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Un modèle français de croissance correspond 
à un certain nombre de caractéristiques, définissant la croissance 
d’un pays, et dont s’inspirent d’autres pays car ces caractéristiques auraient 
permis d’établir une croissance soutenue et durable. Depuis 1945, la France 
semble avoir toujours voulu affirmer un modèle de croissance. Cependant, 
il est moins évident de savoir si ce modèle a inspiré d’autres 
pays ou si au contraire son manque d’efficacité l’aurait condamné 
à se diluer dans un modèle de croissance européen voire mondial.
En d’autres termes, la France a-t-elle su affirmer un modèle de croissance 
depuis 1945 ou est-elle condamnée à se soumettre aux règles 
de la mondialisation ?
Tout d’abord, la France a toujours eu une volonté manifeste de mettre en 
place son propre modèle de croissance depuis 1945 (I). Pourtant, son influence 
semble s’estomper face à l’importance grandissante des modèles de 
croissance anglo-saxon et rhénan à l’échelle européenne 
(II). Enfin, face aux enjeux économiques de la mondialisation, la France 
peut-elle encore affirmer un modèle de croissance ? (III)  
  
  A la fin de la seconde guerre mondiale, la France a deux objectifs qui sont 
  les sources de son modèle de croissance : relancer son économie 
  et reconstruire les infrastructures détruites par la guerre. Le rôle 
  de l’Etat y est prédominant. Malgré des aides massives américaines 
  avec le Plan Marshall (1947), la France se veut protectionniste et cherche à 
  rétablir sa croissance à l’intérieur de son empire colonial 
  et d’une zone comprenant six pays européens. Grâce à l’importance 
  de son empire colonial, elle espère ainsi développer sa croissance 
  autour de cette zone. La volonté d’une collaboration européenne 
  s’explique par deux facteurs géopolitiques : maîtriser l’économie 
  allemande contre toute dérive militaire et se protéger contre 
  la menace communiste. Les origines d’un modèle de croissance français 
  se retrouvent enfin dans une volonté d’émancipation vis-à-vis 
  des Etats-Unis qui se caractérise par l’attitude gaullienne. Elle constitue 
  d’ailleurs une des explications de la volonté française d’une 
  collaboration européenne.
  L’interventionnisme étatique est l’une des principales caractéristiques 
  de ce modèle de croissance. La planification indicative souhaitait organiser 
  les systèmes de production, leur donner des objectifs et améliorer 
  leur productivité. La politique économique française a 
  été très protectionniste jusqu’en 1959 (contingentement, 
  tarifs douaniers élevés) ce qui, dans une certaine mesure, n’était 
  pas le cas de l’Angleterre ni de la République Fédérale 
  d’Allemagne.
  La collaboration européenne prend forme dès 1951 avec la CECA 
  (Communauté Economique du Charbon et de l’Acier). Par cette coopération, 
  la France a voulu notamment maîtriser la concurrence venant des autres 
  pays (Coke de la Ruhr). Cette volonté de renforcer sa collaboration se 
  réalise avec les Traités de Rome de 1957, permettant ainsi à 
  la France de mieux se protéger de la concurrence internationale et d’améliorer 
  ses échanges avec les cinq autres pays membres de la CEE (Communauté 
  Economique Européenne). Cette volonté d’établir une zone 
  d’échanges était principalement française car les institutions 
  s’inspirent du système étatique français. La France espère 
  ainsi pouvoir asseoir son influence sur cette zone d’échanges. L’intervention 
  étatique a permis de relancer de manière efficace l’industrie 
  et l’agriculture françaises qui avaient pourtant perdu de nombreuses 
  parts de marché suite à la seconde guerre mondiale. L’agriculture 
  a pu se relancer grâce à des systèmes d’aides lui permettant 
  de se moderniser (deuxième révolution agricole). L’industrie a 
  pu considérablement améliorer sa productivité (+20% entre 
  1950 et 1970) grâce à une intervention étatique forte (aides 
  aux agriculteurs, pression sur la Communauté Européenne) et une 
  modernisation voulue. 
  Ces performances se retrouvent dans la croissance des trentes glorieuses (1945 
  à 1973) où la croissance française est très soutenue 
  (+5% par an en moyenne) et ses performances, notamment au niveau industriel, 
  sont meilleures que celles de ses pays voisins. Ce modèle de croissance 
  français semble être alors un succès car il lui permet d’avoir 
  une grande influence sur la CEE. Cette influence se révèle lorsqu’elle 
  bloque complètement les institutions en pratiquant la politique de la 
  chaise vide en 1965. De plus, le succès de la CEE semble s’affirmer avec 
  la volonté de nouveaux pays d’en faire partie dès la fin des années 
  60 (Irlande, Danemark, Norvège, Angleterre) mais aussi à la fin 
  des années 70 (Grèce). Pourtant, le manque d’efficacité 
  de ce modèle de croissance français va lui faire perdre son influence 
  notamment avec la crise de 1973.
  
  Au milieu des années 60, le modèle de croissance français 
  semble à son apogée (une croissance soutenue, un chômage 
  réduit, une inflation qui se stabilise). Pourtant, pour parler de modèle, 
  il est nécessaire que d’autres pays s’inspirent de celui-ci. Dans la 
  zone franc (zone d’échange entre la France et son empire colonial), même 
  si de nombreux pays (Côte d’Ivoire, DOM) s’inspirent de ce modèle 
  de croissance, les échanges, à l’intérieur de cette zone, 
  sont faibles et se réduisent (moins de 5% des exportations et des importations 
  françaises). Cet échec s’explique par une décolonisation 
  plus subie que voulue mais aussi par des échanges qui ne favorisaient 
  pas l’essor de ces pays en voie de développement. Dans la CEE, les échanges 
  ne se renforcent pas dans les années 70 car l’Europe traverse une période 
  de crise identitaire. Celle-ci provoque la remise en cause de certains secteurs 
  industriels (sidérurgie, textile) mais aussi montre le manque d’efficacité 
  du système monétaire européen. L’entrée de l’Angleterre 
  en 1973 dans la CEE change la donne car le modèle anglo-saxon va s’imposer 
  dès les années 80. Par conséquent, la France perd une part 
  de son influence. 
  Le modèle de croissance anglo-saxon se définit principalement 
  par la recherche du profit à court terme et la volonté pour ses 
  entreprises d’acquérir une taille critique et ainsi d’avoir une dimension 
  internationale. Le modèle rhénan va lui aussi s’imposer à 
  l’échelle européenne. Ce modèle est fondé sur une 
  industrie prédominante et des infrastructures importantes. Cette influence 
  s’explique par la contribution nette très importante de l’Allemagne dans 
  le budget européen. L’influence de ces deux modèles de croissance 
  va alors se révéler sur l’économie européenne et 
  française. Dès les années 70, les grandes entreprises françaises 
  vont fusionner car elles veulent acquérir une dimension européenne 
  pour faire face à la concurrence. C’est le cas de Saint-Gobain qui fusionne 
  avec Pont-à-Mousson.
  Les capitaux étrangers vont prendre une part de plus en plus importante 
  dans l’économie française. La France s’y soumet et favorise l’arrivée 
  des capitaux étrangers. La libération de la place de Paris (1984-1985) 
  avec la création du Monep et de la Matif permet à la Bourse de 
  Paris d’acquérir une dimension européenne. Les capitaux étrangers 
  représentent déjà plus de 25% des capitaux circulant à 
  la Bourse (Ils sont de 40% aujourd’hui). Les Investissements Directs à 
  l’Etranger (IDE) augmentent fortement faisant ainsi de la France le deuxième 
  pays récepteur d’IDE au Monde. Cette entrée des capitaux était 
  voulue par la France car elle souhaitait reconvertit des zones industrielles 
  en friche. Elle réalise des politiques incitatrices (zones de reconversion 
  de Madame Cresson en 1984, zones d’entreprise de Mr. Madelin en 1986). Cette 
  volonté d’ouverture vers l’extérieur marque-t-elle alors la fin 
  d’un modèle de croissance français ?
  Il faut d’abord rappeler que l’idée de modèle ne semble pas s’appliquer 
  au niveau économique. De nombreux modèles, tels que le modèle 
  japonais, même s’ils se sont révélés efficaces à 
  une certaine période et ont inspirés certains pays, se sont révélés 
  être des échecs pour d’autres pays car ils ne prennent pas en compte 
  la particularité de chaque pays. Pourtant, si la France veut asseoir 
  encore une certaine influence au niveau économique, elle doit modifier 
  certaine de ses institutions. Même si son modèle de croissance 
  se dilue dans le modèle européen, elle reste influente dans de 
  nombreux domaines notamment en Europe : la Politique Agricole Commune, les transports). 
  Même si elle a du se conformer aux critères de Maastricht, d’inspiration 
  libéraliste, la France peut toujours imposer une volonté de légiférer 
  le social en Europe, ce qu’elle fait déjà dans son propre pays. 
  
  Face à l’enjeu de l’élargissement de l’Europe à 27 pays 
  d’ici 15 ans, voire 40 pays d’ici 25 ans, la France doit modifier les institutions 
  inadaptées pour autant de pays si elle veut influer sur la politique 
  économique européenne. Dans le cas contraire, le risque de nombreux 
  bouleversements géopolitiques semble inéluctable permettant alors 
  l’avènement des modèles rhénan et anglo-saxon. D’un côté, 
  l’Europe de l’Est établirait une zone d’échange avec l’Allemagne 
  et de l’autre L’Europe du Nord avec l’Angleterre.
  C’est dans l’influence économique de l’Europe que la France peut réaffirmer 
  son modèle de croissance face à la mondialisation imposant un 
  modèle anglo-saxon recherchant le profit à court terme et une 
  rationalisation des coûts de production. Cette influence économique 
  de l’Europe passe par une harmonisation des lois de tous les Etats-membres permettant 
  ainsi une intégration encore inachevée. C’est surtout le cas pour 
  les pays d’Europe du Nord et de l’Est comme le rappelle le rapport Attali.
  Au regard des évolutions économiques de la France depuis 1945, 
  un modèle français de croissance s’affirme grâce à 
  une croissance soutenue durant les 30 Glorieuses. Pourtant, il ne s’agit que 
  d’un modèle car peu de pays s’en inspireront et il ne peut s’appliquer 
  à un pays de manière efficace. Enfin, face au contexte de mondialisation, 
  la volonté d’imposer une idée française de la croissance 
  passe par la réussi te de l’Europe malgré une influence très 
  prononcée des modèles de croissance rhénan et anglo-saxon.