Le pétrole, marchandise stratégique et spéculative

Bonnes Copies

Bonne Copie du Lycée Bergson d’Angers. Cette copie a été notée 13/20. Voici le commentaire du professeur : Réflexion argumentée en général. Démarche acceptable. Donnez davantage de précisions sur les aspects géographiques (différences entre EU et Europe...).

Bonne copie du lycée : 49 - Angers - Lycée Bergson

Cette copie a été notée : 13 / 20

Commentaire du professeur : Réflexion argumentée en général. Démarche acceptable. Donnez davantage de précisions sur les aspects géographiques (différences entre EU et Europe...).


Untitled Document Le pétrole a cette particularité d’être à la fois une matière première (cf. la pétrochimie et la fabrication des matières plastiques par exemple) et une source d’énergie dont l’usage est aussi bien industriel que domestique. L’ensemble de ses atouts lui a conféré un poids considérable dans l’économie mondiale et le commerce international, si bien qu’aujourd’hui le pétrole se présente comme une marchandise stratégique (sens militaire) et spéculative (sens économique). Ainsi le pétrole représente un enjeu économique impliquant l’intervention réfléchie des acteurs (Etats, compagnies…) dans le contexte planétaire.
Mais quels sont les éléments qui confèrent à ce produit un pouvoir géostratégique ? Comment fonctionne exactement le marché du pétrole ?
Pour répondre à cela, nous analyserons tout d’abord le rôle du pétrole aujourd’hui et ses implications géographiques notamment. Puis nous verrons le fonctionnement particulier du marché du pétrole et ses aléas jusqu’à aujourd’hui. Enfin, nous envisagerons l’avenir du pétrole.


En 1990, la part du pétrole dans l’énergie était de plus de 30 % contre 25 % pour le charbon et 20 % pour le gaz. Le pétrole constitue la source d’énergie la plus importante à partir des années 1960-1970 et sa production atteint 3000 millions de tonnes en 1990, soit presque dix fois plus que cinquante ans auparavant. Cela est dû, de manière générale, à la hausse de la consommation d’énergie pendant les Trente Glorieuses avec la hausse du niveau de vie et de nouvelles pratiques domestiques et industrielles énergétivores. Plus particulièrement, l’augmentation de la part du pétrole, qui n’était qu’une énergie pionnière à la fin du XIXème siècle, découle des nombreux avantages qu’il présente : abondance, coût faible, souplesse d’utilisation, et s’effectue grâce au développement de l’automobile et du moteur à explosion ainsi que grâce aux progrès des transports.
En effet, on distingue une dissociation des producteurs et des consommateurs : l’Arabie Saoudite et les pays du Moyen-Orient peu peuplés, par exemple, sont les plus gros producteurs alors que le Japon ou la France sont de gros consommateurs qui ne produisent quasiment pas de pétrole. D’où la nécessité d’échanges et d’infrastructures. Les oléoducs mettent directement en relation les producteurs et les consommateurs comme ceux qui apportent le pétrole sibérien à l’Europe Occidentale. Le développement de commerce du pétrole nécessite également la mise en place de grands ports et zones industrialo-portuaires alliant des avantages naturels, techniques et géographiques (Hinterland) pour le transport du pétrole. On observe également des flux, des routes privilégiées du pétrole qui donnent lieu à l’existence de véritables carrefours stratégiques du pétrole tels que les détroits turcs, celui de Gibraltar, le détroit de Malacca au large de Singapour ou encore les canaux du Suez ou de Panama. Ainsi, il existe des points géographiques stratégiques qui, au moindre incident, peuvent compromettre l’approvisionnement de nombreux pays en pétrole. Cela est d’autant plus renforcé que des régions concentrant les structures de production et de transport sont souvent politiquement instables comme dans la région israélo-palestinienne, dans le Moyen-Orient ou le Caucase où les oléoducs sont nombreux.
Enfin, à cela s’ajoute le fait que l’offre et la demande de pétrole soient très concentrées, ce qui entraîne un marché du pétrole très particulier où les leviers de commande sont concentrés aux mains de quelques acteurs qui peuvent les utiliser comme arme politique. On peut donc se demander en quoi le fonctionnement du marché pétrolier rend ce produit stratégique et spéculatif.

Le marché pétrolier est un marché boursier mais qui s’effectue dans un contexte particulier. Certes le cours du pétrole est fixé suivant la loi d’offre et de la demande dans le marché SPOT qui enregistre au jour le jour les fluctuations de l’offre et de la demande. Mais il faut aussi prendre en compte deux éléments perturbateurs que sont les services publics et les cartels.
En effet, le secteur public, dans de nombreux pays, intervient dans le marché pétrolier en menant des politiques énergétiques, en effectuant des choix et en possédant quelquefois des monopoles publics. Son objectif est alors de produire et de se ravitailler à meilleur compte. En outre, le service public trouve un intérêt dans le pétrole en y imposant une forte fiscalité. L’autre élément qui perturbe l’offre et la demande est la formation de cartels, notamment de cartels de producteurs comme les Majors en 1928 ou l’OPEP en 1960, qui peuvent fixer les prix et s’entendre sur la production.
Par conséquent, au gré de la conjoncture, on observe soit des périodes favorables aux producteurs, soit des périodes favorables aux consommateurs. Ainsi le prouvent les aléas du marché pétrolier au cours du XXème siècle.
Tout d’abord, la période partant de l’époque pionnière jusqu’à la seconde guerre mondiale fut marquée par le règne des Majors, les " 7 Sœurs " du cartel de 1928 qui contrôlait tout de la production et des prix. Ensuite, de 1945 à 1973, l’arrivée des Indépendants et des sociétés publiques remet en cause le monopole du cartel. En 1960 est créé l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole) qui réunit les principaux producteurs de pétrole (>40% de la production mondiale) soucieux de garantir leur pouvoir d’achat dans le commerce international du pétrole. C’est à cette période que certains pays du Tiers-Monde parient sur le pétrole comme stratégie de développement après que leurs ressources aient été exploitées par des firmes étrangères. La période 1973-1983 sonne le succès de l’OPEP successivement par la guerre du Kippour et la révolution iranienne. Là, les producteurs exercent leur pouvoir conféré par le rôle stratégique du pétrole sur les économies dépendantes de cette énergie. On passe d’une énergie bon marché à une énergie coûteuse et les stratégies sont différentes selon les balances commerciales. Les exportateurs cherchent à fidéliser leurs clients tandis que les importateurs mènent des politiques d’économie d’énergie et cherchent à diversifier leurs approvisionnements en s’appuyant sur les pays Non-OPEP, ce qui va entraîner l’échec de l’OPEP.
En effet, à partir de 1983, on constate un retournement du marché et une stabilisation. Alors que l’OPEP voulait garantir son pouvoir d’achat, on constate que de 1973 à 1985, la part de marché de l’OPEP dans la production mondiale passe de 62 % à 35 % tandis que le prix du pétrole déflaté à l’export des produits manufacturés de l’OCDE augmente de 6 à 36$ ( en $ de 1980). Cela est dû aux économies d’énergie des pays importateurs et donc à une offre désormais supérieure à la demande, à l’arrivée des non-OPEP sur le marché. Ainsi, on remarque que durant cette période la production russe double presque tandis que celle du Moyen-Orient diminue. Ce contre-choc provient également de la désorganisation de l’OPEP qui présentent des stratégies divergentes avec, d’un côté, les pays assez peuplés avec peu de réserves (Algérie, Iran, Indonésie, Nigeria) pour qui les revenus pétroliers sont nécessaires au d développement, et avec de l’autre côté les monarchies du Moyen-Orient, riches et pourvues d’immenses réserves qui placent leurs pétrodollars et pour qui une baisse des prix permet d’éliminer les concurrents.
Aujourd’hui, on arrive à une situation de compromis et d’équilibre grâce à une meilleure entente au sein de l’OPEP. Le jeu boursier offre-demande prévaut.
Ainsi, l’histoire du marché pétrolier illustre elle-même le caractère stratégique et spéculatif du pétrole. Qu’est-ce qui alors nous empêche d’envisager le risque d’un troisième choc pétrolier puisque des problèmes d’approvisionnement et de prix ainsi que des crises politiques au Moyen-Orient peuvent toujours se produire ?


Tout d’abord, on ne peut nier que le pétrole va rester une source d’énergie fondamentale et en augmentation puisque son prix reste attractif, qu’on continue à faire des découvertes et les PVD sont enclins à augmenter leur consommation pétrolière dans un proche avenir. En outre, le Moyen-Orient reste incontournable puisqu’il possède les 2/3 des réserves pétrolières mondiales. En effet, on découvre de plus en plus de réserves ; de 87,5 millions de tonnes en 1980, les réserves prouvées sont passées à 137,4 Mt en 1996 dont 65,5 % sont au Proche-Orient contre seulement 7,7% en Amérique du Nord ou 5,7% en ex-URSS. Le pouvoir stratégique de cette région est donc susceptible de se renforcer.
Cependant, aujourd’hui, un consensus s’établit puisqu’il y a intérêt commun entre tous les acteurs du pétrole à garantir une fourchette de prix stable. En effet, toute variation des prix entraîne un transfert de revenus des producteurs aux consommateurs et vice-versa. Ainsi, les Etats-consommateurs n’ont pas intérêt à ce que les prix soient trop bas car, d’une part, cela signifierait une baisse de leur revenu fiscal, et d’autre part, ils ne pourraient plus vendre leurs produits manufacturés sur les marchés des pays pétroliers en perte de pouvoir d’achat. De la même façon, n prix trop élevé pourrait nuire aux producteurs et leur faire perdre des débouchés puisque leurs clients disposent désormais d’énergies de substitution sur lesquelles ils peuvent se tourner. C’est pourquoi, l’Arabie Saoudite a accepté récemment " d’ouvrir les robinets " suite à la flambée du prix du pétrole.
A cela s’ajoute le fait qu’il va falloir désormais prendre en compte l’environnement dans le coût du pétrole pour pallier sa pollution notamment aux marées noires comme celle de l’Amoco Cadiz en 1979 ou plus récemment, celle de l’Erika en 1999.
Il reste encore l’inconnu des PVD quant à l’avenir du pétrole puisqu’on ne peut pas encore clairement dessiner les dimensions que va prendre l’augmentation de leur consommation de pétrole.
Pour finir, on peut noter le phénomène inquiétant de la diminution du temps de consommation que représentent les réserves alors qu’on en découvre de plus en plus. En effet, en 1994, les réserves de pétrole prouvées représentent 136,3Mt soit 43,3 ans au rythme de la consommation et en 1996, 137,4 Mt soit 42,6 ans.


En conclusion, il apparaît clairement que le pétrole est un produit spéculatif dans un marché boursier que des paramètres d’ordre politique peuvent bouleverser. C’est également un produit stratégique du fait de la différenciation des consommateurs et des producteurs et du fait de la concentration géographique des ressources et des exploitations dans le Moyen-Orient qui reste une région instable. Toute crise politique dans cette région peut ainsi agir sur l’économie du monde étant donné la dépendance pétrolière de certaines économies nationales. Ainsi, les interventions dans le Moyen-Orient lors de conflits sont certes motivés par la volonté de faire respecter le droit international mais sont également sous-tendus par des enjeux économiques liés au pétrole. Cependant, l’éventualité d’un troisième choc pétrolier est écartée pour le moment grâce à une meilleure entente entre les acteurs et à la capacité de réaction que possèdent désormais les consommateurs.