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La Révolution de 1910 dote le Mexique d’une législation 
sociale très en avance sur son époque pour son niveau de développement 
alors très faible.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, il entreprend un processus de développement 
économique ambitieux, délibérément nationaliste mais 
qui souhaite parvenir à respecter l’héritage de la Révolution.
Comment le Mexique va-t-il parvenir (ou échouer) à concilier ces 
deux exigences au cours de la fin du XX siècle ?
Dans une première partie, nous étudierons la première phase 
s’étalant jusqu’aux premiers chocs pétroliers (1973) au cours de 
laquelle un Mexique encore très refermé sur lui-même tente 
de conjuguer acquis sociaux et développement économique.
Dans un second temps, la Belle Epoque du Mexique au cours de laquelle progrès 
social et croissance économique s’épanouissent harmonieusement, 
enfin depuis 1982, les incertitudes de la croissance et l’arrivée au pouvoir 
d’hommes (néo-) libéraux qui pour tenter de sauver l’économie 
choisiront de sacrifier la clause sociale sur l’autel du retour de la croissance 
économique. 
 
Pour sortir de sa situation de dépendance 
  originelle, le Mexique se positionne dès 1945 dans la pleine continuité 
  de la Révolution de 1910 en choisissant le modèle d’industrialisation 
  par substitution aux importations : pour se doter d’une industrie naissante 
  derrière d’importantes protections douanières. L’Etat mexicain 
  multiplie les nationalisations pour se doter d’une industrie lourde nationale 
  en plus des héritages de la vieille industrie familiale née à 
  Monterrey à la fin du XIX siècle. C’est ainsi qu’avant même 
  1945 le Président Cardenas avait créé la compagnie nationale 
  CFE en 1937 et la PEMEX en 1940 pour avoir une prise importante sur le secteur 
  clé que constitue l’énergie. 
  En effet le soucis majeur de l’Etat mexicain est le développement industriel. 
  
Pour ce faire, il va utiliser ce qui va dans 
  son sens :
  - La situation conjoncturelle de 1945 lui 
    est très favorable en effet le piteux état de l’économie 
    européenne permet au Mexique d’atteindre de nombreux marchés 
    qui jusqu’alors lui étaient fermés : le Mexique va profiter 
    de cette situation favorable comme tremplin pour son industrialisation 
 
- L’héritage de la Révolution lui impose de poursuivre 
    la réforme agraire qui en augmentant la surface cultivable lui permet 
    d’accroître sa production et donc de dégager une main d’œuvre 
    supplémentaire pour le secteur industriel. Les productions vivrières 
    maïs - haricot - courge (+ blé, sorgho) sont très développées, 
    les productions commerciales de fruits tropicaux et de canne à sucre 
    sont encore extensives.
Ainsi le développement économique du Mexique va 
  pouvoir s’appuyer sur une agriculture forte. 
  Des administrations commercialisent les aliments de base à des prix contrôlés 
  par l’Etat, une autre administration est chargée de contrôler le 
  bon fonctionnement des ejidos et le respect de leur inaliénabilité 
  par les ejidatorios.
  Les résultats économiques de cette politique tiers-mondiste renforcée 
  par Echeverria sont médiocres : forte inflation, déficit budgétaire, 
  dépendance financière , commerciale et technologique vis à 
  vis de l’étranger…
  Le Mexique est un membre des PVD typique qui importe massivement des produits 
  manufacturés et exporte des matières premières et que la 
  démographie ne faiblit pas : le Mexique connaît une explosion démographique 
  durant cette période en raison d’une mortalité qui diminue alors 
  que sa natalité reste très forte.
  Si les résultats économiques sont plus que discutables, d’un point 
  de vue social c’est très différent :
  Cette politique populiste parvient à réduire les inégalités 
  sociales, grand fléau dans le reste du Tiers monde, à faire progresser 
  encore la législation sociale et à faire reculer l’analphabétisme.
Malgré ces importantes données positives, la situation 
  économique devient intenable avec le premier choc pétrolier de 
  1973 qui en raison de la situation de dépendance du Mexique pour le pétrole 
  provoque une forte inflation et creuse encore le déficit public, sans 
  oublier la récession aux USA, leur premier partenaire commercial… 
  Tous ces facteurs vont entraîner le décrochement du peso en 1976 
  après 22 ans de stabilité avec le dollar.
  Ainsi il faut entamer une nouvelle phase.
Arrive le président Portillo dont les objectifs avoués 
  sont la réduction du déficit public et la lutte contre l’inflation. 
  Il instaure un dialogue entre les syndicats, l’Etat et les entreprises par cette 
  politique plus pragmatique il espère rassurer les milieux d’affaires 
  et retrouver les capitaux étrangers qui avaient fuit. Une fois la confiance 
  rétablie avec les investisseurs, on voit arriver un afflux de capitaux 
  attirés par le développement de la production de la PEMEX et les 
  succès de sa prospection systématique. Le taux de croissance s’envole 
  à plus de 9% par an, rien ne semble pouvoir arrêter l’inexorable 
  ascension du prix du pétrole… rapidement la machine économique 
  s’emballe, Portillo en perd le contrôle et on assiste à une pétrolisation 
  complète de l’économie synonyme d’une dépendance commerciale, 
  technologique, et financière croissante, d’une inflation toujours élevée 
  et d’un doublement de l’endettement du pays pour atteindre 80 millions de dollars 
  en 1981.
  Cette euphorie a es conséquences sociales très positives : elle 
  génère une augmentation générale du niveau de vie, 
  de fortes inégalités subsistent mais les classes moyennes s’étoffent 
  : cette élévation de la consommation des ménages rend le 
  marché national très prometteur ; c’est pourquoi durant cette 
  période ont lieu de nombreuses implantations d’usines de construction 
  automobile : les " big three " américaines, Nissan et Volkswagen 
  avec la double stratégie de pouvoir atteindre le marché américain 
  pour les usines implantées au nord d’une ligne Gadalajara - SLP - Tampico 
  et le marché mexicain pour les usines du Sud.
  Avec le développement de ses classes moyennes, le Mexique est sur la 
  voie du développement.
  Parallèlement, cette euphorie économique se combine à une 
  occidentalisation de la société mexicaine pour les régions 
  du Nord et du district fédéral ce qui est particulièrement 
  visible en matière de démographie ; dans ces régions plus 
  particulièrement le taux de natalité s’infléchit nettement 
  pour atteindre celui des pays industrialisés.
  Pour dresser un rapide bilan sur cette période, elle se caractérise 
  par une internalisation croissante de l’économie mexicaine 
  (incarnée par l’extraordinaire développement du port de Coatzacoalcos) 
  , une dépendance toujours accrue par rapport à l’étranger 
  dans tous les domaines (technologie, finance, commerce…) et l’émergence 
  de son marché intérieur signe d’une amélioration sociale.
Brutalement, l’effondrement du prix du pétrole en 1982 
  place le Mexique dans une situation d’insolvabilité : pris à la 
  gorge par ces dettes il se déclare en cessation de paiement le 22 Août 
  1982. Le gouvernement américain lui accorde une aide massive : le plan 
  Baker lui vient en aide en 1985.
  Sur le plan politique, Miguel de la Madrid Hurtado met en place une politique 
  d’assainissement des finances publiques : la rigueur budgétaire.
  Il sera bientôt suivi et dépassé par son successeur le néolibéral 
  Salinas, diplômé de Harward, entouré de ses " Salinas 
  boys " qui par des pactos (dialogue Etat / syndicat / entreprise) fait 
  participer tout le monde à l’effort nécessaire pour une remise 
  à flot de l’économie mexicaine. Il parvient à réduire 
  l’inflation de 100% à 10% et le déficit public dans la même 
  proportion par de multiples privatisations ce qui a pour conséquence 
  une financiarisation dangereuse de l’économie.
  Pour le FMI, le Mexique devient un pays modèle en matière de redressement 
  économique ce qui n’est pas sans conséquences sur la population 
  qui voit ses revenus diminuer, les prix augmenter… et ainsi se creusent 
  de manière importante les écarts entre les niveaux de vie.
  Cette politique économique de déréglementation, d’ouverture 
  à l’étranger est couronnée par la signature du Mexique 
  dans l’ALENA en Octobre 1992 et son entrée dans l’OCDE en 1994. Le Mexique 
  a les moyens théoriques d’entrer de plein pied dans la mondialisation.
  Les conséquences sociales de cette politique sont désastreuses 
  : l’ALENA se traduit principalement dans les faits par une exploitation croissante 
  de la main d’œuvre mexicaine par les américains. Se produit une 
  véritable délocalisation du vieux manufacturing belt de 
  la région des grands lacs vers la frontière Nord du Mexique.
  Ainsi se détache un Mexique du Nord de plus en plus intégré 
  dans l’espace Nord-américain et un Mexique du Sud encore largement à 
  la traîne dont une bonne part de la population non-hispanophone est constituée 
  de minorités indiennes indigènes (un million de Mayas subsistent 
  au Sud du pays) qui sont oubliées, laissées pour compte de la 
  croissance et du décollage économique. 
  La politique néolibérale a créée des forces centrifuges 
  dans le pays, le menaçant d’explosion alors qu’il se veut pays charnière 
  entre les deux Amériques.
  Ainsi cette dernière période est caractérisée par 
  ce qui ressemble à une promotion du Mexique parmi les démocraties 
  libérales les plus riches du globe par son accession à l’OCDE 
  en 1994 alors qu’éclatait la même année une nouvelle crise, 
  boursière d’abord puis qui à l’image des années 1930 s’étend 
  aux domaines monétaire et financier… et qui nécessitera à 
  nouveau une intervention américaine afin de limiter l’effet tequila 
  de diffusion dans toute l’Amérique latine.
  Le Mexique se trouve une fois de plus sous perfusion américaine et malgré 
  cette aide, il accuse un recul de son PIB, la plus grave Récession depuis 
  les années 1930.
  C’est au même moment que se produit le soulèvement du Chiapas, 
  la révolte zapattiste de 1995 qui en appelait à un retour à 
  l’esprit de la Révolution semble-t-il oublié et dénonçant 
  le décalage entre le Nord riche, développé, américanisé 
  bien qu’hispanisant et le Sud pauvre, rural, en retard constitué de nombreuses 
  minorités ethniques.
Pour conclure, si le Mexique a incontestablement progressé 
  dans la voie économique c’est aux dépens de l’unité et 
  de la cohésion du pays en proie aujourd’hui à l’éclatement. 
  La politique populiste a été un échec sur le plan économique, 
  la politique néolibérale une catastrophe sociale bien que théoriquement 
  fondée sur un consensus national. La seule période relativement 
  faste pour l’économie et le bien être de la population s’avère 
  être la période de pétrolisation : le mandat de Portillo, 
  mais cette euphorie ne tenait pas qu’à la politique économique 
  menée mais principalement à une situation conjoncturelle très 
  favorable. Et donc il apparaît que la cause première de difficultés 
  du Mexique soit sa situation de dépendance et principalement par rapport 
  aux USA, depuis un siècle le Mexique tente de la résorber mais 
  en fait il ne l’a qu’intensifiée. Lutter contre cette dépendance 
  est le grand challenge du Mexique d’aujourd’hui et de demain à moins 
  qu’il ne préfère rester un satellite américain.