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Le pétrole a cette particularité d’être 
à la fois une matière première (cf. la pétrochimie 
et la fabrication des matières plastiques par exemple) et une source d’énergie 
dont l’usage est aussi bien industriel que domestique. L’ensemble de ses atouts 
lui a conféré un poids considérable dans l’économie 
mondiale et le commerce international, si bien qu’aujourd’hui le pétrole 
se présente comme une marchandise stratégique (sens militaire) et 
spéculative (sens économique). Ainsi le pétrole représente 
un enjeu économique impliquant l’intervention réfléchie des 
acteurs (Etats, compagnies…) dans le contexte planétaire.
Mais quels sont les éléments qui confèrent à ce produit 
un pouvoir géostratégique ? Comment fonctionne exactement le marché 
du pétrole ? 
Pour répondre à cela, nous analyserons tout d’abord le rôle 
du pétrole aujourd’hui et ses implications géographiques notamment. 
Puis nous verrons le fonctionnement particulier du marché du pétrole 
et ses aléas jusqu’à aujourd’hui. Enfin, nous envisagerons l’avenir 
du pétrole.  
  En 1990, la part du pétrole dans l’énergie était de plus 
  de 30 % contre 25 % pour le charbon et 20 % pour le gaz. Le pétrole constitue 
  la source d’énergie la plus importante à partir des années 
  1960-1970 et sa production atteint 3000 millions de tonnes en 1990, soit presque 
  dix fois plus que cinquante ans auparavant. Cela est dû, de manière 
  générale, à la hausse de la consommation d’énergie 
  pendant les Trente Glorieuses avec la hausse du niveau de vie et de nouvelles 
  pratiques domestiques et industrielles énergétivores. Plus particulièrement, 
  l’augmentation de la part du pétrole, qui n’était qu’une énergie 
  pionnière à la fin du XIXème siècle, découle 
  des nombreux avantages qu’il présente : abondance, coût faible, 
  souplesse d’utilisation, et s’effectue grâce au développement de 
  l’automobile et du moteur à explosion ainsi que grâce aux progrès 
  des transports.
  En effet, on distingue une dissociation des producteurs et des consommateurs 
  : l’Arabie Saoudite et les pays du Moyen-Orient peu peuplés, par exemple, 
  sont les plus gros producteurs alors que le Japon ou la France sont de gros 
  consommateurs qui ne produisent quasiment pas de pétrole. D’où 
  la nécessité d’échanges et d’infrastructures. Les oléoducs 
  mettent directement en relation les producteurs et les consommateurs comme ceux 
  qui apportent le pétrole sibérien à l’Europe Occidentale. 
  Le développement de commerce du pétrole nécessite également 
  la mise en place de grands ports et zones industrialo-portuaires alliant des 
  avantages naturels, techniques et géographiques (Hinterland) pour le 
  transport du pétrole. On observe également des flux, des routes 
  privilégiées du pétrole qui donnent lieu à l’existence 
  de véritables carrefours stratégiques du pétrole tels que 
  les détroits turcs, celui de Gibraltar, le détroit de Malacca 
  au large de Singapour ou encore les canaux du Suez ou de Panama. Ainsi, il existe 
  des points géographiques stratégiques qui, au moindre incident, 
  peuvent compromettre l’approvisionnement de nombreux pays en pétrole. 
  Cela est d’autant plus renforcé que des régions concentrant les 
  structures de production et de transport sont souvent politiquement instables 
  comme dans la région israélo-palestinienne, dans le Moyen-Orient 
  ou le Caucase où les oléoducs sont nombreux.
  Enfin, à cela s’ajoute le fait que l’offre et la demande de pétrole 
  soient très concentrées, ce qui entraîne un marché 
  du pétrole très particulier où les leviers de commande 
  sont concentrés aux mains de quelques acteurs qui peuvent les utiliser 
  comme arme politique. On peut donc se demander en quoi le fonctionnement du 
  marché pétrolier rend ce produit stratégique et spéculatif.
 Le marché pétrolier est un marché boursier 
  mais qui s’effectue dans un contexte particulier. Certes le cours du pétrole 
  est fixé suivant la loi d’offre et de la demande dans le marché 
  SPOT qui enregistre au jour le jour les fluctuations de l’offre et de la demande. 
  Mais il faut aussi prendre en compte deux éléments perturbateurs 
  que sont les services publics et les cartels.
  En effet, le secteur public, dans de nombreux pays, intervient dans le marché 
  pétrolier en menant des politiques énergétiques, en effectuant 
  des choix et en possédant quelquefois des monopoles publics. Son objectif 
  est alors de produire et de se ravitailler à meilleur compte. En outre, 
  le service public trouve un intérêt dans le pétrole en y 
  imposant une forte fiscalité. L’autre élément qui perturbe 
  l’offre et la demande est la formation de cartels, notamment de cartels de producteurs 
  comme les Majors en 1928 ou l’OPEP en 1960, qui peuvent fixer les prix et s’entendre 
  sur la production.
  Par conséquent, au gré de la conjoncture, on observe soit des 
  périodes favorables aux producteurs, soit des périodes favorables 
  aux consommateurs. Ainsi le prouvent les aléas du marché pétrolier 
  au cours du XXème siècle.
  Tout d’abord, la période partant de l’époque pionnière 
  jusqu’à la seconde guerre mondiale fut marquée par le règne 
  des Majors, les " 7 Sœurs " du cartel de 1928 qui contrôlait 
  tout de la production et des prix. Ensuite, de 1945 à 1973, l’arrivée 
  des Indépendants et des sociétés publiques remet en cause 
  le monopole du cartel. En 1960 est créé l’OPEP (Organisation des 
  Pays Exportateurs de Pétrole) qui réunit les principaux producteurs 
  de pétrole (>40% de la production mondiale) soucieux de garantir leur 
  pouvoir d’achat dans le commerce international du pétrole. C’est à 
  cette période que certains pays du Tiers-Monde parient sur le pétrole 
  comme stratégie de développement après que leurs ressources 
  aient été exploitées par des firmes étrangères. 
  La période 1973-1983 sonne le succès de l’OPEP successivement 
  par la guerre du Kippour et la révolution iranienne. Là, les producteurs 
  exercent leur pouvoir conféré par le rôle stratégique 
  du pétrole sur les économies dépendantes de cette énergie. 
  On passe d’une énergie bon marché à une énergie 
  coûteuse et les stratégies sont différentes selon les balances 
  commerciales. Les exportateurs cherchent à fidéliser leurs clients 
  tandis que les importateurs mènent des politiques d’économie d’énergie 
  et cherchent à diversifier leurs approvisionnements en s’appuyant sur 
  les pays Non-OPEP, ce qui va entraîner l’échec de l’OPEP.
  En effet, à partir de 1983, on constate un retournement du marché 
  et une stabilisation. Alors que l’OPEP voulait garantir son pouvoir d’achat, 
  on constate que de 1973 à 1985, la part de marché de l’OPEP dans 
  la production mondiale passe de 62 % à 35 % tandis que le prix du pétrole 
  déflaté à l’export des produits manufacturés de 
  l’OCDE augmente de 6 à 36$ ( en $ de 1980). Cela est dû aux économies 
  d’énergie des pays importateurs et donc à une offre désormais 
  supérieure à la demande, à l’arrivée des non-OPEP 
  sur le marché. Ainsi, on remarque que durant cette période la 
  production russe double presque tandis que celle du Moyen-Orient diminue. Ce 
  contre-choc provient également de la désorganisation de l’OPEP 
  qui présentent des stratégies divergentes avec, d’un côté, 
  les pays assez peuplés avec peu de réserves (Algérie, Iran, 
  Indonésie, Nigeria) pour qui les revenus pétroliers sont nécessaires 
  au d développement, et avec de l’autre côté les monarchies 
  du Moyen-Orient, riches et pourvues d’immenses réserves qui placent leurs 
  pétrodollars et pour qui une baisse des prix permet d’éliminer 
  les concurrents.
  Aujourd’hui, on arrive à une situation de compromis et d’équilibre 
  grâce à une meilleure entente au sein de l’OPEP. Le jeu boursier 
  offre-demande prévaut.
  Ainsi, l’histoire du marché pétrolier illustre elle-même 
  le caractère stratégique et spéculatif du pétrole. 
  Qu’est-ce qui alors nous empêche d’envisager le risque d’un troisième 
  choc pétrolier puisque des problèmes d’approvisionnement et de 
  prix ainsi que des crises politiques au Moyen-Orient peuvent toujours se produire 
  ?
  Tout d’abord, on ne peut nier que le pétrole va rester une source d’énergie 
  fondamentale et en augmentation puisque son prix reste attractif, qu’on continue 
  à faire des découvertes et les PVD sont enclins à augmenter 
  leur consommation pétrolière dans un proche avenir. En outre, 
  le Moyen-Orient reste incontournable puisqu’il possède les 2/3 des réserves 
  pétrolières mondiales. En effet, on découvre de plus en 
  plus de réserves ; de 87,5 millions de tonnes en 1980, les réserves 
  prouvées sont passées à 137,4 Mt en 1996 dont 65,5 % sont 
  au Proche-Orient contre seulement 7,7% en Amérique du Nord ou 5,7% en 
  ex-URSS. Le pouvoir stratégique de cette région est donc susceptible 
  de se renforcer.
  Cependant, aujourd’hui, un consensus s’établit puisqu’il y a intérêt 
  commun entre tous les acteurs du pétrole à garantir une fourchette 
  de prix stable. En effet, toute variation des prix entraîne un transfert 
  de revenus des producteurs aux consommateurs et vice-versa. Ainsi, les Etats-consommateurs 
  n’ont pas intérêt à ce que les prix soient trop bas car, 
  d’une part, cela signifierait une baisse de leur revenu fiscal, et d’autre part, 
  ils ne pourraient plus vendre leurs produits manufacturés sur les marchés 
  des pays pétroliers en perte de pouvoir d’achat. De la même façon, 
  n prix trop élevé pourrait nuire aux producteurs et leur faire 
  perdre des débouchés puisque leurs clients disposent désormais 
  d’énergies de substitution sur lesquelles ils peuvent se tourner. C’est 
  pourquoi, l’Arabie Saoudite a accepté récemment " d’ouvrir 
  les robinets " suite à la flambée du prix du pétrole.
  A cela s’ajoute le fait qu’il va falloir désormais prendre en compte 
  l’environnement dans le coût du pétrole pour pallier sa pollution 
  notamment aux marées noires comme celle de l’Amoco Cadiz en 1979 ou plus 
  récemment, celle de l’Erika en 1999.
  Il reste encore l’inconnu des PVD quant à l’avenir du pétrole 
  puisqu’on ne peut pas encore clairement dessiner les dimensions que va prendre 
  l’augmentation de leur consommation de pétrole.
  Pour finir, on peut noter le phénomène inquiétant de la 
  diminution du temps de consommation que représentent les réserves 
  alors qu’on en découvre de plus en plus. En effet, en 1994, les réserves 
  de pétrole prouvées représentent 136,3Mt soit 43,3 ans 
  au rythme de la consommation et en 1996, 137,4 Mt soit 42,6 ans.
  En conclusion, il apparaît clairement que le pétrole est un produit 
  spéculatif dans un marché boursier que des paramètres d’ordre 
  politique peuvent bouleverser. C’est également un produit stratégique 
  du fait de la différenciation des consommateurs et des producteurs et 
  du fait de la concentration géographique des ressources et des exploitations 
  dans le Moyen-Orient qui reste une région instable. Toute crise politique 
  dans cette région peut ainsi agir sur l’économie du monde étant 
  donné la dépendance pétrolière de certaines économies 
  nationales. Ainsi, les interventions dans le Moyen-Orient lors de conflits sont 
  certes motivés par la volonté de faire respecter le droit international 
  mais sont également sous-tendus par des enjeux économiques liés 
  au pétrole. Cependant, l’éventualité d’un troisième 
  choc pétrolier est écartée pour le moment grâce à 
  une meilleure entente entre les acteurs et à la capacité de réaction 
  que possèdent désormais les consommateurs.