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N’importe quel faits divers tragique peut servir de support
à notre interrogation au sujet du caractère équivoque de
la conscience basée sur les deux critères : intention et résultat.
Le problème concerne l’attribution de la responsabilité. Mais de
quelle responsabilité parle-t-on morale ou juridique ? Est-ce que l’inconscient
en nous pourrait offrir une excuse à nos actions ? Dans ce cas peut-on
souhaiter devenir ignorant de toutes choses, totalement inconscient afin de se
décharger de toute responsabilité, ou bien doit-on étendre
une responsabilité pleine et entière à chacune de nos actions
?
Toute responsabilité ne nécessite-t-elle pas une prise de conscience
? N’est-elle pas à relier à la notion de moralité ?
Se décharger de ses actions n’est-ce pas par mauvaise fois, et dans ce
cas ne devrait-on pas étendre une responsabilité totale à
chacun de nos actes ?
La conscience est par définition
la connaissance que le sujet a de son existence et de ses actes par une réflexion
et une analyse sur lui-même. Omniprésente elle est avant, pendant
et après chacune de nos actions et de nos choix au travers de la mémoire.
Pour Descartes, il y a identification de la conscience et du sujet : je ne suis
rien d’autre que de la pensée et ainsi tout ce qui n’a pas été
voulu par moi n’a pas été voulu. Toutes mes volontés sont
nécessairement conscientes puisque la conscience est le fondement même
de notre être et que la volonté est conscience de choix. Or le
choix est conscience de l’action donc il n’y a de choix volontaire que s’il
y a conscience de la conscience, c’est à dire un retour de la conscience
sur elle-même. Mais la conscience est-elle réellement transparente
à elle-même ?
Pour Descartes, je ne suis responsable que ce que j’avais l’intention de faire,
nous ne sommes pas responsables de nos passions ; elles sont naturelles et nous
sommes condamnés à les subir.
La législation aussi reconnaît comme circonstance atténuante
en matière de responsabilité, le fait que certains actes n’ont
pas étés accomplis intentionnellement. La morale instaure que
le sujet en état de démence n’a pas à assumer ses actes,
mais s’il est conscient il doit reconnaître chacun de ses actes, étant
responsable de l’usage de sa volonté. Cependant, il faut bien admettre
que nous ne voulons pas toujours ce que nous faisons : nos réflexes,
lapsus… tendent à nous rappeler l’existence d’un psychisme inconscient
dont les forces déterminent certains de nos actes à la fois inconscient
et involontaires. Ainsi une action réalisée inconsciemment n’est
pas une action véritable, engageant notre responsabilité. Dans
ce cas, qui est responsable ? Nous aboutissons à une remise en cause
de l’unité du sujet-agissant puisqu’une partie de nous-même échappe
à notre volonté.
L’intérêt de la psychanalyse fondée par Freud consiste à
faire prendre conscience de nos désirs inconscients afin de les maîtriser
pour à terme rétablir l’unité du sujet. Le but de la psychanalyse
reste cependant paradoxal :
- Me considérant comme sujet, en découvrant mes
désirs inconscients, je décuple les occasions d’exercer ma volonté
et donc on assiste à un accroissement de ma liberté.
- Me considérant comme objet d’examen, d’analyse c’est
à dire comme un simple cobaye de laboratoire, je prends conscience
de mon côté animal illusoire, déterminé par nombre
de forces qui me dépassent.
Nous venons de démontrer qu’il n’y a pas de responsabilité
sans conscience mais la conscience est une description objective de l’acte à
laquelle s’ajoute un jugement sur l’acte, ce qui lui donne sa dimension morale.
Ainsi elle est subjective et propre à chacun de nous.
Si nos jugements de valeurs prennent racine dans notre nature sensible, il s’agit
alors de désirs inconscients parmi d’autres et dans ce cas ce n’est pas
notre conscience qui serait à l’origine de nos actions qu’elles soient
bonnes ou mauvaises. Nous ne commettrions le bien ou le mal que pour assouvir
un " caprice ", sans une réelle conscience de notre action,
donc sans en être totalement responsable.
Ainsi il semblerait que le déterminisme
l’emporte sur chacune de nos décisions et donc que toute responsabilité
ne soit en fait qu’illusion.
Cette thèse est prise à contre-pied par Kant et
Sartre : leur point de vue beaucoup plus optimiste semble accabler au contraire
le sujet-agissant.
Pour Kant, le caractère de l’homme est équivoque puisque certes,
comme tous les vivants nous sommes soumis au déterminisme naturel, mais
qu’en plus, nous sommes doués de raison et à ce titre, libre à
nous d’opérer des choix et de réfléchir sur le sens et
la valeur de notre existence. Dans chacune de nos actions, nous engageons non
seulement notre personnalité mais aussi notre humanité toute entière.
Le fait que nous puissions porter un jugement moral sur nos actions manifeste
la possibilité que nous avons de choisir, de nous choisir. A partir de
là, il apparaît clairement que les conditions dans lesquelles nous
agissons n’épuisent pas le sens de nos actions : ainsi lorsque nous tentons
de nous décharger de notre responsabilité, c’est par mauvaise
conscience ou par mauvaise-foi.
La mauvaise conscience est l’acceptation d’avoir mal agi, mal évalué
une situation, accompagnée de regrets sincères et d’une recherche
du pardon. C’est le principe même de la confession.
La mauvaise-foi, en revanche, se définit comme une malhonnêteté
: le sujet substitue à sa responsabilité une accusation de circonstances
qu’il sait fausse, il feint l’ignorant.
Plutôt que de prétendre que l’on ne peut pas avoir conscience de
ce que l’on a fait, on peut aussi affirmer que face à la société
qui nous demande des comptes, nous sommes responsables de tout ce que l’on a
fait. Et Sartre va plus loin, pour lui " l’existence précède
l’essence " c’est à dire que ce n’est qu’en mettant bout à
bout chacune de mes actions, plus ou moins ordonnées par un projet sans
cesse modifié pour lequel je dépense toute mon énergie,
toutes mes forces conscientes et inconscientes, que je construis ce que je suis.
On a ainsi un retournement, pour lui ce n’est qu’en se reconnaissant comme responsable
de chacun de nos actes que nous prenons conscience de nos actes : pour lui,
c’est la responsabilité qui précède la conscience.
Suite à la première partie, nous sommes convaincus
que notre conscience n’est pas objective et qu’elle ne contient qu’une représentation
de nos actes au regard de la morale.
La seule façon de savoir que faire face à une situation, d’après
ce que préconise Descartes, c’est de se référer à
des principes, des valeurs, se demander ce qu’il faudrait faire, rechercher
quels sont nos devoirs en pareille circonstance. Ainsi notre responsabilité
ne se définit plus comme une prise de risque, mais au contraire comme
le simple accomplissement d’un ordre dicté par notre conscience au regard
de notre horizon de valeurs. Si j’engage ma responsabilité en choisissant
telle alternative plutôt que telle autre, c’est parce qu’elle tend vers
un de mes idéaux et c’est dans cette recherche de l’idéal que
réside ma liberté.
Quant à la velléité consistant à court-circuiter
notre conscience, ceci ne nous amènerait qu’à considérer
l’homme comme un animal, c’est à dire un être totalement soumis
au déterminisme.
La thèse de Sartre consiste à penser au contraire que l’homme
est totalement libre dans ses choix et donc qu’il est pleinement responsable
de chacune de ses actions qui à terme le constituent.
Ainsi, le problème concernant la part de déterminisme
dans notre existence, nous amène au terme de la première partie
à considérer l’existence humaine comme un horrible asservissement
de l’homme à son inconscient : l’homme semble totalement dépossédé
de son destin.
Puis dans un second temps, nous avons envisagé un tout autre point de
vue : l’homme contrairement à tous les autres vivants est doué
de raison et c’est justement cette différence qui est la clé de
sa prison : usant de sa raison il peut effectuer des choix qui lui sont propres
grâce à ce que Descartes nomme le libre-arbitre et ainsi cette
arme lui permet de terrasser la fatalité comme les autres déterminations
qui pesaient sur lui. C’est à l’homme de choisir en toutes circonstances
quelle doit être sa conduite, et c’est dans cet éventail de choix
que réside sa liberté, l’homme étant libre il est donc
responsable.
Il ne s’agit pas tant de renier ses choix plutôt que de les assumer pour
à terme se donner les moyens de les dépasser, pour Sartre " le
propre de la nature humaine, c’est quelle est sans excuse ".