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Les Etats-Unis tiennent leur existence de la population, c’est
elle qui a formé le pays et lui a ses caractéristiques. En effet,
fondés par les Pilgrim Fathers, puritains fuyant l’Angleterre, les Etats-Unis
se sont nourris depuis le XVIIème siècle d’immigrants qui les ont
amenés à leur grandeur actuelle. Mais aujourd’hui, la société
des Etats-Unis fait face à de nombreux problèmes.
Quels sont-ils ? S’agit-il de problèmes " classiques " de pays
industriels, ou s’agit-il, au contraire, de problèmes spécifiques
à la société américaine ? Il faut donc s’interroger
sur ce qui fait l’originalité de la population américaine et donc
de ses problèmes. Comment y remédier alors ? Et quelles sont les
perspectives d’évolution de la société américaines
dans ce contexte ?
Dans un premier temps, nous verrons en quoi les difficultés actuelles que
connaît la société américaine sont ceux d’un pays développé.
Puis, nous analyserons les phénomènes d’accroissement des inégalités
sociales ainsi que le blocage du " melting-pot " aux Etats-Unis et la
montée des tensions entre ethnies.
Contrairement à ses partenaires de la Triade, les Etats-Unis ne sont
nullement marqués par le phénomène de vieillissement de
la population, ou, du moins, pas dans les mêmes proportions. En effet,
l’indice de fécondité américain est de 2, ce qui s’explique
par le dynamisme démographique des minorités et des immigrants.
Par contre, le très haut niveau de vie et la consommation de masse effrénée
qui l’accompagne peuvent avoir des effets néfastes sur la population
à deux échelles. Par exemple, au niveau individuel, la population
américaine connaît un phénomène d’obésité
très important : un homme sur trois et presque une femme sur deux (40%)
sont obèses. En outre, l’obésité devient de plus en plus
répandue chez les enfants et menace leur santé. Dans un autre
ordre d’idées, les Américains ont des habitudes de consommation
propices au gaspillage ; gaspillage de l’eau notamment, qui peut poser problèmes
dans les Etats désertiques comme l’Arizona (mais qui toutefois n’ont
rien à voir avec les problèmes d’eau du Tiers-Monde) ; gaspillage
de l’énergie également qui favorise la pollution et la dépendance
économique du pays.
La société américaine connaît également des
problèmes liés à sa forte urbanisation. Les Etats-Unis
possèdent de très grandes métropoles (New York, 17 millions
d’habitants ; Chicago, 9 millions ou encore Miami, près de 5 millions)
qui sont marqués par des problèmes de congestion, de pollution,
de cherté des loyers que l’on retrouve dans bon nombre de métropoles
du monde, mais surtout par des problèmes de ghettoïsation et de
hausse de la violence. Les villes se hiérarchisent de plus en plus en
fonction de critères sociaux ou ethniques et les tensions et la criminalité
sont en hausse. C’est notamment le cas de Chicago qui est réputée
pour avoir des quartiers très dangereux pour celui qui n’y habite pas.
La population américaine présente également des problèmes
spécifiques qui sont liés à ses principes fondateurs :
l’égalité et l’intégration sociale. En effet, le "
rêve américain " a toujours attiré des étrangers
aspirant à réussir grâce à la liberté d’initiative
régnant dans le pays de " l’oncle Sam " et à rapidement
s’intégrer dans la société américaine grâce
au melting-pot.
Comme l’étudie André Kaspi, professeur à la Sorbonne et
spécialiste des Etats-Unis, la société américaine
accorde une " égalité des chances " qui se distingue
du principe d’égalité en France qui est absolu. Ainsi, aux Etats-Unis,
chacun se voit offert les mêmes chances, conditions pour réussir
; après il incombe à chacun de profiter de ces " chances
". Il vient donc que celui qui a réussit l’a mérité
car il a tout fait pour, de même que celui qui est pauvre l’aurait également
mérité et en est responsable, en grossissant le trait. De là
découle paradoxalement une société très inégalitaire
où les écarts de richesse apparaissent d’autant plus larges que
la mobilité sociale est importante aux Etats-Unis.
La pauvreté s’est donc accrue dans ce pays, dès les années
1970 avec la Crise, puis dans les années 1980 avec la politique ultra-libérale
de Ronald Reagan. Ainsi, Piore et Doeringer, chercheurs au Massachusetts Institut
of Technology, puis Reich, ont mis en évidence une segmentation de marché
du travail composé des " manipulateurs de symboles " , du personnel
des services et des " travailleurs routiniers ". Ces deux dernières
catégories peuvent comprendre des travailleurs dont la situation est
très précaire. Le marché américain du travail est
en effet caractérisé par sa flexibilité, c’est-à-dire
que les emplois précaires du type intérimaires, temps partiels
se multiplient ; le turn-over, c’est-à-dire la rotation de la main d’œuvre
dans les entreprises américaines, est extrêmement court (4 à
5 ans).
Par conséquent, on peut perdre facilement son emploi d’autant plus qu’il
y a peu d’obstacles au licenciement aux Etats-Unis. Encore, ce fonctionnement
du marché du travail se retrouve aujourd’hui en Europe mais à
la différence que les travailleurs américains ne bénéficient
pas d’une sécurité sociale aussi élaborée qu’en
Europe.
John Kenneth Galbraith a ainsi défini une nouvelle classe de travailleurs,
les " poor workers " qui ne sont pas assez riches pour cotiser et
avoir une assurance et qui ne sont pas assez pauvres pour bénéficier
des aides de l’Etat. Il semble que cette pauvreté ne va pas se réduire
de sitôt car le libéralisme économique " sauvage "
des Etats-Unis ne fait que l’accentuer. Certes, il existe des aides médicales,
Medicaid et Medicare, pour les personnes âgées, mais le président
Clinton, lors de son dernier mandat, a réduit le nombre de bénéficiaires
des " food stamps ".
Cette inégalité sociale se double d’une inégalité
ethnique très forte qui est la traduction du dysfonctionnement du "
melting-pot " qui a longtemps constitué le principe de base selon
lequel la société américaine serait le résultat
harmonieux d’une " fusion " de tous les peuples qui sont arrivés
aux Etats-Unis.
Depuis quelques années, effectivement, le terme de " salad-bowl
" a remplacé celui de " melting-pot " pour illustrer l’attachement
des immigrants à leur ethnie, culture d’origine. A cela s’ajoutent des
tensions ethniques qui ont parfois débouché sur de graves conflits
comme lors des émeutes de Los Angeles en 1992 qui ont vu s’affronter
les Noirs et les Sud-Coréens.
Sur les 275 millions d’habitants que comptent les Etats-Unis, on constate en
effet de profondes inégalités entre les Blancs qui forment 75
% de la population, les Noirs qui sont 35 millions, les Hispaniques bientôt
aussi nombreux que les précédents, les Asiatiques au nombre de
10 millions et les Indiens, 2 millions. Les conditions de vie et les dynamiques
démographiques sont très différentes d’une ethnie à
l’autre. Ainsi, les Noirs et les Hispaniques ont un taux de natalité
et de mortalité plus élevés que les Blancs ; l’espérance
de vie de la population noire est de 10 ans inférieure à celles
des Blancs. Le chômage au sein de la communauté noire est rois
fois supérieur à celui des blancs et un détenu sur trois
aux Etats-Unis est noir. Quant aux Indiens, qui vivent souvent dans des réserves,
ils connaissent 50 % de taux de chômage ainsi que des phénomènes
de délinquance et d’alcoolisme. Au contraire, les Asiatiques connaissent
des réussites sociales importantes ; 70 % d’entre eux accèdent
à l’enseignement supérieur contre 40 % des WASP (White Anglo-Saxon
Protestant). De là naissent de profonds sentiments d’inégalité
et d’injustice sociale.
Ces tensions sont renforcées par le droit à la différence
désormais revendiqué par les minorités. Ainsi, les Indiens
n’hésitent plus à s’habiller quotidiennement avec des vêtements
traditionnels. La " reconquête silencieuse " qu’opèrent
les Hispaniques aux Etats-Unis est encore plus flagrante. En effet, ils cherchent
à implanter leur culture caractérisée par le catholicisme
et la langue espagnole et refusent de plus en plus souvent à parler anglais.
Ainsi, la société américaine note de " bons "
(les Asiatiques) et de " mauvais élèves " (Hispaniques
et Noirs) du melting-pot. Des sentiments de xénophobie voire de racisme
font clairement surface et la question de l’immigration se repose.
Quel avenir alors pour cette société américaine ? La politique
de quotas ne semble faire qu’accroître ces sentiments. Il paraît
peu probable que les Etats-Unis se ferment totalement car l’immigration zéro
n’existe pas, d’une part, et d’autre part, économiquement parlant, ils
ont besoin de ces immigrants. Va-t-on alors assister à un durcissement
de la société américaine avec un phénomène
amplifié de ghettos aussi bien blancs que noirs… ? La question reste
posée.
La population américaine a été et est toujours un atout
pour le pays de par son esprit d’initiative, sa volonté de réussir.
Et même si elle est contrastée et contradictoire (égalité
des chances et inégalités sociales ; rigueur morale et libéralisme
excessif…), un consensus demeure toujours en son sein. Toutefois, c’est
sur ce terrain social que les Etats-Unis peuvent être amenés à
manquer de crédibilité aux yeux de la communauté internationale.