« Nous avons été enfant avant que d’être homme », quelles conséquences ?

Bonnes Copies

Bonne Copie du lycée Blaise Pascal de Clermont ferrand. Cette copie a été notée 15/20. Le commentaire du professeur est : J’ai pris beaucoup de plaisir à lire l’introduction et les deux premières parties du devoir, les analyses sont approfondies et précises. La progression de la réflexion est très claire.

Bonne copie du lycée : 63 - Clermont-Ferrand - XXXX

Cette copie a été notée : 15 / 20

Commentaire du professeur : J’ai pris beaucoup de plaisir à lire l’introduction et les deux premières parties du devoir, les analyses sont approfondies et précises. La progression de la réflexion est très claire.


Untitled Document Dans " le petit Prince " d’Antoine de Saint Exupéry l’auteur nous rapporte une amitié entre un enfant et un adulte. L’auteur matérialise le contraste entre ces deux personnages. Curieusement c’est l’adulte qui semble s’enrichir le plus au contact de l’enfant. Saint Exupéry nous présente le monde de enfants et le monde des adultes comme deux univers totalement différents et hermétiques. Descartes avait depuis longtemps remis en question cette frontière puisqu’il affirmait " nous avons été enfant avant que d’être homme " c’est à dire qu’il imaginait un pont entre ces deux états v écus par un même individu au cours de son existence.
Le problème soulevé concerne donc les effets de l’enfance sur l’existence humaine toute entière. L’enfance n’est-elle d’aucune conséquence sur l’âge adulte dans lecas où adulte et enfant seraient opposés en tout point ou, au contraire l’existence humaine est-elle prédéterminée par l’enfance à travers ses répercussions dans la vie de l’adulte ?
Comment peut-on caractériser ces deux états que sont enfance et âge adulte ? Est-ce qu’une personne ne garde pas des traces, mêmes enfouies, de son enfance révolue, durant toute se vie d’adulte ? Est-ce que tout être humain devient réellement et systématiquement adulte ?

D’après son étymologie, un enfant se définit comme un être qui ne parle pas encore. Caractérisé par sa naïveté, son innocence, la spontanéité de ses réactions, l’enfant est doué d’une imagination fertile lui permettant de rêver en créant son monde idéal et c’est ainsi qu’il se crée ses propres " vérités " ne percevant le monde extérieur qu’au travers de ses sens. N’ayant aucune personnalité, il singe les adultes pour tenter de s’affirmer. Ainsi il élabore son propre langage : le babil, une grossière ébauche du langage employé quotidiennement par son entourage. L’enfant est particulièrement égoïste puisque toute la maisonnée ne doit graviter qu’autour de sa petite personne, ainsi versatile et capricieux, il se caractérise aussi et surtout par sa fragilité à travers sa dépendance, sa soumission aux adultes puisque l’enfant est absolument irresponsable et à ce titre privé de toute liberté.
Aux antipodes de toutes ces caractéristiques, l’homme représentant l’expérience, l’incrédulité, il a des notions morales puisqu’il ressent le bien et le mal. L’homme est l’être réfléchi par excellence, maître de lui-même, capable de se dominer et d’intérioriser ses sensations, ses pulsions. Il utilise un langage normalisé pour être compris par le plus grand nombre puisqu’il est social et parfois même altruiste et généreux. L’homme, réaliste, connaît aussi les limites de ses sens et préfère accorder davantage de crédit à sa raison. Il incarne la force et la puissance. D’après Sartre, l’homme est totalement libre en toutes circonstances et ainsi entièrement responsable de tous ses actes.
Ainsi on constate qu’être enfant et être adulte sont deux états antagonistes : pour parvenir à la majorité, il semble qu’il faille tout oublier de l’enfance. L’enfance ne paraît être d’aucune conséquence sur l’âge adulte ; l’homme a appris à maîtriser sa nature, pour devenir adulte, il nous faut tuer l’enfant en nous.
De ce qui précède, on peut penser que l’adulte est le résultat de la mutation d’un enfant : tout comme le papillon est obtenu à l’issue de la métamorphose de la chenille, l’insecte a connu différents états. En est-il de même pour l’homme, animal doué de raison ? Sachant que le seul élément qui sépare ces deux étapes consécutives de l’existence est le temps, peut-il à ce point transfigurer une personne, ou au contraire, l’enfance ne peut-elle avoir des conséquences sur l’âge adulte ?

Le psychiatre afin de mieux comprendre le geste d’un assassin lui demande souvent de lui raconter son enfance. On constate que pour mieux comprendre le comportement de l’adulte, c’est l’enfance qu’on analyse. Ainsi il semblerait que l’enfance laisse des traces même si celles-ci semblent enfouies au plus profond de notre inconscient.
Etre un homme c’est accepter l’inéluctable comme la mort d’un proche, même si cet événement est cruel alors qu’un enfant rejette ce qu’il juge injuste et absurde. Le film " Ponette " illustre parfaitement le rejet de la réalité lorsqu’elle est jugée trop dure par une petite fille devant le décès de sa maman. Pour un adulte, un événement similaire même s’il l’attriste tout autant, l’expérience fera qu’il est conscient que la vie doit continuer. Ainsi l’adulte peut parvenir à atténuer sa sensibilité naturelle, issue directement de l’enfance, chose qui semble impossible à un enfant. Un enfant est caractérisé par une insatiable soif d’apprendre et de comprendre matérialisée par une cascade de " pourquoi ? ". Cette curiosité bien légitime si les adultes ne l’ont pas totalement étouffée sera à la base de tout progrès qu’il soit scientifique, philosophique ou autre. Ainsi l’enfance a des conséquences constructrices essentielles à l’évolution d’une société qui ne pourront aboutir que s’il y a coopération d’une génération à l’autre : en effet si la génération descendante ne bénéficie pas des découvertes établies avant elle, il lui faudrait repartir de zéro ce qui se traduirait par un recul de la civilisation.
L’enfant, animé d’une imagination fertile fait qu’en grandissant, l’homme n’est pas naturellement tourné vers le vrai : il préférera donner des justifications venues tout droit de son imagination (ce qui explique les diverses superstitions, la mythologie…) plutôt que de chercher les réelles causes d’un phénomène encore inexpliqué. Ainsi pour accéder au vrai il nous est indispensable d’utiliser rigoureusement le doute méthodique préconisé par Descartes dans le but d’éradiquer le principe d’autorité, véritable résurgence de l’autorité parentale ; selon laquelle la crédulité naturelle de l’enfant se voit abusée par une tierce personne faisant prévaloir sa propre opinion à des individus soumis. De même pour le principe de tradition, marque d’une crainte excessive envers ses aïeux dont on se sent naturellement redevable. Le doute méthodique vise à remettre en cause les dogmes tenus pour vrais par le simple fait qu’ils ont toujours existé.
D’après l’illustration de Platon dans le Mythe de le Caverne, la véritable éducation n’importe pas tant dans la quantité de savoirs importée à l’homme, mais dans l’utilisation de sa raison en effet l’enfant, prisonnier de préjugés, ne peut parvenir à la vérité qu’après une longue phase de préparation progressive. La véritable éducation n’est pas celle prodiguée par ses parents ou par quiconque lui faisant autorité, c’est celle qu’on s’élabore tout seul en se forgeant les bases d’un esprit critique. On peut maintenant redéfinir l’homme comme étant une personne douée d’un esprit critique contrairement à l’enfant à la nature crédule.
Enfin comme le précise Kant, certains adultes par manque de courage, se montrent incapables d’atteindre leur maturité, que ce soit par " paresse ", " timidité ", " frayeur ", de nombreuses personnes ne prennent par leur indépendance par manque d’audace ; dans ce cas on ne peut nier l’importance du facteur caractère . Aussi pour définir un adulte, l’âge physique n’est pas un critère suffisant : il faut surtout tenir compte de la maturité de la personne, acquise au cours de différentes expériences : les aînés d’une fratrie par rapport à leurs benjamins, les enfants qui ont subit un drame dans le cocon familial, ce qui ont vécu en temps de guerre ont été confrontés à des difficultés de la vie plus jeune et à ce titre, en ressortent souvent mûris.
Dans " Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué " Howard Buten nous raconte la bêtise des adultes qui transforment les rêves d’un petit garçon de huit ans en maladies.
Ainsi tout enfant ne devient pas adulte et on peut même ajouter une fois parvenu à cet état, que rien n’est acquis puisqu’il arrive parfois de trouver des vieillards qui du fait de certaines maladies (alzheimer) ou même de la vieillesse, retombent dans l’enfance puisqu’ils perdent tout discernement . Dans ces conditions, il est impossible de donner une fourchette d’âge pour définir l’âge adulte puisqu’il est propre à chacun.

L’enfance et l’âge adulte ne sont qu’une succession dans le temps : pour être adulte il nous a fallu obligatoirement être enfant : l’enfance est un tremplin pour nous permettre de nous épanouir, de devenir nous-même. L’enfance représente le talon d’Achille de l’humanité et c’est pourquoi on accorde une importance toujours grandissante à la protection de l’enfant par la rédaction des droits de l’enfant, la création de l’UNESCO…
De plus, si l’enfance se définit quantitativement dans la législation par une fourchette de 0 à 18 ans, en réalité qualitativement nous ne sommes pas égaux face à la majorité : c’est avant tout une question de maturité évoluant d’une personne à l’autre en fonction de nombreux facteurs tels que le caractère, les aléas de la vie…
Par ailleurs, l’importance du noyau familial est indéniable puisque l’éducation reçue doit rendre l’enfant apte à vivre en société, y trouver sa place… cependant la réelle éducation doit se faire seule : on ne peut forcer quiconque à devenir responsable, indépendant… c’est à dire majeur.
De ce qui précède, la maturité n’est jamais acquise : contrairement au cliché du sage à la longue barbe blanche, avec l’âge, la personne peut perdre peu à peu sa raison.
Pour reprendre la célèbre formule de Simone de Beauvoir, on ne naît pas " homme ", on le devient ; en effet alors que le petit mammifère est d’emblée tout ce qu’il sera, l’homme dans son enfance doit s’élever vers l’humanité par un travail sur lui-même et sur le monde : il doit tout apprendre par un parcours initiatique. Ainsi ne peut-on penser une espèce humaine mais un genre humain et des hommes singuliers capables de s’élever à l’universel, des personnes.

Ainsi après avoir énoncé les diverses caractéristiques des enfants puis celles des adultes, on en a conclu qu’au cours d’une existence, un être humain pouvait subir d’importantes mutations tant physiques que morales, cependant il semble aberrant que l’on puisse se métamorphoser intégralement et ainsi on en déduit que l’enfance avait une influence certaine sur toute l’existence humaine.
En 18 ans, le temps écoulé ne peut nous métamorphoser que physiquement et l’enfance a donc des répercussions multiples sur notre majorité. La maturité d’une personne caractérisée par l’utilisation de sa raison n’atteint pas tous les individus de la même manière. Il faut vouloir sa maturité, avoir assez d’audace pour l’apprivoiser et elle n’est jamais totalement acquise puisqu’elle peut s’estomper avec l’âge.
Le paradoxe mis en exergue par Descartes focalisant l’opposition enfant/adulte est en réalité un résumé de l’évolution temporelle de l’homme. Le cycle de la chenille au papillon nécessite toute une phase intermédiaire passant par la chrysalide. De même pour l’espèce humaine, le passage de l’enfance à l’âge adulte s’opère par une phase transitoire plus ou moins longue d’un individu à l’autre.
L’homme n’est pas fatalement prédestiné à ne vivre que dans le faux et l’illusion, il est perfectible : par un travail sur lui et sur le monde il peu aboutir au vrai mais uniquement grâce à l’apprentissage d’une méthode artificielle et rigoureuse.