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Bien qu’un des pionniers de la Révolution Industrielle 
du XIXème siècle avec l’Angleterre, la France est longtemps restée 
un pays de tradition agricole avec, notamment, une part encore largement majoritaire 
des actifs agricoles dans la population durant la première moitié 
du XXème siècle. L’industrie, dans laquelle on englobe toutes les 
activités qui interviennent dans la transformation de produits bruts en 
produits manufacturés et qui correspond au secteur secondaire dans la classification 
statistique, ne prend véritablement son essor qu’au sortir de la Deuxième 
Guerre Mondiale.
Quelle est alors l’évolution du secteur industriel français depuis 
1945 ? Quelle est sa part dans l’activité économique du pays ? Est-ce 
un facteur d’organisation de l’espace ?
Deux grandes phases sont à distinguer dans l’évolution de l’industrie 
française, auxquelles il faut associer des facteurs de localisation industrielle. 
L’industrie connaît tout d’abord un essor considérable durant les 
Trente Glorieuses. Il subit ensuite, à partir des années 1970, un 
certain déclin et certaines branches sont en crise. Nous verrons, dans 
les deux cas, quels sont les facteurs explicatifs. Tout cela nous amènera 
à nous interroger sur l’évolution récente de l’industrie 
afin de pouvoir trancher : désindustrialisation ou restructuration ?  
  En 1945, à la Libération, toute l’économie du pays est 
  à reconstruire ; les infrastructures industrielles et de transport ont 
  été les plus touchées étant donné leur rôle 
  crucial dans l’industrie de guerre et les combats. Avec la croissance mondiale 
  prodigieuse des Trente Glorieuses, l’industrie devient le secteur prédominant 
  en France et va maintenir le pays au deuxième rang européen et 
  au quatrième rang mondial derrière les Etats-Unis, le Japon et 
  l’Allemagne. Comment s’effectue et s’explique cette évolution et quels 
  en sont les impacts spatiaux ?
  La part de l’industrie dans le PIB de la France durant cette période 
  est considérable ; de même que la part du secteur secondaire dans 
  les actifs qui dépasse rapidement celle du secteur primaire en se rapprochant 
  de 35%. Ce sont surtout les industries de la Seconde Révolution Industrielle 
  qui sont exploitées, c’est-à-dire l’automobile (avec Renault et 
  Citroën) et les industries de transport d’une manière générale, 
  l’électricité, toutes les industries liées au pétrole, 
  la chimie avec Rhône-Poulenc…
  Cela s’explique bien évidemment par la conjoncture économique 
  favorable à la consommation de masse mais surtout par le développement 
  des échanges : désormais l’industrie française est une 
  industrie qui s’exporte, notamment en ce qui concerne les biens d’équipement 
  et les machines-outils. Ce sont bien les échanges commerciaux qui soutiennent 
  la croissance. Cet essor industriel s’explique aussi surtout par l’apogée 
  du système fordo-tayloriste conçu par et pour le secteur industriel. 
  On voit apparaître de grandes usines telles que celle de Renault à 
  Boulogne-Billancourt et l’organisation scientifique du travail, mécanisation 
  et travail à la chaîne, permet d’obtenir des gains de productivité 
  énormes. Mais ceci n’est pas propre à la France ; ce qui fait 
  son originalité, c’est le rôle de l’Etat dans l’essor industriel. 
  En effet, il intervient d’une part par le biais de la planification dirigée 
  par Jean Monnet à partir de 1947 et qui fixe les secteurs prioritaires 
  et les objectifs de développement économique à atteindre. 
  D’autre part, il intervient avec sa politique d’aménagement du territoire 
  en contribuant à la décentralisation des activités industrielles 
  (notamment au Mans et à Rennes pour l’automobile). Enfin, il faut ajouter 
  à cela, en ce qui concerne la place de l’industrie dans l’économie 
  française, le rôle du Plan Marshall et celui joué par la 
  construction européenne qui a débuté dans le secteur industriel 
  avec la création de la CECA en 1951, zone de libre-échange pour 
  le charbon et l’acier.
  Durant cette période de forte industrialisation, les localisations industrielles 
  sont restées sensiblement les mêmes que celles de la Révolution 
  Industrielle, contribuant au maintien de l’inégale répartition 
  des activités industrielles de la France au profit de la moitié 
  Est du pays. Ainsi, les régions du Nord-Pas-de-Calais et de la Lorraine 
  proches des matières premières se sont confirmées tout 
  comme les grands centres que sont l’Île de France et la région 
  lyonnaise.
  Toutefois, à cela s’ajoute un nouveau phénomène de littoralisation 
  des activités qui découle de l’essor des échanges internationaux 
  et de la dépendance accrue, à partir des années 1960, de 
  l’industrie française vis-à-vis de l’énergie (le taux de 
  dépendance énergétique de la France est proche de 70% au 
  début des années 1970). Dès lors, les activités 
  industrielles telles que la pétrochimie ou la sidérurgie ont tendance 
  à s’installer sur des sites portuaires. Ainsi est créé 
  celui de Dunkerque puis de Fos-sur-Mer près de Marseille. Malgré 
  les efforts de décentralisations industrielles et la littoralisation 
  des activités, l’inégale répartition Est-Ouest demeure.
  L’industrie va difficilement pouvoir maintenir sa place prédominante 
  dans l’économie avec l’arrivée de la crise.
  A partir des années 1970, la part des actifs dans le secteur industriel 
  commence à diminuer pour atteindre 25% aujourd’hui. Plus d’un million 
  d’emplois industriels disparaissent en 20 ans et certains secteurs (textile, 
  sidérurgie, métallurgie, industries navales) connaissent une crise 
  profonde ce qui affecte plus particulièrement des régions comme 
  le Nord-Pas-de-Calais ou la Lorraine. Ce déclin s’explique de diverses 
  façons.
  En premier lieu, le système fordo-tayloriste se grippe : les gains de 
  productivité ralentissent alors que les coûts de production (matière 
  première et main d’œuvre) restent les mêmes. En outre, l’équipement 
  industriel commence à vieillir et de nombreux investissements nécessaires 
  trouvent difficilement des financements. D’où la fermeture de certaines 
  industries et des licenciements importants.
  Les chocs pétroliers aggravent la situation puisque les industries françaises 
  sont très dépendantes vis-à-vis du pétrole et les 
  coûts de production s’en retrouvent augmentés. De plus, certains 
  secteurs voient apparaître la concurrence de pays émergents comme 
  la Corée du Sud en matière de construction navale ou les " 
  Bébés-Tigres " pour l’électronique et le textile. 
  Quelles réponses, quelles solutions sont alors apportées à 
  ce déclin ?
  La pensée néo-libérale dominante durant cette période 
  considère qu’il s’agit là d’un assainissement nécessaire 
  du système économique. Toutefois, quelques mesures sont prises. 
  Face à la crise énergétique, le gouvernement français 
  décide de développer la filière nucléaire et il 
  dote pour cela le pays d’un réseau et d’infrastructures modernes. Il 
  met également en place des plans de restructuration et de reconversion 
  des régions en difficulté (NPC, Lorraine). Viennent en plus les 
  aides provenant de la politique régionale européenne dont le FEDER 
  (Fonds Européen de Développement Economique Régional) inclut 
  les vieilles régions industrielles dans les régions à aider.
  Il s’ensuit de nouveaux rapports de force régionaux à partir des 
  années 1970. Les industries préfèrent alors s’installer 
  dans le Sud et dans des sites privilégiés comme les technopoles 
  que l’Etat et les collectivités territoriales tendent à développer 
  et qui allient les activités industrielles aux laboratoires de recherche 
  et aux établissements de formation de haut niveau. Une fois de plus, 
  même si l’on note une tendance de délocalisation vers ce que l’on 
  appelle le " croissant lumineux " qui va de la Bretagne au Midi-Pyrénées, 
  le déséquilibre Est-Ouest des activités industrielles reste 
  important.
 Comment analyser ce changement industriel des 25 dernières 
  années ? Peut-on véritablement parles d’une désindustrialisation 
  de l’économie française ? Ou ne faut-il pas plutôt considérer 
  ceci comme une étape nécessaire à la modernisation de l’appareil 
  productif ?
  Il faut tout d’abord souligner les récents succès de l’industrie 
  française. Certes, ses effectifs ne sont plus ce qu’ils étaient, 
  mais elle connaît surtout depuis quelques années des réussites 
  éclatantes. La balance commerciale est à nouveau excédentaire 
  depuis 1992 et les exportations industrielles françaises font partie 
  des plus importantes. Elle possède, en outre, de grands groupes industriels 
  comme Vinci et des technopoles de qualité (Sophia-Antipolis à 
  Nice).
  On peut citer trois secteurs industriels en forte progression. L’industrie des 
  transports est très réputée pour sa qualité notamment 
  grâce au TGV et à des entreprises comme Alstom. Désormais, 
  des commandes ont été prises par les Etats-Unis pour équiper 
  la ligne ferroviaire Boston-New York et un projet se dessine en Floride. Ce 
  secteur est donc une source de richesse et donne une image de qualité 
  à la France (cf. aéronautique). Il en est de même pour l’industrie 
  navale française qui connaît un renouveau spectaculaire depuis 
  3 ans. Ainsi, les Chantiers de l’ Atlantique de Saint-Nazaire ont des carnets 
  de commande remplis, connaissent des problèmes de main d’œuvre et 
  sont contraints de faire appel à la main d’œuvre étrangère 
  et de délocaliser (à Brest, par exemple) une part de leurs activités 
  pour y remédier. Enfin, cet essor provient également de l’essoufflement 
  de la conjoncture asiatique. Un modèle de modernisation de l’industrie 
  française se situe dans le secteur de la sidérurgie. Ce secteur 
  a pourtant été un des plus touchés par les difficultés. 
  Mais grâce aux plans de restructuration et de modernisation, la sidérurgie 
  française est une des plus concurrentielles au monde (cf. Usinor).
  Enfin, il faut noter que l’interpénétration accrue des secteurs 
  secondaire et tertiaire rend difficile l’évaluation de la place de l’industrie 
  dans l’économie française. En effet, La modernisation des activités 
  industrielles fait qu’elles externalisent de plus en plus et font davantage 
  appel à des services extérieurs à l’entreprise, aussi bien 
  à des services de conseil financier que d’entretien. Par conséquent, 
  le déclin des actifs et du nombre d’entreprises dans le secteur secondaire 
  ne signifie pas forcément un déclin de la place de l’industrie 
  dans l’économie puisque certaines parties de l’activité industrielle 
  se retrouvent dans les Services.
  La place de l’industrie sur le territoire n’a pas véritablement changé 
  au niveau de la répartition nationale si ce n’est une tendance persistante 
  à la littoralisation mais au niveau de son implantation locale au sein 
  des technopoles.
  L’industrie française apparaît aujourd’hui comme un moteur de 
  la croissance européenne, davantage même que l’Allemagne qui commence 
  à connaître quelques essoufflements. En effet, les industries d’Outre-Rhin 
  n’ont pas encore effectué totalement cette tâche de restructuration 
  et de modernisation de l’appareil productif qui fait aujourd’hui de la France 
  un des modèles de productivité. Mais ce nouvel essor est vraiment 
  très récent. Aussi manque-t-on de recul : tient-il plus de la 
  conjoncture économique favorable actuelle ou plus d’une refonte et modernisation 
  durable de l’industrie française ?