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Déjà au XVIIIème siècle commencent
à se mettre en place de grandes voies de transports, comme les routes royales
en France, pour maîtriser le territoire. Mais ce n’est qu’avec la Révolution
Industrielle au XIXème siècle que des espaces densifiés de
transport (les réseaux) se développent et jouent un rôle important
dans l’économie, la société et l’espace européen.
Quels sont alors les enjeux du développement des réseaux de transport
de personnes et de marchandises et en quoi est-il essentiel dans la structuration
de l’espace en Europe occidentale à partir de 1880 ?
Il faut distinguer deux grandes périodes. De 1880 à 1945, on assiste
à une véritable révolution des transports où la mise
en place de réseaux constitue un facteur décisif de l’évolution
économique et de l’organisation de l’espace. A partir de 1945, on assiste
à une modernisation des réseaux de transport qui entrent désormais
dans une politique d’aménagement du territoire notamment dans le cadre
de la construction européenne.
En 1880, bien que l’Europe se trouve dans une situation économique peu
favorable, la Grande Dépression, le secteur des transports connaît
une période d’euphorie et de grand développement à tel
point que l’on a parlé, pour cette période, d’une révolution
des transports. Nous allons voir que ce développement des réseaux
de transport est t à la fois une conséquence de l’évolution
économique et un moteur de la croissance. Puis nous étudierons
à travers l’évolution des différents réseaux leurs
effets sur l’organisation de l’espace européen.
Le secteur des transports s’intègre totalement dans le système
productif de la Révolution Industrielle comme le montre Juglar qui détermine
des cycles économiques en fonction de ce secteur, notamment des crises
des compagnies ferroviaires. Il est vrai que le développement de ces
réseaux entretient la croissance industrielle de par ses effets induits.
En effet, en amont, le chemin de fer fait appel en grande quantité à
la sidérurgie ainsi qu’à l’industrie charbonnière et le
transport routier qui se développe au début du XXème siècle
a stimulé d’autres industries également comme celle du verre (St-Gobain)
ou des pneus (Michelin). En aval se sont mis en place des compagnies de fret
ou d’assurances par exemple. Ainsi a vu le jour une forme de capitalisme des
transports qui a stimulé les industries porteuses de la Révolution
industrielle.
Les usines s’étant souvent installées à proximité
des mines ou autres lieux d’exploitation, les réseaux de transport ont
surtout permis d’acheminer les productions vers les marchés de consommation.
Enfin, c’est surtout dans le contexte d’ouverture économique de plus
en plus importante que ces réseaux ont joué un rôle en facilitant
les échanges.
C’est ainsi que s’agrandissent surtout les réseaux maritimes et de chemin
de fer à la fin du XIXème siècle.
Le chemin de fer, souvent subventionné par l’Etat, est à son apogée.
Il concerne aussi bien le transport de marchandises que de personnes. A cette
époque, les réseaux de la France, de la Belgique, de l’Angleterre
et de l’Allemagne sont déjà très étendus avec comme
particularité un réseau déjà très centralisé
pour la France. Les réseaux maritimes ont une place très importante
dans le transport des marchandises grâce au percement de grands canaux
comme le Mittelandkanal en Allemagne. Les estuaires, de la Tamise surtout, du
Rhin et de la Seine, deviennent donc des lieux de pénétration
vers un " hinterland " de plus en plus profond.
Quant à la route, elle est concurrencée par le chemin de fer.
Toutefois, elle va connaître un essor remarquable avec le développement
de l’automobile au début du XXème siècle et l’apparition
dans les années 1930 de l’autoroute comme support. L’aviation reste limitée
au champ de l’innovation et de l’expérimentation. Elle ne connaît
un véritable essor qu’après la Première Guerre Mondiale
lorsque son utilisation sera transposée du domaine militaire au domaine
civil. On voit alors apparaître un transport de passagers et les premiers
aéroports comme le Bourget à Paris.
Cette révolution des transports et le développement de ses réseaux
a donc facilité l’ouverture économique en favorisant la mobilité
des marchandises et de la main d’œuvre. Les réseaux de transport
deviennent alors à la fois un enjeu politique et économique. On
voit ainsi des régions se spécialiser. C’est notamment le cas
des vignobles français qui trouvent des débouchés plus
lointains.
Les régions les mieux équipées sont les pays noirs : Nord-Pas-de-Calais
et Lorraine en France, Lancashire en Angleterre ou Ruhr en Allemagne. Or toute
activité économique s’installe désormais dans les régions
bien desservies en transports. De là découle une répartition
inégale des réseaux de transport, d’une part entre pays industrialisés
et ceux qui le sont moins (entre France et Espagne par exemple) et, d’autre
part, entre les " pays noirs " et les régions plus archaïques
au sein d’un même pays (entre le Nord et la Bretagne pour la France, entre
la Ruhr et la Bavière pour l’Allemagne par exemple). Les réseaux
de transports sont donc essentiellement concentrés sur ces régions
jusqu’au second conflit mondial.
La guerre vient en effet changer la donne. De nombreuses infrastructures de
transport (ponts, routes, voies ferrées, etc.) ont été
détruites. L’heure est à la reconstruction.
A partir de 1945, on assiste à un mouvement de reconstruction, tout d’abord,
puis de modernisation des réseaux de transport dans le cadre d’une ouverture
économique amplifiée où les transports jouent un rôle
essentiel. En outre apparaît à cette époque un souci de
développer des réseaux plus harmonieux. C’est ainsi que se mettent
en place des politiques d’aménagement du territoire au niveau national
mais aussi au niveau européen. En effet, à partir de 1957, le
développement des réseaux de transport s’intègre progressivement
dans le cadre de la construction européenne. Mais jusqu’à quel
niveau ?
Le développement du tourisme et des loisirs dû à la hausse
du niveau de vie durant les Trente Glorieuses, les délocalisations industrielles,
les nouvelles politiques de gestion (flux tendus, externalisation, sous-traitance)
ont obligé les réseaux de transport à se moderniser. Ainsi
se sont développés les autoroutes, tout d’abord en Allemagne et
en Italie, puis en France dans les années 1970. L’Europe est devenue
très performante dans le domaine des trains à grande vitesse (TGV,
Intercity). Toutefois, le développement des réseaux reste inégal.
Beaucoup de régions restent marginalisées. C’est pour cette raison
qu’apparaissent des politiques d’aménagement du territoire, dont les
transports sont un outil essentiel, avec la Caisse du Midi en Italie ou la DATAR
(Délégation à l’Aménagement du Territoire et à
l’Action Régionale) en 1963. Désormais, ce n’est plus la logique
économique qui crée les réseaux mais la volonté
politique qui, par ailleurs, en désenclavant certaines régions,
contribue à la croissance économique. Cet aménagement du
territoire par le transport a aussi pour objectif de désengorger certaines
régions, comme le Rhône-Alpes, qui sont surchargées.
Les réseaux de transport sont un élément structurant de
l’espace européen dans le cadre des politiques de l’UE, et même
de la CEE auparavant puisque déjà le Traité de Rome en
1957 prévoyait une politique européenne des transports. Les réseaux
de transport sont un véritable enjeu dans la formation d’une unité
européenne d’autant plus dans la perspective des futurs élargissements.
L’UE doit montrer une certaine cohérence à ce niveau. Grâce
à la mise en place de l’espace Schengen, de la suppression des contrôles
douaniers, les différents réseaux nationaux ont pu s’interconnecter.
De véritables routes non plus seulement nationales mais européennes
ont pu voir le jour, ce qui donne une cohérence à l’espace européen.
Les réseaux de transport constituent un élément de structuration
de l’espace également au niveau européen et à prendre en
compte dans l’intégration européenne. C’est ce qu’entreprend de
favoriser la FEDER dans le cadre de l’aide régionale européenne.
Toutefois, on ne peut pas encore dire qu’il existe un réseau européen
de transport qui lui confèrerait une unité car les réseaux
nationaux restent très divers.
Les réseaux de transport dans l’Europe occidentale ont joué et
jouent toujours un rôle fondamental dans la structuration de l’espace.
Toutefois il reste des déséquilibres et des inégalités.
Ainsi, il peut apparaître que, d’une certaine manière, Paris est
plus proche et plus liée aux autres grandes métropoles européennes
et mondiales dans le cadre de la mondialisation que de sa périphérie
proche.