Suis-je responsable de ce dont je n’ai pas conscience ?

Bonnes Copies

Bonne Copie du lycée Blaise Pascal de Clermont Ferrand. Cette copie a été notée 13/20. Le commentaire du professeur est : Les développements sont toujours intéressants, les analyses fines ce qui témoigne d’une bonne compréhension du sujet.

Bonne copie du lycée : 63 - Clermont-Ferrand - XXXX

Cette copie a été notée : 13 / 20

Commentaire du professeur : Les développements sont toujours intéressants, les analyses fines ce qui témoigne d’une bonne compréhension du sujet.


Untitled Document N’importe quel faits divers tragique peut servir de support à notre interrogation au sujet du caractère équivoque de la conscience basée sur les deux critères : intention et résultat.
Le problème concerne l’attribution de la responsabilité. Mais de quelle responsabilité parle-t-on morale ou juridique ? Est-ce que l’inconscient en nous pourrait offrir une excuse à nos actions ? Dans ce cas peut-on souhaiter devenir ignorant de toutes choses, totalement inconscient afin de se décharger de toute responsabilité, ou bien doit-on étendre une responsabilité pleine et entière à chacune de nos actions ?
Toute responsabilité ne nécessite-t-elle pas une prise de conscience ? N’est-elle pas à relier à la notion de moralité ?
Se décharger de ses actions n’est-ce pas par mauvaise fois, et dans ce cas ne devrait-on pas étendre une responsabilité totale à chacun de nos actes ?

La conscience est par définition la connaissance que le sujet a de son existence et de ses actes par une réflexion et une analyse sur lui-même. Omniprésente elle est avant, pendant et après chacune de nos actions et de nos choix au travers de la mémoire. Pour Descartes, il y a identification de la conscience et du sujet : je ne suis rien d’autre que de la pensée et ainsi tout ce qui n’a pas été voulu par moi n’a pas été voulu. Toutes mes volontés sont nécessairement conscientes puisque la conscience est le fondement même de notre être et que la volonté est conscience de choix. Or le choix est conscience de l’action donc il n’y a de choix volontaire que s’il y a conscience de la conscience, c’est à dire un retour de la conscience sur elle-même. Mais la conscience est-elle réellement transparente à elle-même ?
Pour Descartes, je ne suis responsable que ce que j’avais l’intention de faire, nous ne sommes pas responsables de nos passions ; elles sont naturelles et nous sommes condamnés à les subir.
La législation aussi reconnaît comme circonstance atténuante en matière de responsabilité, le fait que certains actes n’ont pas étés accomplis intentionnellement. La morale instaure que le sujet en état de démence n’a pas à assumer ses actes, mais s’il est conscient il doit reconnaître chacun de ses actes, étant responsable de l’usage de sa volonté. Cependant, il faut bien admettre que nous ne voulons pas toujours ce que nous faisons : nos réflexes, lapsus… tendent à nous rappeler l’existence d’un psychisme inconscient dont les forces déterminent certains de nos actes à la fois inconscient et involontaires. Ainsi une action réalisée inconsciemment n’est pas une action véritable, engageant notre responsabilité. Dans ce cas, qui est responsable ? Nous aboutissons à une remise en cause de l’unité du sujet-agissant puisqu’une partie de nous-même échappe à notre volonté.
L’intérêt de la psychanalyse fondée par Freud consiste à faire prendre conscience de nos désirs inconscients afin de les maîtriser pour à terme rétablir l’unité du sujet. Le but de la psychanalyse reste cependant paradoxal :

  • Me considérant comme sujet, en découvrant mes désirs inconscients, je décuple les occasions d’exercer ma volonté et donc on assiste à un accroissement de ma liberté.
  • Me considérant comme objet d’examen, d’analyse c’est à dire comme un simple cobaye de laboratoire, je prends conscience de mon côté animal illusoire, déterminé par nombre de forces qui me dépassent.

Nous venons de démontrer qu’il n’y a pas de responsabilité sans conscience mais la conscience est une description objective de l’acte à laquelle s’ajoute un jugement sur l’acte, ce qui lui donne sa dimension morale. Ainsi elle est subjective et propre à chacun de nous.
Si nos jugements de valeurs prennent racine dans notre nature sensible, il s’agit alors de désirs inconscients parmi d’autres et dans ce cas ce n’est pas notre conscience qui serait à l’origine de nos actions qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Nous ne commettrions le bien ou le mal que pour assouvir un " caprice ", sans une réelle conscience de notre action, donc sans en être totalement responsable.

Ainsi il semblerait que le déterminisme l’emporte sur chacune de nos décisions et donc que toute responsabilité ne soit en fait qu’illusion.

Cette thèse est prise à contre-pied par Kant et Sartre : leur point de vue beaucoup plus optimiste semble accabler au contraire le sujet-agissant.
Pour Kant, le caractère de l’homme est équivoque puisque certes, comme tous les vivants nous sommes soumis au déterminisme naturel, mais qu’en plus, nous sommes doués de raison et à ce titre, libre à nous d’opérer des choix et de réfléchir sur le sens et la valeur de notre existence. Dans chacune de nos actions, nous engageons non seulement notre personnalité mais aussi notre humanité toute entière.
Le fait que nous puissions porter un jugement moral sur nos actions manifeste la possibilité que nous avons de choisir, de nous choisir. A partir de là, il apparaît clairement que les conditions dans lesquelles nous agissons n’épuisent pas le sens de nos actions : ainsi lorsque nous tentons de nous décharger de notre responsabilité, c’est par mauvaise conscience ou par mauvaise-foi.
La mauvaise conscience est l’acceptation d’avoir mal agi, mal évalué une situation, accompagnée de regrets sincères et d’une recherche du pardon. C’est le principe même de la confession.
La mauvaise-foi, en revanche, se définit comme une malhonnêteté : le sujet substitue à sa responsabilité une accusation de circonstances qu’il sait fausse, il feint l’ignorant.
Plutôt que de prétendre que l’on ne peut pas avoir conscience de ce que l’on a fait, on peut aussi affirmer que face à la société qui nous demande des comptes, nous sommes responsables de tout ce que l’on a fait. Et Sartre va plus loin, pour lui " l’existence précède l’essence " c’est à dire que ce n’est qu’en mettant bout à bout chacune de mes actions, plus ou moins ordonnées par un projet sans cesse modifié pour lequel je dépense toute mon énergie, toutes mes forces conscientes et inconscientes, que je construis ce que je suis.
On a ainsi un retournement, pour lui ce n’est qu’en se reconnaissant comme responsable de chacun de nos actes que nous prenons conscience de nos actes : pour lui, c’est la responsabilité qui précède la conscience.

Suite à la première partie, nous sommes convaincus que notre conscience n’est pas objective et qu’elle ne contient qu’une représentation de nos actes au regard de la morale.
La seule façon de savoir que faire face à une situation, d’après ce que préconise Descartes, c’est de se référer à des principes, des valeurs, se demander ce qu’il faudrait faire, rechercher quels sont nos devoirs en pareille circonstance. Ainsi notre responsabilité ne se définit plus comme une prise de risque, mais au contraire comme le simple accomplissement d’un ordre dicté par notre conscience au regard de notre horizon de valeurs. Si j’engage ma responsabilité en choisissant telle alternative plutôt que telle autre, c’est parce qu’elle tend vers un de mes idéaux et c’est dans cette recherche de l’idéal que réside ma liberté.
Quant à la velléité consistant à court-circuiter notre conscience, ceci ne nous amènerait qu’à considérer l’homme comme un animal, c’est à dire un être totalement soumis au déterminisme.
La thèse de Sartre consiste à penser au contraire que l’homme est totalement libre dans ses choix et donc qu’il est pleinement responsable de chacune de ses actions qui à terme le constituent.

Ainsi, le problème concernant la part de déterminisme dans notre existence, nous amène au terme de la première partie à considérer l’existence humaine comme un horrible asservissement de l’homme à son inconscient : l’homme semble totalement dépossédé de son destin.
Puis dans un second temps, nous avons envisagé un tout autre point de vue : l’homme contrairement à tous les autres vivants est doué de raison et c’est justement cette différence qui est la clé de sa prison : usant de sa raison il peut effectuer des choix qui lui sont propres grâce à ce que Descartes nomme le libre-arbitre et ainsi cette arme lui permet de terrasser la fatalité comme les autres déterminations qui pesaient sur lui. C’est à l’homme de choisir en toutes circonstances quelle doit être sa conduite, et c’est dans cet éventail de choix que réside sa liberté, l’homme étant libre il est donc responsable.
Il ne s’agit pas tant de renier ses choix plutôt que de les assumer pour à terme se donner les moyens de les dépasser, pour Sartre " le propre de la nature humaine, c’est quelle est sans excuse ".