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L’opinion publique porte un jugement très dépréciatif
sur la philosophie, la trouvant ennuyeuse, inutile, voire néfaste. Pourtant
des philosophes contemporains continuent de réfléchir sur des problèmes
fondamentaux énoncés dès le Ve siècle avant Jésus
Christ concernant la constitution de l’univers, sa finalité…
Le problème soulevé par cette opposition est lié à
l’intérêt que revêt la philosophie. On se trouve confronté
à une alternative : ou bien la philosophie est vide d’intérêt
voire condamnable et dans ce cas il nous faut supprimer cette activité
de l’esprit, ou bien elle présente un intérêt capital et il
faut l’enseigner au plus grand nombre.
Est-il légitime de condamner la philosophie a priori ? Nous est-il possible
en tant qu’homme de nous priver de cette activité spirituelle ? Ayant philosophé
est-il possible ensuite de juger la philosophie sans intérêt ?
L’opinion porte un jugement très négatif sur la
philosophie, jugement qui repose sur un rejet primaire fondé sur des
préjugés. Il est souvent reproché à la philosophie
d’être trop abstraite, trop éloignée de nos préoccupations
immédiates, de n’être qu’une quête stérile puisque
l’histoire de la philosophie ne présente aucun progrès voire d’être
néfaste pour l’homme puisqu’elle est une entrave à notre quiétude
donc au bonheur .
Bien souvent ces sempiternels reproches sont opposés à un éloges
de la science qui en raison du mieux être qu’elle génère
via la technologie s’en trouve glorifiée.
D’ailleurs les philosophes reconnaissent eux-mêmes comme Kant que l’histoire
de la philosophie ressemble à " un vaste champ de bataille ".
En effet on compte autant de philosophies que de philosophes et toutes les théories
semblent bien souvent contradictoires. Les philosophies successives se récusent
les unes les autres sans construire d’acquis, de certitude.
Ainsi la philosophie semble vide de tout intérêt.
Elle est de plus condamnable puisqu’elle exige un effort de réflexion,
un travail difficile qui s’oppose à notre nature sensible, dont l’objectif
est la quête de l’ataraxie, la quiétude, le bonheur.
En constatant de plus que les atrocités commises par l’hitlérisme
se voulaient justifiées par une certaine philosophie, celle de Nietzsche
en l’occurrence, il nous apparaît ainsi que la philosophie est une quête
stérile, qui peut servir à justifier des atrocités et donc
elle semble non seulement inutile, mais de surcroît condamnable.
Nous est-il possible en effet de vivre uniquement avec des opinions ? Nous cherchons
non seulement à vivre, mais aussi à vivre bien. Une existence
dont le seul objectif résiderait en l’assouvissement de besoins primitifs
vaudrait-elle vraiment la peine d’être vécue ?
Cette critique de la philosophie procède d’une méconnaissance
de cette discipline. Loin d’être une discipline ennuyeuse, austère
dont l’objectif est l’arrachement au sensible, la philosophie se définit
étymologiquement comme une quête des connaissances, un recherche
de la sagesse. En effet comment pourrait-on ne pas être avide de connaissances
?
Pour Schopenhauer la philosophie naît d’un étonnement face au monde
et il est natures de s’interroger, ainsi il est dans la nature de l’homme de
produire un raisonnement philosophique.
Pour Descartes " l’homme est un animal pensant ", ce qui nous différencie
du règne animal est notre raison, condition sine qua non à la
réflexion. Ainsi pour se réaliser pleinement, l’home doit se poser
naturellement des problèmes philosophiques. C’est le propre de l’homme,
la réflexion donne un but à notre existence. Elle a pour Nietzsche
une vocation moins noble mais tout aussi essentielle : nous aider à supporter
l’existence.
Elle se distingue d’une science puisque son but n’est pas l’élaboration
de lois pour permettre une anticipation toujours plus fiable dans l’exploitation
de phénomènes naturels, mais elle en a la rigueur du raisonnement.
La philosophie se distingue aussi de l’art puisqu’elle est dédiée
à la raison non à la sensibilité.
Ainsi la philosophie ne peut-être assimilée à aucune autre
activité spirituelle ; ses objectifs sont multiples : c’est avant tout
une conception du monde et à ce titre elle propose des solutions à
des questions insolubles. Comme la recherche fondamentale en science, elle n’a
aucune finalité sensible : ce qu’Aristote nomme un " art libéral
" mais contrairement à la science elle porte sur les causes premières,
les causes fondamentales. Pour Platon elle sert à découvrir les
valeurs pour ensuite agir en conséquences dans le monde sensible. Le
philosophe doit partager son savoir par l’éducation et jouer un rôle
politique dans la cité. Ayant la science des idées, il a le savoir
requis pour gérer la cité.
Ainsi il semble que la philosophie soit indispensable à la vie de l’homme.
Cependant il semble que certaines conceptions du monde ou philosophie aboutissent
à une inutilité de la réflexion.
Une certaine pratique de la philosophie aboutit à une
conclusion semble-t-il paradoxale : la philosophie est inutile.
En effet le scepticisme soutenu par Montaigne prétend que " la raison
est ployable en tous sens " et qu’à ce titre aucune connaissance
n’est certaine, c’est pourquoi il invite à " suspendre l’époché
" c’est à dire ne porter aucun jugement puisque la seule certitude
dont nous disposons est que " je sais que je ne sais rien ".
De même pour Nietzsche, il n’est aucune certitude mais uniquement des
interprétations.
Descartes grâce au cogito fonde une certitude : celle d’être au
monde et à ce titre fonde les bases d’une réflexion féconde.
Ainsi si sans fonder son jugement sur une réflexion il n’est pas légitime
d’être hermétique à la philosophie, en philosophant on aboutit
avec le doute sceptique à une absurdité de la philosophie.
Dans ce cas, quels sont les intérêts de la philosophie ?
Les intérêt de la philosophie sont multiples :
- Cette activité est intéressante pour son rôle
formateur, la rigueur qu’elle enseigne. Sur le fronton du porche de l’académie
était inscrit " Nul n’entre ici s’il n’est géomètre
" illustrant cette rigueur intellectuelle.
- Cette activité est fondamentale : à la base
de tous les postulats de toutes les sciences, elle constitue les fondations
de tout savoir scientifique, de toute connaissance.
- C’est avant tout un cheminement, une quête et trouve
sa valeur dans la façon dont elle est menée.
- C’est enfin une discipline qui encourage l’esprit critique
et la réflexion, capacité de conceptualiser, de soustraire les
particularités pour dégager l’universel, et aussi de problématiser.
Ainsi il est inacceptable et illégitime de rejeter la
philosophie à moins d’encourir le risque de passer à côté
des atouts de cette démarche intellectuelle. Loin d’être condamnable,
la philosophie est indispensable à notre monde contemporain, à
la recherche de ses fondements. La philosophie peut être un moyen de réponse.