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Après guerre, les économies des pays vainqueurs
comme vaincus, telles que celles de l’Allemagne, de l’Italie, de la France, du
Japon ou des Etats-Unis, ont connu des rythmes de croissance sans précédent.
On parla alors de " miracle ", de " Haute Croissance " pour
le Japon ou encore de " Trente Glorieuses " pour la France. Mais deux
chocs pétroliers survenus en 1873 et 1979 mirent fin à cette période,
les économies de ces pays se relançant tant bien que mal par la
suite.
Ainsi les courants de pensée classiques et néoclassiques sont-ils
en mesure d’expliquer cette évolution ainsi que les facteurs, qui en ont
été les causes et qui correspondent aux caractéristiques
de ces économies ? Ces explications, prévisions pour certains penseurs,
comme Malthus ou Ricardo, se sont-elles vérifiées dans cet exemple
historique ?
Tout d’abord, nous constaterons dans quelle mesure les explications de ces penseurs
ont trouvé une justification dans l’évolution des économies
développées durant ce dernier demi-siècle. Pour ce faire,
nous citerons les auteurs classiques et les théoriciens de la croissance
endogène. Dans un second temps, nous nous pencherons sur les lacunes de
ces explications, autrement dit sur les explications qui ne se sont pas révélées
justes et sur la part de la croissance de ces pays inexpliquée par ces
auteurs.
Nous traiterons d’abord des auteurs classiques avant d’évoquer les théoriciens
de la croissance endogène.
En premier lieu, soulignons une caractéristique majeure des économies
des pays développés depuis la fin de la deuxième guerre
mondiale de ces pays : l’Allemagne a profité de la sous-évaluation
de sa monnaie pour tirer profit des exportations de produits manufacturés.
Le Japon s’est développé grâce à une stratégie
économique ouverte sur l’extérieur. Cette internationalisation
n’est pas le fait du hasard mais d’accords. Le traité de Rome, signé
en 1957, les accords du GATT, l’implantation d’entreprises américaines
grâce au plan Marshall le montrent bien. Smith et Ricardo ont justement
démontré les effets bénéfiques de l’internationalisation
dans leurs théories respectives des avantages absolus et des avantages
comparatifs. Ils soulignaient les bienfaits de la spécialisation pour
un pays, dans certains secteurs, qui constituent les points forts de son économie.
Ce pays devait ensuite tirer profit de cette spécialisation en exportant
les produits provenant des secteurs spécialisés. Par exemple,
le Japon s’est spécialisé dans les produits dont la production
demandait une forte main-d’œuvre.
Une autre caractéristique de ces économies est qu’elles se sont
développées grâce à l’investissement ainsi que grâce
aux gains de productivité. Smith a souligné l’importance de l’épargne
pour l’investissement. Or, dans des pays tels que le Japon ou l’Allemagne, la
population a dû reconstituer son épargne, ce qui a peu généré
des hausses du taux d’investissement. Aussi, la recherche des gains de productivité
a également été traitée par Smith. Selon lui, la
division du travail est la façon la plus efficace d’effectuer des gains
de productivité grâce à l’habileté qu’acquiert l’ouvrier
en effectuant la même tâche, où à la non perte de
temps due au changement de poste par exemple. Cette division du travail nécessite
une condition : l’accroissement du marché. Or nous avons vu que cette
condition a été réalisée.
Aussi Smith et Mill, le dernier des classiques, ont également évoqué
une nécessité de politique sociale. Smith, en son temps, prit
partie pour une taxe sur les carrosses " afin que l’indolence et la vanité
des riches contribuent au soulagement des pauvres ". Ainsi, prônait-il
un libéralisme à visage humain selon Grimaldi. Mill, lui, souligna
la nécessité de mieux répartir les revenus. Or, un pays
tel que la France a instauré un système de répartition
par l’intermédiaire de l’impôt sur le revenu des personnes physiques.
D’autres pays développés disposent également de ce type
de système.
Les théoriciens de la croissance endogène, dont
Paul Romer en est le plus célèbre, contribuent également
à expliquer ce phénomène.
Cette théorie donne une importance considérable au rôle
du progrès technique dans la croissance. Il est le résultat de
l’accumulation de connaissances techniques ainsi que de capital humain, c’est-à-dire
les connaissances incorporées dans l’individu validées ou non.
Le progrès technique permet donc d’augmenter la productivité car
il est source de création de machines plus performantes, et d’efficacité
grandissante des travailleurs. La recherche de ces gains de productivité
fut un des buts des pays développés. C’est ainsi que de nombreux
investissements en formation et en recherche y ont été réalisés.
Cette théorie nous donne un élément d’explication de la
convergence des pays développés. En effet, on observe que, dans
les pays de l’OCDE plus le PIB par habitant est bas, plus le taux de croissance
du PIB par habitant est élevé, ce qui aboutit à une quasi-égalisation
des niveaux économiques dans ces pays développés. Ceci
n’est pas le cas à l’échelle de la planète. En effet, le
progrès technique peut se réaliser une fois certaines conditions
réalisées. Il faut donc que le pays ait dépassé
le stade où les besoins primaires sont satisfaits et qu’il atteint un
certain niveau démographique. Il faut également la présence
d’un seuil minimal de connaissances techniques et de capital humain ainsi qu’un
investissement de l’Etat suffisamment élevé dans l’éducation.
Cela montre donc pourquoi l’écart s’est creusé entre les pays
de l’OCDE et les autres.
De plus, cette théorie légitime une part de l’intervention de
l’Etat dans l’économie, ce qui est un fait fréquent dans les pays
développés. En effet, l’Etat gère les externalités
des découvertes, grâce à des brevets par exemple. Une invention
sera bénéfique pour la firme mais également pour l’ensemble
de la société. Son rendement social est supérieur à
son rendement privé. Il apparaît donc normal que l’inventeur soit
récompensé par des royalties. Comme le rendement social d’une
invention est supérieur à celui privé, l’Etat doit investir
beaucoup en recherche, et en éducation. L’individu doit être incité
à réaliser des études afin que cela qui profite ainsi qu’à
toute la société. Dans les pays développés, ces
investissements ont une part importante. Par exemple, en France, l’Etat réalise
49% des investissements en recherche et développement.
Nous avons donc pu constater que les courants classiques et néoclassiques
contenaient des éléments d’explication des traits des économies
des pays développés. Néanmoins, nous allons tenter de montrer
que ces courants n’expliquent pas tout et se sont parfois trompés.
Tout d’abord, nous aborderons les pensées qui ne se sont pas révélées
efficaces pour expliquer les traits des économies de ces pays.
En effet, les économistes classiques pessimistes, notamment Ricardo et
Malthus, avaient prévu des rendements décroissants dans l’agriculture
ce qui aurait débouché sur des crises car la population, selon
Malthus, devait augmenter à un rythme géométrique. Aussi
selon Ricardo, la logique aurait voulu que l’on assiste à un état
stationnaire, une stagnation économique. En effet, pour lui, une augmentation
du profit aurait entraîné une hausse de la demande de travail et
donc une hausse de la population, la conjoncture s’améliorant. Alors,
de nouvelles terres moins fertiles seraient utilisées du fait des rendements
décroissants. On aurait donc vu augmenter le prix du grain en raison
de la hausse des coûts de production. Le salaire des ouvriers, dépendant
du prix du grain, augmenterait ainsi que la rente. La rente est le loyer de
la terre en quelque sorte, et dépend de la différence entre la
quantité produite sur la terre la plus fertile et celle marginale. Le
revenu national étant constitué des salaires, des rentes, et des
profits, cette double hausse causerait une diminution de la part des profits,
donc une moindre épargne et un moindre investissement. On aboutirait
donc à l’état stationnaire. Tout ceci ne s’est pas produit, deux
des postulats de Malthus et de Ricardo sont faux. Malthus fait abstraction de
la notion de transition démographique. Aussi du fait du progrès
technique et de l’ouverture internationale, les rendements décroissants
n’ont pas eu lieu.
Une autre explication ne convient pas non plus au cas des pays développés
depuis la deuxième guerre mondiale. En effet, Smith réclamait
un Etat qui se contentait de mettre en application ses fonctions régaliennes
: la défense, la justice, la police et l’entretien d’ouvrages publics
qui ne serait pas rentable pour l’initiative privée. L’Etat peut, selon
Smith, se contenter de ce rôle grâce au mécanisme de la main
invisible qui incite l’individu, en cherchant à satisfaire son intérêt
personnel, à satisfaire l’intérêt général
sans que cela se rentre dans ses intentions. Or dans les pays développés,
les politiques d’après-guerre furent souvent d’inspiration keynésienne.
Le Japon reste toujours caractérisé par ce type de politique.
La forte croissance d’après-guerre se fit grâce à une forte
intervention en France : planification indicative et nationalisation en France,
contrôle des prix, des salaires et de la concurrence aux Etats-Unis, vaste
secteur public en Allemagne sont des facteurs parmi tant d’autres qui ont permis
la croissance.
On peut également constater qu’une part de l’évolution
de ces pays reste inexpliquée par les courants de pensée.
En effet, devant le recul de l’Etat des économies de ces pays développés,
on assiste à une libéralisation des économies. Paradoxalement
à ce qui devrait se produire selon les néoclassiques, le chômage
est présent dans les pays développés, en France et en Allemagne
notamment. Or l’emploi devrait s’ajuster grâce à une flexibilité
des salaires. Comment, dans ces conditions, expliquer ce phénomène
si on se réfère aux penseurs néoclassiques ? Le phénomène
décrit dans la célèbre phrase d’Helmut Schmidt, ancien
chancelier allemand, " les profits d’aujourd’hui sont les investissements
de demain, et les emplois d’après-demain ", devrait se réaliser,
profits et investissements ayant été réalisés.
De plus, les études économétriques réalisées
révèlent une part de facteurs inexpliquée de la croissance.
On supporte que cette part provient en partie du progrès technique mais
une partie reste mystérieuse, ce qui fait que tous les traits des économies
développées ne sont pas expliqués.
Nous avons donc pu remarquer qu’une partie des traits des économies développées
pouvaient être expliqués par les courants classiques et néoclassiques.
En effet, l’internationalisation des échanges, le rôle de l’investissement,
la recherche de la productivité, et la politique sociale de répartition
sont des caractéristiques de ces pays et sont justifiés par les
économistes classiques. Les théoriciens de la croissance endogène
montrent l’importance du progrès technique dans ces pays, la convergence
de ces derniers vers un même stade, et le rôle de l’Etat. Cependant,
les rendements décroissants, l’Etat stationnaire ne se sont pas produits
et l’Etat ne s’est pas contenté d’utiliser ses fonctions régaliennes.
Donc on ne peut conclure que ces courants de pensée permettent d’expliquer
totalement les traits des économies de ces pays.
Les politiques économiques de ces pays ont été une succession
de politique libérale et keynésienne, ainsi un seul de ces deux
courants de pensée ne pouvait expliquer les caractéristiques de
telles économies. Aussi, on peut se demander si la succession de ces
deux types de politiques continuera.