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Depuis le Traité de Rome du 25 Mars 1957 la CEE
se fixait pour objectif la réalisation non d’une simple zone de libre-échange
comme l’AELE mais d’un espace européen intégré. Ainsi dès
l’origine la construction européenne projetait la création d’un
véritable espace harmonisé, unifié, dans lequel chaque pays
puisse développer au maximum son économie, sans être perçu
comme un " boulet " pour les autres.
Cet espace intégré nécessite la prise de conscience que l’intérêt
communautaire doit primer sur l’intérêt national.
Symboliquement, cette volonté initiale d’intégration s’est traduite
par la dotation de l’union européenne d’un drapeau, d’un hymne (l’hymne
à la joie de Beethoven) et d’une fête nationale le 9 Octobre.
Or à partir de 1980, l’espace européen tend à toujours accroître
son nombre de membres, de plus en plus différents.
Comment la construction européenne essaie-t-elle de répondre à
l’exigence d’intégration économique dans ces conditions ? Dans quelles
mesures y parvient-elle ?
Dans une première partie, nous étudierons la grande hétérogénéité
de l’espace européen. Dans un second temps, nous analyserons les mesures
prises pour atteindre cette plus grande intégration économique recherchée.
Enfin nous dresserons un bilan sur ces tentatives et nous ouvrirons sur les défis
lancés à la construction européenne dans ce domaine.
En 1980 la CEE compte déjà 9 membres : les 6 fondateurs
(France, Allemagne, Italie, Belgique, Pays Bas, Luxembourg) rejoints en 1972
par le Royaume uni, l’Irlande et le Danemark. On observe déjà
des nuances notables au sein de ce petit comité par la superficie, la
population, la structure de l’activité économique dans ces pays
qui sont déjà très différentes.
En 1981 avec l’adhésion de la Grèce, petit état méditerranéen,
isolé à l’Est, dont le niveau de vie est relativement faible et
l’activité économique fragile l’espace européen se diversifie
encore davantage.
Plus tard en 1986 avec l’entrée du Portugal et de l’Espagne cette tendance
se confirme et enfin avec l’arrivée de l’Autriche , de la Finlande et
de la Suède en 1995, l’Europe s’étend désormais de la Méditerranée
au cercle polaire et compte alors 15 Etats membres, états dans lesquels
les situations économiques sont très différentes parmi
lesquels les niveaux de vie globalement élevés par rapport au
reste du monde, sont cependant assez hétérogènes.
Certains ont été des précurseurs des deux Révolutions
industrielles comme le Royaume Uni, d’autres ont entamé leur industrialisation
beaucoup plus tardivement, c’est le cas de l’Espagne… Au niveau des structures-même
de l’activité économique, on relève d’importantes disparités
: l’agriculture française est très excédentaire, l’Autriche
est importatrice nette en denrées agricoles.
Parallèlement à ces situations économiques très
variées, les situations monétaires sont elles aussi très
différentes : on peut comparer la Lire italienne dont la tendance à
la dévaluation s’est manifestée dans la décennie 1970 et
le Mark allemand, monnaie traditionnellement forte.
Avec l’ouverture de la décennie 1980, on observe aussi une variété
de régimes politiques : républiques et monarchies parlementaires
dont les tendances sont orientées vers le socialisme en France en 1981
et le conservatisme en Grande Bretagne. On doit aussi distinguer des pays dans
lesquels l’Etat joue traditionnellement un rôle important dans l’économie
et ceux dans lesquels sa présence est moins marquée.
… On pourrait ainsi multiplier les critères pour démontrer
que la situation économique en Europe est très différente
d’un pays à l’autre. Ainsi en 1980 après une courte expérience
de construction européenne, l’espace européen reste très
hétérogène d’une nation à l’autre, ce qui est encore
plus manifeste à l’échelle régionale. Durant les décennies
précédentes, alors que la communauté était bien
plus petite, elle avait déjà pris des mesures qui allaient dans
le sens d’une intégration économique mais en matière e
politique monétaire commune, le serpent européen avait échoué
et le SME n’était institué que depuis de 13 Mars 1979. Concernant
la politique régionale dont l’objectif était l’harmonisation de
l’espace les structures étaient créées (FSE en 1957, FEOGA
1962, FEDER 1975) mais encore fallait-il se donner les moyens financier pour
qu’un tel défit et jusqu’alors ils étaient très insuffisants
et leur organisation pas encore clairement définie.
En ce qui concerne enfin l’aspect purement commercial la PAC avait réalisé
un marché unifié des denrées agricoles dès Juillet
1968 avec la mise en place d’un tarif extérieur commun, on avait instauré
des taux harmonisés de TVA dans toute la communauté.
Cependant en matière de barrières non-tarifaires, les obstacles
restaient insurmontables :
En raison de normes inconciliables d’un pays à l’autre, de fiscalités
encore très différentes, de l’existence de marchés captifs…
Ainsi jusqu’en 1980 la construction européenne a progressée mais
force et de constater que la volonté d’intégration manifestée
jusqu’alors est insuffisante, ou n’aboutit pas dans les faits et le résultat
est le suivant :
L’Europe reste la somme de différentes puissances économiques
plus ou moins comparables dont les politiques économiques et monétaires
divergent encore trop pour pouvoir parler d’espace économique intégré.
En 1986-87 avec la signature de l’Acte Unique Européen,
la construction européenne réalise une relance dans sa volonté
d’intégration.
D’un aspect purement pratique, ce traité fond les traités de Rome
(instituant la CEE et la CEEA) et de Paris (la CECA) en un seul accord de simplifier
les traités : pour relancer la construction européenne il faut
tenir compte du passé pour le dépasser. Cet acte se traduit par
une mutation des institutions : haute autorité de la CECA + commission
de Bruxelles = une seule commission (même objectif de simplification)
Il formule surtout l’objectif de la création d’un véritable marché
unique et réaffirme la volonté d’avancer dans les politiques économique
et monétaire communautaires. Il élargit le nombre de signataires
des accords de Schengen en 1985 pour faciliter la circulation des personnes.
Ainsi l’Acte Unique doit être perçu comme une relance d’un mouvement
qui risquait de s’essouffler en raison du comportement très nationalistes
des anglais entre autres.
En échos à cet acte, la signature du traité de l’Union
Européenne de Maastricht le 7 Février 1992 instaure réellement
l’Union Européenne le 1er Janvier 1993.
Ainsi Maastricht marque le démantèlement total des monopôles,
il ouvre à la concurrence tous les secteurs des transports, de l’énergie,
des télécommunications…et instaure des normes européennes
afin d’en finir avec les obstacles non-tarifaires.
Cette ouverture progressive mais complète des monopôles est plus
ou moins bien accueillie en fonction des pays mais elle se réalise dans
toute l’Union Européenne. De plus, ce traité précise le
rapport Delors concernant une monnaie unique européenne (baptisée
ultérieurement Euro à Madrid en 1995) en établissant un
calendrier précis et les critères pour y entrer sur les étapes
pour l’établissement de celle-ci : au plus tard en 1999 avec nomination
des membres du projet le 1er Mai 1998 et dès 2002 la circulation des
pièces de monnaie.
Ainsi Maastricht se traduit par une avancée significative vers la monnaie
unique, un projet qui date de 1969 !
Ainsi la politique européenne en matière économique et
monétaire se traduit bien par une intégration progressive et inlassable.
Un aspect de la politique communautaire pour accompagner ces deux traités
est aussi très important : la politique régionale.
Créée pour répondre à une exigence britannique,
la politique régionale voyait son budget réduit à la portion
congrue jusqu’en 1987. En effet la politique menée par la communauté
pour aider les deux types de régions défavorisées : rurales
et vieilles régions industrielles a vu son intérêt croître
au fur et à mesure de l’élargissement de la communauté
: c’est ainsi que son budget est multiplié par 13 de 1975 et 1987 pour
aider au cofinancement de Programmes Nationaux d’Intérêt Communautaires
(PNIC) et programmes communautaires. A partir de 1984 et l’invention d’un système
de fourchette réservé pour chaque Etat et non plus un simple quota,
l’aspect communautaire s’affirme davantage dans cette politique régionale.
A partir de 1988 et la réforme postérieure à l’Acte Unique,
les dotations budgétaires liées à la politique régionale
se trouvent fortement augmentées : on favorise de plus en plus l’intérêt
communautaire, c’est ainsi qu’on crée des objectifs communautaires.
De 1994 à 1998 on observe encore un renforcement de la solidarité
communautaire : en doublant encore les crédits alloués aux trois
fonds structurels et en créant un nouvel objectif communautaire pour
les régions nordiques. On observe que les perspectives d’avenir de l’espace
européen sont à la collaboration transfrontalière par la
création d’eurorégions, d’arcs (atlantique, méditerranéen…)
Ainsi on observe bien une forte volonté d’intégration
économique de l’espace européen à travers cette politique.
Mais quels sont les résultats ?
- En matière de politique régionale s’esquisse
ainsi une politique européenne de gestion du territoire par l’élaboration
d’un Schéma de Développement de l’Espace Communautaire SDEC
dont le triple objectif est de promouvoir un réseau urbain polycentrique
et équilibré, permettre un égal accès aux infrastructures
de communications et protéger le patrimoine naturel.
- En matière monétaire, force est de constater
que des pays admis à Maastricht l’ont été avec une grande
indulgence de la part de la commission, en effet l’Italie et la Belgique ne
respectaient pas tous les critères mais on a tenu compte des efforts
accomplis pour leur permettre d’intégrer le " premier wagon "
de la monnaie unique.
- En matière économique enfin, la création
du grand marché unique en 1993 avec l’ouverture à la concurrence
a d’abord permis une baisse des prix et une augmentation de la concurrence
puis la fusion progressive des grandes entreprises en oligopoles capables
de supporter la concurrence à l’échelle mondiale.
On peut citer l’exemple de Cockerill qui fusionne désormais avec Usinor
après avoir passé près d’un siècle à se
concurrencer.
Ainsi plutôt que d’obtenir une harmonisation de l’espace européen,
on aboutit plutôt au règne des grandes firmes multinationales
qui préfèrent une spécialisation : ainsi la France se
spécialise dans l’aluminium et l’Allemagne dans la chimie.
- En matière de politique industrielle, les résultats
obtenus sont assez médiocres.
Une dernière conséquence de cette évolution de l’économie
européenne est l’augmentation de la pénétration des eurodollars
dans l’économie européenne qui loin de l’affranchir de l’économie
américaine l’asservisse et la fragilise.
Ainsi l’espace économique européen intégré devient
de plus en plus une réalité, il n’y a qu’à observer que
la part des échanges intracommunautaires dans le commerce des pays européen
est majeure. De plus, cette réalisation a permis à l’Europe de
retrouver sa puissance économique puisqu’elle est un membre de la Triade.
Mais ce succès économique a avant tout profité aux régions
riches (ne tenant pas compte des frontières internes) au cœur de
l’Europe et fragilise encore les régions pauvres.