le serpent monétaire en 1976. Sur le plan agricole, le FEOGA
ne mettra en place un plan de relance qu’en 1979.
L’Europe a tenté d’affirmer son identité en instaurant des rapports
privilégiés avec certains pays du Tiers-Monde. Elle a souhaité
préserver ces relations, les 3 premières puissances coloniales
étaient des puissances européennes. Cette volonté d’indépendance
vis-à-vis des Etats-Unis va se mettre en place avec les accords de Yaoundé
mais aussi les accords de Lomé. Cette coopération économique
tente de faciliter le développement des PED mais cette aide ne concerne
pas tous les pays.
L’Europe tente maintenant d’affirmer son identité afin
de prévenir ses crises mais aussi s’établir en tant que puissance
économique et politique. Une identité européenne est en
train de se façonner. Comme le montre le Portrait social de l’Europe,
il existe une convergence des modes de consommation : les paysages urbains des
capitales européennes (Paris, Londres, Berlin,…) se ressemblent
de plus en plus.
Une volonté d’harmonisation, au niveau social, permet la création
de lois sociales européennes mais aussi de syndicats européens
: CEEP (regroupant les syndicats des entreprises publiques), l’UNICE (regropant
les patrons), le CES (regroupant les syndicats ouvriers : 74 actuellement).
Cette idée d’harmonisation des syndicats ayant pour but d’affirmer une
volonté de contestation plus grande des différents groupes sociaux.
Il en est de même pour le système fiscal, financier (création
de l’Euro, de la Banque Centrale Européenne avec à sa tête
Wim Duisenberg) mais aussi éducatif avec la mise en place d’échange
entre les différents pays membres (programme Socrates) au niveau des
universités (ERASMUS) et des lycées (COMENIUS).
Cependant, des débats demeurent sur l’avenir de l’Europe. D’un point
de vue économique, le budget reste un dossier problématique. Les
négociations sur les participations de chacun des pays sont très
difficiles (Agenda 2000 où l’Allemagne a tenté de réduire
sa participation dans le budget). Le problème de l’élargissement
de l’Europe de l’Est se pose encore. Certains pays ne la souhaitent pas (Mitterand
disait déjà en 1989 qu’ils devraient attendre " plusieurs
décennies ", d’autres préfèrent que l’Europe se consolide
avant de les accepter. Les premiers pays de l’Europe de l’Est devant adhérer
(vers 2008) étant : la République Tchèque, la Pologne,
la Hongrie et la Slovénie. Même si les pays de l’Est représentent
un marché de 110 millions de consommateurs, la production agricole augmenterait
considérablement (obligeant alors la PAC à augmenter son budget
de 50%).
Ce jugement de Jean MONNET est fondé dans le sens où
l’objectif premier de l’Europe était d’empêcher toute guerre. Cependant,
l’Europe, au cours de sa construction, a aussi obtenu une véritable dimension
en dehors de tout contexte de crise et n’a pas toujours su apporter une réponse
à ses crises. Le problème actuel de la Yougoslavie montre que
cet objectif de paix n’a pas été entièrement rempli, mais
aussi que, malgré une volonté d’émancipation, les Etats-Unis
ont toujours une influence sur l’Europe d’un point de vue militaire. Cette influence
peut s’atténuer avec la mise en place d’un projet de défense et
d’indépendance logistique (programme Galiléosat).