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Après avoir subi l’occupation allemande pendant la
seconde guerre mondiale, le peuple français espère trouver une situation
économique lui assurant le bien-être qu’il n’a jamais véritablement
connu. Or, cette prospérité générale est conditionnée
par l’emploi.
De quelle manière celui-ci a-t-il permis à la France d’atteindre
la situation économique et sociale qui est la sienne aujourd’hui ?
Nous étudierons d’abord le rôle de l’évolution démographique
sur l’effectif de la population active (PA) et les problèmes rencontrés
aujourd’hui. Nous consacrerons la deuxième partie à l’évolution
du secteur primaire, et enfin la dernière partie à l’évolution
du secondaire et du tertiaire.
La population française, après avoir été
la "Chine de l’Europe " au XVIIIème siècle, a longtemps
stagné. Aussi, au sortir de la deuxième guerre mondiale, certains
démographes, à l’instar d’Alfred Sauvy, comprenant que croissance
démographique et économique sont liées, incitent le gouvernement
français à lancer une politique nataliste, qui sera en partie
à l’origine du baby-boom, amorcé cependant dès 1943. Toutefois,
cette hausse rapide de la natalité ne peut pas assurer la reconstruction
dans les années 50, et le recours à l’immigration est nécessaire.
Son effet est cependant limité, et la main-d’œuvre fait défaut,
d’autant plus que la guerre d’Algérie (1954-1962) prive la France d’une
grande partie de sa population jeune.
A partir des année 60, les besoins en main-d’œuvre parviennent enfin
à être satisfaits. A l’inverse, le retour de 1,5 millions de pieds-noirs
et l’émancipation des femmes qui entrent sur le marché du travail
font apparaître le chômage, qui reste limité jusqu’au premier
choc pétrolier en 1973 (de 0,4 million en 1965 à 1 million en
1973).
Mais, depuis lors, le chômage est devenu structurel : il a constamment
augmenté pour atteindre 3,4 millions de chômeurs en 1995. Les générations
du baby-boom sont trop nombreuses sur le marché de l’emploi à
partir des années soixante-dix, la production devant suivre une demande
stagnante. Des efforts sont accomplis pour tenter de limiter la PA : l’immigré
devient indésirable (les premières lois de restriction de l’immigration
apparaissent en 1975), la retraite est ajustée à 60 ans et le
passage aux 39H de travail par semaine sont décidés sous Mitterrand
en 1981.
Mais ces politiques eurent peu d ’effet , car les entreprises, recherchant une
hausse de la productivité, ont réduit la masse salariale à
partir des années quatre-vingt (cf troisième partie). Ainsi, le
chômage a atteint un maximum en 1997, touchant 12,5% de la PA.
La situation actuelle semble plus encourageante: le chômage diminue depuis
1997 (9% de la PA aujourd’hui), notamment grâce aux 35 heures et surtout
grâce à la croissance économique. Mais de nouveaux problèmes
surviennent : les départs massifs à la retraite prévus
dans les prochaines années sont à l’origine de deux problèmes
: le financement des retraites risque de ne plus être assuré, et
il est probable qu’un manque de main-d’œuvre du fait de la baisse de la
PA se fasse ressentir. Faudra-t-il alors recourir à nouveau à
l’immigration, comme l’a suggéré le plan Boissonnat en 1995 ?
Etudions à présent la répartition de la
PA selon les secteurs. Le secteur agricole est resté longtemps prédominant
en France, ce qui la place en retard par rapport à ses voisins (Angleterre
et Allemagne) dans l’industrialisation. On peut parler d’une majorité
rurale jusque dans les années cinquante. Mais, avec la modernisation
et l’essor des autres secteurs, l’exode rural s’étend dans les années
cinquante et soixante. Les métayers, ceux qui ne possèdent pas
de terre, vont vers la ville où ils espèrent trouver un emploi
moins pénible et mieux rémunéré.
En réalité, l’agriculture française se transforme radicalement
dans les années soixante sous l’impulsion de la CEE et de la PAC. La
France est en effet contrainte de se moderniser si elle veut jouer le rôle
de fournisseur de l’Europe. Ainsi la loi Pisani de 1962 favorise-t-elle le remembrement,
et la mécanisation, la chimisation entraînent une hausse de la
productivité et des rendements. Ceci conduit à la poursuite de
l’exode rural jusqu’à la fin des années soixante, ce qui devient
préoccupant : Mendras parle même de la " fin des paysans ".
En effet, ils ne représentent plus que 10% de la PA en 1975.
De plus, même si la France est devenue une puissance agricole compétitive
(deuxième mondiale), cette prospérité est relative parmi
le paysannat et on peut alors opposer deux types d’agriculteurs : les riches
entrepreneurs du bassin parisien et les " smicards de l’agriculture "
des régions aux sols moins fertiles qui ont du mal à subvenir
à leurs besoins. C’est pour cette raison que la déprise rurale
est encore d’actualité aujourd’hui : on ne peut plus parler véritablement
d’exode rural, mais la part des agriculteurs diminue tout de même (moins
de 5% de la PA aujourd’hui). Les jeunes ne veulent plus reprendre l’exploitation
paternelle, ce qui mène à un vieillissement excessif de la PA
agricole.
Toutefois, l’agriculture française demeure compétitive, notamment
grâce à des régions de production où la PA agricole
se concentre : on pourra citer le Bassin Parisien, véritable grenier
de la France, ou encore la Bretagne, grande région d’élevage industriel.
On dit souvent que la France est passée d’une économie dominée
par le secteur primaire à une économie où le tertiaire
prédomine, le secteur secondaire ayant été négligé.
Toutefois, celui-ci a joué un rôle important dans l’emploi pendant
les 30 Glorieuses, où son pourcentage dans la PA a progressé jusqu’à
atteindre 40%.
En réalité, le secteur secondaire a joué un rôle
déterminant dans la reconstruction d’après-guerre, ce qui a assuré
sa croissance. En effet, de nombreuses activités telles que le bâtiment,
l’énergie, la construction navale, l’automobile, la sidérurgie
et la métallurgie nécessitaient beaucoup de main-d’œuvre,
et généralement les emplois proposés étaient faciles
d’accès car peu qualifiés : c’était l’ère des ouvriers
spécialisés dans un système fordiste en plein succès.
Mais, dès le début des années soixante, les premiers signes
de faiblesse apparaissent : par exemple, le textile est mis à mal par
la concurrence des pays émergents. On assiste lors progressivement à
une baisse de la part des industries lourdes au profit d’industries légères
ou de pointe, ce qui nuit à l’emploi.
De plus, le tertiaire prend véritablement son envol après 1970
: représentant alors 45% de la PA, il correspond aujourd’hui à
70% de la PA. Il absorbe la majorité des nouveaux emplois créés
grâce au dynamisme de ses activités (tourisme, banque, transport,
services).
A l’inverse, le secteur secondaire est contraint de se restructurer dans un
contexte de mondialisation et de concurrence de partenaires proches et plus
puissants (Allemagne). Ainsi, la robotisation, l’automation se généralisent
dans les années 80, notamment dans l’activité automobile, et mettent
fin au système fordiste avec des conséquences dévastatrices
sur l’emploi : la France a perdu 1,5 millions d’emplois industriels depuis 1970
!, si bien qu’aujourd’hui le secteur secondaire représente moins de 30%
de la PA.
Toutefois, le chiffre de 70% d’emplois tertiaires est à relativiser :
en effet, de plus en plus d’emplois industriels perdus sont gagnés par
le secteur tertiaire. Par exemple, l’entretien, le gardiennage, la comptabilité,
la publicité sont autant d’activités qui ont été
déléguées par les entreprises industrielles au profit de
nouvelles entreprises tertiaires.
Enfin, il faut souligner une redistribution géographique de l’emploi
industriel et tertiaire aujourd’hui : non pas que la traditionnelle ligne Le
Havre/Marseille ne soit plus vérifiée (2/3 de ces emplois se trouvent
encore à l’est de cette ligne), mais de nouvelles régions deviennent
attractives, telles que les régions du sud qui sont le berceau des nouvelles
technologies, avec de véritables villes de cadres et d’ingénieurs
comme Toulouse et Grenoble.
Ainsi, la population active française a dû faire face à
de nombreux bouleversements depuis 1945. Autrefois en majorité dans les
campagnes et presque assurée de trouver un emploi, elle se trouve désormais
dans la ville où elle doit constamment se mettre en valeur pour se faire
une place sur le marché du travail. Car les tâches qu’on lui demande
d’exécuter aujourd’hui sont sans doute moins pénibles qu’auparavant,
avec la généralisation du tertiaire, mais elle doit affronter
d’autres obstacles : on lui demande d’être flexible, une capacité
d’adaptation à toute situation, des connaissances élémentaires,
si bien que tout le monde ne peut trouver un emploi. Est-on donc condamné
à l’existence d’un chômage structurel de masse dans les pays industrialisés
?