L’homme a-t-il besoin de l’art ?

Bonnes Copies

Bonne Copie du lycée Bergson d’Angers. Cette copie a été notée 16/20. Le commentaire du professeur est : Votre propos est clair et manifeste une bonne maîtrise des concepts. Il est dommage que vous ne proposiez pas des analyses d’exemples précis

Bonne copie du lycée : 49 - Angers - Lycée Bergson

Cette copie a été notée : 16 / 20

Commentaire du professeur : Votre propos est clair et manifeste une bonne maîtrise des concepts. Il est dommage que vous ne proposiez pas des analyses d’exemples précis


Untitled Document De l’époque préhistorique au XXIème siècle, des fresques sur les parois des cavernes à l’art conceptuel ou à la musique concrète, l’homme s’est toujours manifesté à travers l’art, sous toutes ses formes. De même, la pratique artistique est une des toutes premières activités développées chez le jeune enfant dès l’école maternelle. Mais qu’est-ce que cela signifie ? L’art participerait donc au progrès de l’esprit ?
On en vient ainsi à se demander si l’homme a besoin de l’art. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est une œuvre d’art : elle appelle à la contemplation en faisant référence au Beau qui est, selon Kant, un plaisir désintéressé. En outre, quels sont les besoins de l’homme ? Comment et dans quelle mesure l’art peut-il y répondre et les satisfaire ? Est-ce une nécessité ou un luxe ? Faut-il pour répondre à ces questions distinguer l’art en tant qu’on le pratique, qu’on le construit ou en tant qu’on le contemple ? Le besoin est-il le même dans les deux cas ? Il est nécessaire également de s’interroger sur la signification du mot " besoin ". Quand on a besoin de quelque chose, cela ne sous-entend-il pas de considérer ce quelque chose comme un moyen ? N’entrerait-on pas là dans des contradictions étant donné que l’art se définit comme production d’une fin, non d’un moyen ?
Afin de répondre à ces questions, nous verrons tout d’abord en quoi l’art peut répondre aux inquiétudes de l’être conscient et en quoi il lui procure une grande liberté . Puis il sera intéressant de se demander comment l’homme peut se réaliser au travers de l’art.


L’homme se définit, selon Rousseau, comme un être perfectible, mais c’est surtout un être doué de conscience et de liberté. Qu’il se considère comme un être situé ou situant dans le monde, L’homme éprouve des inquiétudes face à lui. En effet, l’homme prend conscience de son impuissance face aux forces de la nature (cf. les catastrophes naturelles : ouragans, inondations, etc.) ainsi que de sa mortalité. De même, il se rend compte que la violence est possible dans la société et qu’il ne peut jamais connaître totalement autrui. D’une autre manière, en exerçant sa liberté par le biais de la technique, l’homme doit faire face à ses responsabilités et se présente à li un monde inquiétant.
L’art permet de remédier à bon nombre de ces inquiétudes de l’homme en tant qu’être conscient et libre. En effet, face à la nature tout d’abord, l’art permet de créer une distance, de contempler cette nature sans en être inquiétée. On peut représenter une nature effrayante et la contempler sans pour autant s’en sentir menacé ; comme le dit Kant, une œuvre d’art n’est pas la représentation d’une belle chose mais la belle représentation d’une chose. En ce qui concerne la peur de la mort, l’art permet de nous rassurer en ancrant notre subjectivité dans le temps, en créant une œuvre qui marquera notre passage dans le temps et nous survivra. En outre, dans la contemplation de l’art, on savoure l’instant présent et l’éternité n’y changerait rien. Enfin, dans la relation à autrui, l’art permet d’envisager un idéal de contemplation partageable en droit, d’une liberté partagée dans la paix d’autan plus que l’art est rarement une source de conflit puisqu’on admet un certain relativisme dans l’appréciation d’une œuvre et un respect de l’opinion de l’autre.
A ce stade, il apparaît donc que l’art rassure l’homme en tant qu’être conscient et libre. Il arrive à compenser, à gommer les inquiétudes suscitées notamment par les sciences et les techniques. En ce sens, l’homme a besoin de l’art dans la mesure où il lui procure un sentiment de protection, de sécurité et de paix et, par conséquent une forme de bonheur.
Cependant, on note que la religion joue le même rôle face aux inquiétudes de l’homme. En effet, le christianisme, par exemple, présente la nature comme vouée à l’homme, propose un au-delà après la mort et prescrit notre comportement ace à autrui pour vivre dans la paix. De plus, où se situe la liberté dans cette conception de l’art ? Nous répondrons à cette question en nous demandant : en quoi l’art serait-il plus nécessaire à l’homme et en quoi répondrait-il plus à ses besoins que la religion ?


Notre société fait aujourd’hui le constat que les musées se remplissent à mesure que les églises se vident. Est-ce à dire qu’il existe un rapport entre ces deux phénomènes ?
On remarque tout d’abord que la religion est caractérisée par le dogme, c’est-à-dire, par un ensemble de doctrines, de pensées et règles fixes qui sont peu susceptibles d’être modifiées ni d’évoluer. On ne peut également pas nier que la religion ne nous invite pas toujours à penser, à réfléchir par nous-même à la lumière de notre propre raison, mais nous donne, nous prescrit des pensées. Ainsi la liberté humaine apparaît comme limitée au sein de la religion. Au contraire, l’art nous accorde plus de liberté dans la pratique. Certes il a existé des écoles qui réglementaient et codifiaient un genre d’art et qui condamnaient quiconque osait s’en éloigner, comme l’académisme et la peinture figurative. Mais l’art a souvent su évoluer et innover au cours du temps. Il suffit de comparer l’histoire de l’art et celle de la religion, qui par ailleurs se recoupent et sont quelquefois liées, pour constater que l’homme a pu dans l’art exercer sa liberté. Ainsi, dans la pratique, l’art est libre et n’est pas réglé par des rites ou coutumes à respecter comme en religion. Il ne suffit pas d’être artiste pour exercer sa liberté dans l’art, on peut aussi le faire dans la contemplation de l’œuvre d’art puisqu’on est libre d’interpréter l’œuvre tandis qu’en religion, dans les religions révélées plus précisément, l’interprétation des textes sacrés et de la parole divine se fait par l’intermédiaire des théologiens, souvent des prêtres.
Il apparaît donc ici que l’art répond au besoin de liberté de l’homme, à la fois dans la contemplation que dans la pratique de l’art qui présente peu de contraintes.
Cependant ne s’enferme-t-on pas dans le sensible ? C’est ce qu’affirme Platon en montrant que l’art est une source d’illusions. Pour lui l’essence d’un objet est plus réelle que sa représentation et même plus réel que l’objet concret lui-même car l’essence c’est ce qui définit l’objet et lui subsiste. Par conséquent, n’entre-t-on pas dans des contradictions avec l’aspiration de l’homme à un idéal de vérité, la vérité état l’accord de la pensée avec la réalité ? L’art consisterait donc à s’éloigner de la vérité de l’objet et d’en créer une illusion. On se demandera alors si on peut tout de même accéder à l’Intelligible grâce à l’art. C’est ce que prévoit Hegel.


Rappelons que l’homme se distingue par sa conscience et sa liberté. Or l’art passe par une construction, soit par un travail qui est la transformation consciente d’un donné par l’intermédiaire d’outils. On voit donc bien ici que la conscience intervient dans l’acte artistique.
Hegel va encore plus loin en soutenant que l’œuvre est une source d’accès à la vérité et non une source d’illusion dans la mesure où elle est une manifestation de l’Esprit dans le sensible. Ainsi, on accède à la vérité de l’Esprit grâce à son œuvre. En découle pour Hegel une hiérarchie dans l’art ; selon lui, plus une oeuvre s’éloigne de la nature, de la représentation exacte d’un objet, plus elle nous donne accès à la vérité de l’Esprit de son auteur.
Par conséquent, l’art apparaît comme un moyen d’expression de son esprit aux autres (et à soi-même) sans passer par les contraintes du langage. C’est également le moyen pour l’homme de manifester sa présence au monde et son originalité. L’art répond donc au besoin de l’homme de manifester sa subjectivité pour avoir conscience d’exister et épanouir sa personnalité. Pour celui qui contemple l’œuvre, l’art répond au besoin de connaître et de comprendre autrui.
Mais n’entre-t-on pas ici dans une contradiction puisque, dans ce qui précède, nous considérons l’art comme un moyen, comme quelque chose d’utile alors que l’œuvre d’art est une fin en soi ?


En effet, il ne faut pas confondre l’art produisant l’œuvre d’art et appelant à la contemplation et l’art de l’artisan qui est la mise en œuvre de procédés en vue d’obtenir un résultat jugé utile, c’est-à-dire qui sert à titre de moyen.
En effet, on peut se demander si avoir besoin de quelque chose, ce n’est pas le considérer comme un moyen. En ce cas, on pourrait affirmer que par définition, l’homme n’a pas besoin de l’art qui est une fin en soi. Toutefois, on pourrait peut-être dire que l’homme a besoin d’une finalité, d’un sens à donner à sa vie. Or la finalité de l’art, si l’on conserve la conception de Hegel, c’est d’atteindre la vérité de l’Esprit ce qui correspond quelque peu aux aspirations humaines idéales de quête de la vérité. Or cette quête, cet accès à la vérité n’est jamais atteint donc ne peut être utiliser à titre de moyen. En effet, l’art est une recherche infinie. La réalisation de l’Esprit tout comme sa perception et sa compréhension ne sont jamais atteintes complètement car elles passent par l’intermédiaire du sensible. L’homme ne comprend jamais complètement l’autre et ne peut vérifier si ce qu’il perçoit de l’autre correspond à la réalité.
Par conséquent, la finalité de l’art correspond à une conception de la finalité de l’homme. L’art est une recherche constante qui ne se fixe jamais, qui est toujours en mouvement tout comme l’homme recherche constamment le sens de son existence.


Ainsi, nous avons donc vu que l’art pouvait répondre à certains besoins de l’homme comme le besoin d’être rassuré, le besoin d’exercer sa liberté, le besoin de vérité.
Enfin, on peut noter que l’art permet de conférer à l’homme une dignité en l’élevant au-dessus des choses du monde sensible puisque à travers l’art, il cherche à conférer un supplément de signification à ce qu’il représente ; dans une représentation, il ajoute une touche aux objets et exprime sa subjectivité.