Untitled Document
Dans " le petit Prince " d’Antoine de Saint Exupéry
l’auteur nous rapporte une amitié entre un enfant et un adulte. L’auteur
matérialise le contraste entre ces deux personnages. Curieusement c’est
l’adulte qui semble s’enrichir le plus au contact de l’enfant. Saint Exupéry
nous présente le monde de enfants et le monde des adultes comme deux univers
totalement différents et hermétiques. Descartes avait depuis longtemps
remis en question cette frontière puisqu’il affirmait " nous avons
été enfant avant que d’être homme " c’est à dire
qu’il imaginait un pont entre ces deux états v écus par un même
individu au cours de son existence.
Le problème soulevé concerne donc les effets de l’enfance sur l’existence
humaine toute entière. L’enfance n’est-elle d’aucune conséquence
sur l’âge adulte dans lecas où adulte et enfant seraient opposés
en tout point ou, au contraire l’existence humaine est-elle prédéterminée
par l’enfance à travers ses répercussions dans la vie de l’adulte
?
Comment peut-on caractériser ces deux états que sont enfance et
âge adulte ? Est-ce qu’une personne ne garde pas des traces, mêmes
enfouies, de son enfance révolue, durant toute se vie d’adulte ? Est-ce
que tout être humain devient réellement et systématiquement
adulte ?
D’après son étymologie, un enfant se définit
comme un être qui ne parle pas encore. Caractérisé par sa
naïveté, son innocence, la spontanéité de ses réactions,
l’enfant est doué d’une imagination fertile lui permettant de rêver
en créant son monde idéal et c’est ainsi qu’il se crée
ses propres " vérités " ne percevant le monde extérieur
qu’au travers de ses sens. N’ayant aucune personnalité, il singe les
adultes pour tenter de s’affirmer. Ainsi il élabore son propre langage
: le babil, une grossière ébauche du langage employé quotidiennement
par son entourage. L’enfant est particulièrement égoïste
puisque toute la maisonnée ne doit graviter qu’autour de sa petite personne,
ainsi versatile et capricieux, il se caractérise aussi et surtout par
sa fragilité à travers sa dépendance, sa soumission aux
adultes puisque l’enfant est absolument irresponsable et à ce titre privé
de toute liberté.
Aux antipodes de toutes ces caractéristiques, l’homme représentant
l’expérience, l’incrédulité, il a des notions morales puisqu’il
ressent le bien et le mal. L’homme est l’être réfléchi par
excellence, maître de lui-même, capable de se dominer et d’intérioriser
ses sensations, ses pulsions. Il utilise un langage normalisé pour être
compris par le plus grand nombre puisqu’il est social et parfois même
altruiste et généreux. L’homme, réaliste, connaît
aussi les limites de ses sens et préfère accorder davantage de
crédit à sa raison. Il incarne la force et la puissance. D’après
Sartre, l’homme est totalement libre en toutes circonstances et ainsi entièrement
responsable de tous ses actes.
Ainsi on constate qu’être enfant et être adulte sont deux états
antagonistes : pour parvenir à la majorité, il semble qu’il faille
tout oublier de l’enfance. L’enfance ne paraît être d’aucune conséquence
sur l’âge adulte ; l’homme a appris à maîtriser sa nature,
pour devenir adulte, il nous faut tuer l’enfant en nous.
De ce qui précède, on peut penser que l’adulte est le résultat
de la mutation d’un enfant : tout comme le papillon est obtenu à l’issue
de la métamorphose de la chenille, l’insecte a connu différents
états. En est-il de même pour l’homme, animal doué de raison
? Sachant que le seul élément qui sépare ces deux étapes
consécutives de l’existence est le temps, peut-il à ce point transfigurer
une personne, ou au contraire, l’enfance ne peut-elle avoir des conséquences
sur l’âge adulte ?
Le psychiatre afin de mieux comprendre le geste d’un assassin
lui demande souvent de lui raconter son enfance. On constate que pour mieux
comprendre le comportement de l’adulte, c’est l’enfance qu’on analyse. Ainsi
il semblerait que l’enfance laisse des traces même si celles-ci semblent
enfouies au plus profond de notre inconscient.
Etre un homme c’est accepter l’inéluctable comme la mort d’un proche,
même si cet événement est cruel alors qu’un enfant rejette
ce qu’il juge injuste et absurde. Le film " Ponette " illustre parfaitement
le rejet de la réalité lorsqu’elle est jugée trop dure
par une petite fille devant le décès de sa maman. Pour un adulte,
un événement similaire même s’il l’attriste tout autant,
l’expérience fera qu’il est conscient que la vie doit continuer. Ainsi
l’adulte peut parvenir à atténuer sa sensibilité naturelle,
issue directement de l’enfance, chose qui semble impossible à un enfant.
Un enfant est caractérisé par une insatiable soif d’apprendre
et de comprendre matérialisée par une cascade de " pourquoi
? ". Cette curiosité bien légitime si les adultes ne l’ont
pas totalement étouffée sera à la base de tout progrès
qu’il soit scientifique, philosophique ou autre. Ainsi l’enfance a des conséquences
constructrices essentielles à l’évolution d’une société
qui ne pourront aboutir que s’il y a coopération d’une génération
à l’autre : en effet si la génération descendante ne bénéficie
pas des découvertes établies avant elle, il lui faudrait repartir
de zéro ce qui se traduirait par un recul de la civilisation.
L’enfant, animé d’une imagination fertile fait qu’en grandissant, l’homme
n’est pas naturellement tourné vers le vrai : il préférera
donner des justifications venues tout droit de son imagination (ce qui explique
les diverses superstitions, la mythologie…) plutôt que de chercher
les réelles causes d’un phénomène encore inexpliqué.
Ainsi pour accéder au vrai il nous est indispensable d’utiliser rigoureusement
le doute méthodique préconisé par Descartes dans le but
d’éradiquer le principe d’autorité, véritable résurgence
de l’autorité parentale ; selon laquelle la crédulité naturelle
de l’enfant se voit abusée par une tierce personne faisant prévaloir
sa propre opinion à des individus soumis. De même pour le principe
de tradition, marque d’une crainte excessive envers ses aïeux dont on se
sent naturellement redevable. Le doute méthodique vise à remettre
en cause les dogmes tenus pour vrais par le simple fait qu’ils ont toujours
existé.
D’après l’illustration de Platon dans le Mythe de le Caverne, la véritable
éducation n’importe pas tant dans la quantité de savoirs importée
à l’homme, mais dans l’utilisation de sa raison en effet l’enfant, prisonnier
de préjugés, ne peut parvenir à la vérité
qu’après une longue phase de préparation progressive. La véritable
éducation n’est pas celle prodiguée par ses parents ou par quiconque
lui faisant autorité, c’est celle qu’on s’élabore tout seul en
se forgeant les bases d’un esprit critique. On peut maintenant redéfinir
l’homme comme étant une personne douée d’un esprit critique contrairement
à l’enfant à la nature crédule.
Enfin comme le précise Kant, certains adultes par manque de courage,
se montrent incapables d’atteindre leur maturité, que ce soit par "
paresse ", " timidité ", " frayeur ", de nombreuses
personnes ne prennent par leur indépendance par manque d’audace ; dans
ce cas on ne peut nier l’importance du facteur caractère . Aussi pour
définir un adulte, l’âge physique n’est pas un critère suffisant
: il faut surtout tenir compte de la maturité de la personne, acquise
au cours de différentes expériences : les aînés d’une
fratrie par rapport à leurs benjamins, les enfants qui ont subit un drame
dans le cocon familial, ce qui ont vécu en temps de guerre ont été
confrontés à des difficultés de la vie plus jeune et à
ce titre, en ressortent souvent mûris.
Dans " Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué " Howard Buten nous
raconte la bêtise des adultes qui transforment les rêves d’un petit
garçon de huit ans en maladies.
Ainsi tout enfant ne devient pas adulte et on peut même ajouter une fois
parvenu à cet état, que rien n’est acquis puisqu’il arrive parfois
de trouver des vieillards qui du fait de certaines maladies (alzheimer) ou même
de la vieillesse, retombent dans l’enfance puisqu’ils perdent tout discernement
. Dans ces conditions, il est impossible de donner une fourchette d’âge
pour définir l’âge adulte puisqu’il est propre à chacun.
L’enfance et l’âge adulte ne sont qu’une succession dans
le temps : pour être adulte il nous a fallu obligatoirement être
enfant : l’enfance est un tremplin pour nous permettre de nous épanouir,
de devenir nous-même. L’enfance représente le talon d’Achille de
l’humanité et c’est pourquoi on accorde une importance toujours grandissante
à la protection de l’enfant par la rédaction des droits de l’enfant,
la création de l’UNESCO…
De plus, si l’enfance se définit quantitativement dans la législation
par une fourchette de 0 à 18 ans, en réalité qualitativement
nous ne sommes pas égaux face à la majorité : c’est avant
tout une question de maturité évoluant d’une personne à
l’autre en fonction de nombreux facteurs tels que le caractère, les aléas
de la vie…
Par ailleurs, l’importance du noyau familial est indéniable puisque l’éducation
reçue doit rendre l’enfant apte à vivre en société,
y trouver sa place… cependant la réelle éducation doit se
faire seule : on ne peut forcer quiconque à devenir responsable, indépendant…
c’est à dire majeur.
De ce qui précède, la maturité n’est jamais acquise : contrairement
au cliché du sage à la longue barbe blanche, avec l’âge,
la personne peut perdre peu à peu sa raison.
Pour reprendre la célèbre formule de Simone de Beauvoir, on ne
naît pas " homme ", on le devient ; en effet alors que le petit
mammifère est d’emblée tout ce qu’il sera, l’homme dans son enfance
doit s’élever vers l’humanité par un travail sur lui-même
et sur le monde : il doit tout apprendre par un parcours initiatique. Ainsi
ne peut-on penser une espèce humaine mais un genre humain et des hommes
singuliers capables de s’élever à l’universel, des personnes.
Ainsi après avoir énoncé les diverses caractéristiques
des enfants puis celles des adultes, on en a conclu qu’au cours d’une existence,
un être humain pouvait subir d’importantes mutations tant physiques que
morales, cependant il semble aberrant que l’on puisse se métamorphoser
intégralement et ainsi on en déduit que l’enfance avait une influence
certaine sur toute l’existence humaine.
En 18 ans, le temps écoulé ne peut nous métamorphoser que
physiquement et l’enfance a donc des répercussions multiples sur notre
majorité. La maturité d’une personne caractérisée
par l’utilisation de sa raison n’atteint pas tous les individus de la même
manière. Il faut vouloir sa maturité, avoir assez d’audace pour
l’apprivoiser et elle n’est jamais totalement acquise puisqu’elle peut s’estomper
avec l’âge.
Le paradoxe mis en exergue par Descartes focalisant l’opposition enfant/adulte
est en réalité un résumé de l’évolution temporelle
de l’homme. Le cycle de la chenille au papillon nécessite toute une phase
intermédiaire passant par la chrysalide. De même pour l’espèce
humaine, le passage de l’enfance à l’âge adulte s’opère
par une phase transitoire plus ou moins longue d’un individu à l’autre.
L’homme n’est pas fatalement prédestiné à ne vivre que
dans le faux et l’illusion, il est perfectible : par un travail sur lui et sur
le monde il peu aboutir au vrai mais uniquement grâce à l’apprentissage
d’une méthode artificielle et rigoureuse.