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Face à des besoins de mobilité et d’échanges
en forte croissance, les transports jouent un rôle de plus en plus considérable
dans les économies, sociétés et territoires européens.
En effet, les transports, aussi bien fluviaux et maritimes que terrestres et aériens,
sont les supports des échanges qui, eux-mêmes " tirent "
la croissance économique. La mondialisation des échanges, la création
du Marché unique européen, l’internationalisation de l’appareil
productif des firmes fonctionnant en flux tendus, la spécialisation sectorielle
et fonctionnelle des espaces, les mutations technologiques (télécommunications)
et l’évolution des relations travail/habitat montrent l’indiscutable nécessité
d’une politique des transports au sein de l’Europe.
Depuis le traité de Rome de 1957, l’Europe se veut être un espace
uni or l’unité d’un espace dépend des moyens de communication qui
le caractérisent. Ainsi l’on peut s’interroger sur la politique des transports
européens. Existe-t-elle réellement à l’heure actuelle ?
Cette politique communautaire, chaotique entre 1961 et 1983, respecte-t-elle les
objectifs du traité de Rome ?
Dans un premier temps, nous verrons ainsi dans quelle mesure nous pouvons considérer
qu’il existe une politique des transports rail/routes puis nous montrerons en
quoi cette politique européenne des transports n’est pas complète
et enfin nous regarderons quelles sont les raisons pour lesquelles cette politique
communautaire n’existe pas réellement.
I - EN QUOI EXISTE-T-IL UNE POLITIQUE EUROPEENNE DES TRANSPORTS
RAIL/ROUTES ?
Le trafic terrestre a une ampleur extraordinaire. En effet,
le trafic routier représente, aussi bien pour le trafic marchandises
que pour le trafic voyageurs, 80 % du trafic général européen
et le rail représente 10 %.
- Les réseaux routiers et autoroutiers sont développés
au niveau européen…
Le trafic routier a une ampleur extraordinaire pour différentes
raisons. Il existe des facteurs internes à l’espace européen,
mais aussi des facteurs externes.
Facteurs internes :
- ouverture de l’espace européen et différents
actes (Acte Unique, 1986) qui impliquent la libre-circulation des marchandises
;
Le juste à temps (0 stock, 0 délai) implique une proportion
bien plus grande de stocks roulants >> trafic routier plus important.
Le transport routier est le transport le moins coûteux pour les produits
non pondéreux et il s’agit du moyen de transport qui permet la plus
grande flexibilité ;
- La révolution industrielle qui s’est accompagnée
d’une révolution des transports ;
- L’imbrication des appareils productifs et des services qui
Þ une démultiplication des différents moyens de transport.
Facteurs externes :
- mondialisation du commerce et ouverture sur le monde (Rotterdam
: 1er port du monde tous trafics confondus) ;
- les délocalisations dans le cadre de la recherche d’avantages
comparatifs ont contribué à l’incroyable augmentation des trafics.
Les réseaux routiers et autoroutiers sont donc nécessairement
développés aux niveaux national et européen ce qui entraîne
une politique communautaire européenne comme en témoigne par exemple
la modernisation du réseau autoroutier qui est mis à la taille
européenne en 1965 et la construction du Tunnel du Mont Blanc entre Chamonix
et Turin également en 1965. Les liaisons trans-frontalières de
part et d’autre des massifs montagneux sont améliorées. Cette
amélioration passe par la gestion commune des cols existants et la création
de tunnels. Ainsi a-t-on créé, par exemple, le tunnel du Cadi
en 1984 entre la Catalogne et la France pour soulager le col du Perthus et également
le tunnel du Puymorens en 1995 entre la France et l’Espagne.
De plus, depuis le 1er janvier 1988, les transporteurs routiers
n’ont plus qu’un document administratif unique (DAU), pour circuler en Europe
alors qu’ils avaient besoin de 70 formalités auparavant. Ce DAU est en
vigueur dans 19 pays au sein de l’E.E.E (Espace Economique Européen)
et s’accompagne d’une libre-concurrence des transporteurs sur l’espace européen.
- … ainsi que le réseau ferroviaire.
D’une part, en 1986 a été prise la décision
d’installer des lignes LGV à travers l’Europe et on constate également
une volonté de politique communautaire dans la mesure où les TGV
sont à présent construits de façon à s’adapter aux
différents rails. Les TGV qui font les trajets France/Espagne sont équipés
d’essieux à ajustement variable car les rails sont moins larges en Espagne
et, par ailleurs, les TGV sont construits de façon à s’adapter
aux différentes alimentations électriques en France et en Angleterre.
En effet, l’alimentation électrique en France est aérienne alors
qu’elle est souterraine en Angleterre.
D’autre part, les réalisations qui témoignent d’une politique
des transports européens sont la mise en place d’un réseau Trans-Europe
Express (TEE) fondé en 1957 et du Thalys, en 1995, qui relie Paris, Bruxelles
et Amsterdam.
Le but de cette politique des transports européens est
donc la mise en complémentarité des espaces afin de les
intégrer et de les désenclaver.
Des initiatives ont donc été prises pour renforcer cette politique
des transports européens. Ce sont le tunnel trans-Manche, inauguré
en 1994 ou encore la mise en place de plate-formes de ferroutage. En
effet, face à la saturation des grands axes comme la dorsale rhénane,
des décisions communes de créer des systèmes inter-modaux
ont été prises. Ainsi a été créée
la plate-forme Garonor au Nord-Est de Paris.
La politique européenne rails/routes est donc manifeste, cependant on
peut se demander ce qu’il en est pour les autres moyens de transports et c’est
ce qui fera l’objet de notre seconde partie.
II - EN QUOI CETTE POLITIQUE N’EST- ELLE PAS COMPLETE ?
- L’Europe manque de politique communautaire en ce qui
concerne les transports fluviaux et maritimes.
Les transports maritimes occupent une place prépondérante
dans les échanges avec les pays non communautaires (70 % du trafic),
avant tout pour les produits pondéreux, mais aussi pour les marchandises
diverses avec la révolution de la conteneurisation (+ 10 % par an depuis
1984). Ils réalisent en outre 26 % des échanges communautaires
et se concentrent sur une cinquantaine des 600 ports européens, avec
une nébuleuse primordiale en Mer du Nord (Rotterdam, Anvers…) sur
le Northern Range. De cette façon, les grands ports sont mis en réseaux
et depuis 1999, le cabotage est associé à la libre-concurrence.
L’Europe du Nord-Ouest utilise ses fleuves (le Rhin, la Meuse,
l’Escaut) pour ses transports lourds intérieurs. Des canaux à
grand gabarit complètent ce dispositif. Au total, 18 % des échanges
intra-communautaires utilisent ce moyen économique et peu polluant. Mais
l’essentiel de l’espace européen est sous-équipé. Des liaisons
majeures (Rhône-Rhin) n’existent pas. Il y a un problème de jonction
avec le canal de Bourgogne. Et le projet dans ce cas est contesté, alors
que l’Allemagne a réalisé sa liaison Rhin-Main-Danube par le canal
de Bamberg en 1992 qui lui ouvre l’Europe balkanique, et au-delà, la
mer Noire.
Par ailleurs, la France ne joue pas le jeu de l’aménagement des axes
fluviaux. Elle a privilégié le réseau ferroviaire car la
tonne transportée par voie d’eau est 3 fois plus chère que par
voie ferrée. Ainsi, tous les fleuves à l’Ouest de la France sont
aménagés au gabarit Freycinet (moins de 1350 tonnes) et à
l’Est, ils sont aménagés au petit gabarit européen qui
est de 1350 tonnes alors qu’en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, ils sont
au grand gabarit européen qui est de 4500 tonnes. Il y a donc une rupture
de charge entre la France et la Belgique or une rupture de charge implique un
arrêt ce qui entraîne des coûts plus élevés.
Il y a également un premier goulet d’étranglement entre la Seine,
l’Escaut et la Sambre et un deuxième entre la Seine, le Rhône et
le Rhin par le canal de la Marne qui est au gabarit 1350 tonnes alors que la
Seine et le Rhône sont au gabarit 4500 tonnes.
- La bataille du ciel freine une véritable politique
des transports européens…
L’Europe est la zone du plus intense trafic aérien au
monde. Faisant par ailleurs partie de la " Triade ", elle est un des
trois nœuds essentiels du trafic intercontinental. Organisée traditionnellement
sur la base de sociétés nationales, elle est aujourd’hui au cœur
d’une bataille majeure liée à la déréglementation.
Le domaine des transports aériens est demeuré
très protégé jusqu’au milieu des années 70. Les
relations entre Etats et sociétés aériennes étaient
étroites et le fonctionnement des transports aériens était
précisément réglementé.
La déréglementation intervenue aux Etats-Unis à la fin
des années 70 s’est répercutée en Europe du fait de la
concurrence. Dès 1979, la Commission a rappelé les principes de
libéralisation.
L’ouverture devait être complète en 1993. Trois
étapes étaient prévues ; les deux premières, en
1988 et 1990, ont remis en cause l’ancien système et instauré
en partie la libre-concurrence. Les compagnies ont été autorisées
à libérer leurs tarifs, la " multidésignation
" (concurrence de plusieurs compagnies sur une même ligne) et le
droit de " cabotage " (autorisation pour une compagnie étrangère
de faire des escales multiples et de transporter passagers et fret entre ces
escales) se sont mis en place. La libéralisation ne sera cependant
totale qu’en 1998.
L’UE est complètement dépassée par le processus
en cours et la Commission n’a pu que freiner le processus au nom du refus
des positions dominantes (janvier 1997). La faiblesse de l’Europe est ici
encore évidente.
-… tout comme les réseaux de
télécommunication.
Chaque pays, en Europe en particulier, a développé
au cours du siècle son propre réseau, son propre système
de télécommunications (par exemple Transpac en France en 1974
ou encore le Minitel). L’importance stratégique et politique des communications
a fait que progressivement les Etats ont pris le contrôle des premières
firmes privées et ont acquis le monopole : des sociétés
nationales se sont ainsi constituées.
Malgré la dérégulation réalisée
aux USA dès les années 80, il faut attendre le Livre Blanc
de Jacques Delors en 1993, pour que soit évoquée l’urgence
d’une politique commune dans ce domaine des Technologies de l’information
et des communications (TIC). Mais les Etats-Unis, forts de leur avance et
de leur suprématie n’ont pas laissé à l’Europe le temps
de s’adapter. Négociant en force d’abord dans le cadre du GATT, ils ont
finalement obtenu à Genève, dans le cadre de l’OMC, un accord
sur l’ouverture totale à la concurrence à compter du 1er janvier
1998, signé par 68 pays dont les membres de l’UE. C’est donc la fin des
monopoles. Il s’agit de privatiser, au moins en partie, les anciens opérateurs
nationaux et avant même les privatisations, les sociétés
se sont lancées dans des alliances tous azimuts : en 1996 le Britannique
British Telecom s’est allié à l’Américain MCI, France Télécom
à Deutsche Telekom et à l’Américain Sprint…
Ce qui ressort de cette tempête, c’est une fois encore,
l’éclatement de l’Europe qui, dans un domaine aussi cruciale, est certainement
lourd de conséquences et, en tout cas, révélateur de la
fragilité de l’édifice européen et du manque de politique
des transports européens en matière de télécommunications.
III - POUR QUELLES RAISONS N’Y-A-T-IL PAS REELLEMENT DE
POLITIQUE COMMUNAUTAIRE ?
- Débat entre Etat-Nation et supranationalité.
Il est difficile d’établir une réelle politique
communautaire dans la mesure où chaque Etat hésite entre privilégier
l’Etat-Nation ou la supranationalité. En choisissant la supranationalité,
les pays ont peur de perdre leur identité culturelle, économique,
sociale…
- Les logiques économiques priment.
Les logiques de la rentabilité économique empêchent
de mettre en œuvre une politique des transports qui permettrait d’intégrer
et de désenclaver les espaces. Ce sont donc les logiques externes qui
l’ " emportent " sur les logiques internes, c’est-à-dire que
se développent les grandes villes, les grands axes de communication et
les grandes façades maritimes, du fait du processus cumulatif de richesses,
au détriment du reste de l’espace qui devient difficile à intégrer
et à désenclaver.
Ainsi, l’Europe étant le premier pôle commercial du monde (47 %
des échanges mondiaux sont intra-européens), le FEDER (Fonds Européen
de Développement Economique et Régional) se doit de mener une
politique communautaire de désenclavement et insister sur le concept
de " justice spatiale " au sein de l’Europe. Il faut donner sa chance
à chaque région. Cette politique de désenclavement passe
notamment par une politique d’aménagement du territoire.
- Les logiques de rentabilité économique se heurtent
au pouvoir écologiste.
Il existe un débat entre rentabilité économique
et protection de l’environnement. Le pouvoir politique se heurte aux lobbies
et à l’opinion publique. Par exemple, la construction de l’autoroute
A 28 a été interrompue car les lobbies écologistes s’y
sont opposés en affirmant que cela allait fortement nuire à une
espèce de scarabées, le pique-prune. Ce pouvoir écologiste
empêche donc d’une certaine façon la mise en place d’une politique
des transports européens.
Le secteur des transports représente un vaste marché
de plus en plus livré à la concurrence dans un cadre libéral
et déréglementé. Cependant on constate que l’Union Européenne
s’efforce de mettre en place une politique communautaire rails/routes alors
qu’elle reste impuissante face à la concurrence qui sévit dans
les secteurs du transport aérien et des télécommunications.
De plus, la politique européenne concernant les transports fluviaux est
quasi-inexistante. Les logiques de rentabilité économique et dons
les logiques externes empêchent cette réelle politique européenne
qui permettrait de décongestionner les grands axes, de protéger
l’environnement et donc de désenclaver les espaces. A terme, on peut
craindre que les goulets d’étranglement deviennent un fardeau pour l’Europe.
Il faut donc concilier axes structurants et désenclavement.