Y a-t-il un modèle français de croissance depuis 1945 ?

Bonnes Copies

Bonne Copie de l’IPESUP de Paris. Cette copie a été notée 12/20. Le commentaire du professeur est : Assez bonne démarche de démonstration, mais il vous faut absolument développer certains passages. Développez notamment le volet social et celui des spécialisations économiques françaises.

Bonne copie du lycée : 75 - Paris - IPESUP

Cette copie a été notée : 12 / 20

Commentaire du professeur : Assez bonne démarche de démonstration, mais il vous faut absolument développer certains passages. Développez notamment le volet social et celui des spécialisations économiques françaises.


Untitled Document Un modèle français de croissance correspond à un certain nombre de caractéristiques, définissant la croissance d’un pays, et dont s’inspirent d’autres pays car ces caractéristiques auraient permis d’établir une croissance soutenue et durable. Depuis 1945, la France semble avoir toujours voulu affirmer un modèle de croissance. Cependant, il est moins évident de savoir si ce modèle a inspiré d’autres pays ou si au contraire son manque d’efficacité l’aurait condamné à se diluer dans un modèle de croissance européen voire mondial.
En d’autres termes, la France a-t-elle su affirmer un modèle de croissance depuis 1945 ou est-elle condamnée à se soumettre aux règles de la mondialisation ?
Tout d’abord, la France a toujours eu une volonté manifeste de mettre en place son propre modèle de croissance depuis 1945 (I). Pourtant, son influence semble s’estomper face à l’importance grandissante des modèles de croissance anglo-saxon et rhénan à l’échelle européenne (II). Enfin, face aux enjeux économiques de la mondialisation, la France peut-elle encore affirmer un modèle de croissance ? (III)



A la fin de la seconde guerre mondiale, la France a deux objectifs qui sont les sources de son modèle de croissance : relancer son économie et reconstruire les infrastructures détruites par la guerre. Le rôle de l’Etat y est prédominant. Malgré des aides massives américaines avec le Plan Marshall (1947), la France se veut protectionniste et cherche à rétablir sa croissance à l’intérieur de son empire colonial et d’une zone comprenant six pays européens. Grâce à l’importance de son empire colonial, elle espère ainsi développer sa croissance autour de cette zone. La volonté d’une collaboration européenne s’explique par deux facteurs géopolitiques : maîtriser l’économie allemande contre toute dérive militaire et se protéger contre la menace communiste. Les origines d’un modèle de croissance français se retrouvent enfin dans une volonté d’émancipation vis-à-vis des Etats-Unis qui se caractérise par l’attitude gaullienne. Elle constitue d’ailleurs une des explications de la volonté française d’une collaboration européenne.
L’interventionnisme étatique est l’une des principales caractéristiques de ce modèle de croissance. La planification indicative souhaitait organiser les systèmes de production, leur donner des objectifs et améliorer leur productivité. La politique économique française a été très protectionniste jusqu’en 1959 (contingentement, tarifs douaniers élevés) ce qui, dans une certaine mesure, n’était pas le cas de l’Angleterre ni de la République Fédérale d’Allemagne.
La collaboration européenne prend forme dès 1951 avec la CECA (Communauté Economique du Charbon et de l’Acier). Par cette coopération, la France a voulu notamment maîtriser la concurrence venant des autres pays (Coke de la Ruhr). Cette volonté de renforcer sa collaboration se réalise avec les Traités de Rome de 1957, permettant ainsi à la France de mieux se protéger de la concurrence internationale et d’améliorer ses échanges avec les cinq autres pays membres de la CEE (Communauté Economique Européenne). Cette volonté d’établir une zone d’échanges était principalement française car les institutions s’inspirent du système étatique français. La France espère ainsi pouvoir asseoir son influence sur cette zone d’échanges. L’intervention étatique a permis de relancer de manière efficace l’industrie et l’agriculture françaises qui avaient pourtant perdu de nombreuses parts de marché suite à la seconde guerre mondiale. L’agriculture a pu se relancer grâce à des systèmes d’aides lui permettant de se moderniser (deuxième révolution agricole). L’industrie a pu considérablement améliorer sa productivité (+20% entre 1950 et 1970) grâce à une intervention étatique forte (aides aux agriculteurs, pression sur la Communauté Européenne) et une modernisation voulue.
Ces performances se retrouvent dans la croissance des trentes glorieuses (1945 à 1973) où la croissance française est très soutenue (+5% par an en moyenne) et ses performances, notamment au niveau industriel, sont meilleures que celles de ses pays voisins. Ce modèle de croissance français semble être alors un succès car il lui permet d’avoir une grande influence sur la CEE. Cette influence se révèle lorsqu’elle bloque complètement les institutions en pratiquant la politique de la chaise vide en 1965. De plus, le succès de la CEE semble s’affirmer avec la volonté de nouveaux pays d’en faire partie dès la fin des années 60 (Irlande, Danemark, Norvège, Angleterre) mais aussi à la fin des années 70 (Grèce). Pourtant, le manque d’efficacité de ce modèle de croissance français va lui faire perdre son influence notamment avec la crise de 1973.



Au milieu des années 60, le modèle de croissance français semble à son apogée (une croissance soutenue, un chômage réduit, une inflation qui se stabilise). Pourtant, pour parler de modèle, il est nécessaire que d’autres pays s’inspirent de celui-ci. Dans la zone franc (zone d’échange entre la France et son empire colonial), même si de nombreux pays (Côte d’Ivoire, DOM) s’inspirent de ce modèle de croissance, les échanges, à l’intérieur de cette zone, sont faibles et se réduisent (moins de 5% des exportations et des importations françaises). Cet échec s’explique par une décolonisation plus subie que voulue mais aussi par des échanges qui ne favorisaient pas l’essor de ces pays en voie de développement. Dans la CEE, les échanges ne se renforcent pas dans les années 70 car l’Europe traverse une période de crise identitaire. Celle-ci provoque la remise en cause de certains secteurs industriels (sidérurgie, textile) mais aussi montre le manque d’efficacité du système monétaire européen. L’entrée de l’Angleterre en 1973 dans la CEE change la donne car le modèle anglo-saxon va s’imposer dès les années 80. Par conséquent, la France perd une part de son influence.
Le modèle de croissance anglo-saxon se définit principalement par la recherche du profit à court terme et la volonté pour ses entreprises d’acquérir une taille critique et ainsi d’avoir une dimension internationale. Le modèle rhénan va lui aussi s’imposer à l’échelle européenne. Ce modèle est fondé sur une industrie prédominante et des infrastructures importantes. Cette influence s’explique par la contribution nette très importante de l’Allemagne dans le budget européen. L’influence de ces deux modèles de croissance va alors se révéler sur l’économie européenne et française. Dès les années 70, les grandes entreprises françaises vont fusionner car elles veulent acquérir une dimension européenne pour faire face à la concurrence. C’est le cas de Saint-Gobain qui fusionne avec Pont-à-Mousson.
Les capitaux étrangers vont prendre une part de plus en plus importante dans l’économie française. La France s’y soumet et favorise l’arrivée des capitaux étrangers. La libération de la place de Paris (1984-1985) avec la création du Monep et de la Matif permet à la Bourse de Paris d’acquérir une dimension européenne. Les capitaux étrangers représentent déjà plus de 25% des capitaux circulant à la Bourse (Ils sont de 40% aujourd’hui). Les Investissements Directs à l’Etranger (IDE) augmentent fortement faisant ainsi de la France le deuxième pays récepteur d’IDE au Monde. Cette entrée des capitaux était voulue par la France car elle souhaitait reconvertit des zones industrielles en friche. Elle réalise des politiques incitatrices (zones de reconversion de Madame Cresson en 1984, zones d’entreprise de Mr. Madelin en 1986). Cette volonté d’ouverture vers l’extérieur marque-t-elle alors la fin d’un modèle de croissance français ?


Il faut d’abord rappeler que l’idée de modèle ne semble pas s’appliquer au niveau économique. De nombreux modèles, tels que le modèle japonais, même s’ils se sont révélés efficaces à une certaine période et ont inspirés certains pays, se sont révélés être des échecs pour d’autres pays car ils ne prennent pas en compte la particularité de chaque pays. Pourtant, si la France veut asseoir encore une certaine influence au niveau économique, elle doit modifier certaine de ses institutions. Même si son modèle de croissance se dilue dans le modèle européen, elle reste influente dans de nombreux domaines notamment en Europe : la Politique Agricole Commune, les transports). Même si elle a du se conformer aux critères de Maastricht, d’inspiration libéraliste, la France peut toujours imposer une volonté de légiférer le social en Europe, ce qu’elle fait déjà dans son propre pays.
Face à l’enjeu de l’élargissement de l’Europe à 27 pays d’ici 15 ans, voire 40 pays d’ici 25 ans, la France doit modifier les institutions inadaptées pour autant de pays si elle veut influer sur la politique économique européenne. Dans le cas contraire, le risque de nombreux bouleversements géopolitiques semble inéluctable permettant alors l’avènement des modèles rhénan et anglo-saxon. D’un côté, l’Europe de l’Est établirait une zone d’échange avec l’Allemagne et de l’autre L’Europe du Nord avec l’Angleterre.
C’est dans l’influence économique de l’Europe que la France peut réaffirmer son modèle de croissance face à la mondialisation imposant un modèle anglo-saxon recherchant le profit à court terme et une rationalisation des coûts de production. Cette influence économique de l’Europe passe par une harmonisation des lois de tous les Etats-membres permettant ainsi une intégration encore inachevée. C’est surtout le cas pour les pays d’Europe du Nord et de l’Est comme le rappelle le rapport Attali.


Au regard des évolutions économiques de la France depuis 1945, un modèle français de croissance s’affirme grâce à une croissance soutenue durant les 30 Glorieuses. Pourtant, il ne s’agit que d’un modèle car peu de pays s’en inspireront et il ne peut s’appliquer à un pays de manière efficace. Enfin, face au contexte de mondialisation, la volonté d’imposer une idée française de la croissance passe par la réussi te de l’Europe malgré une influence très prononcée des modèles de croissance rhénan et anglo-saxon.