A la lumière des différentes expériences nationalistes peut-on dire que l’Etat providence est encore en crise ?

Bonnes Copies

Bonne copie de l’Institut Notre-Dame de Sainte-Croix à Neuilly sur Seine. Cette copie a été notée 13/20.

Bonne copie du lycée : 92 - Neuilly sur Seine - N-D. de Sainte-Croix

Cette copie a été notée : 13 / 20


Untitled Document Selon Alain Minc (La mondialisation heureuse 1997), on assiste à la "faillite de l’Etat providence" car on est encore aujourd’hui confronté au choix entre un "Etat restreint et plus efficace" et un Etat appauvri et étendu". En effet, la crise de cet Etat inséré dans l’économie pour équilibrer justice sociale et efficacité économique, apparue avec la vague libérale des années 1980, semble encore d’actualité. Pourtant la relative importance de l’Etat dans les pays développés semble atténuer l’idée d’une réelle remise en cause actuelle puisque l’on estime en France que l’Etat est à 45% un Etat providence face aux 25% d’un Etat régalien et 30% d’un Etat partisan.
L’Etat Providence connaît-il dès lors une crise prolongée depuis la décennie 1980 dans les pays développés ?
Nous examinerons tout d’abord les aspects qui tendent à prouver que l’Etat providence est en crise. puis nous nous intéresserons aux points qui atténuent la vision d’une crise encore actuelle.


La notion d’Etat providence est souvent rapprochée de celle du Welfare State de Beveridge prôné par celui-ci en 1942 et qui consistait à continuer en temps de paix l’intervention de l’Etat pendant la guerre en rejetant l’idée d’une orthodoxie budgétaire et d’une compression des dépenses publiques pour favoriser la planification afin de satisfaire le besoin en biens collectifs (Du travail pour tous dans une société libre 1944). C’est ainsi qu’en FRANCE on a connu des planifications indicatives, souples de 1946 à 1970. De même, les gains sociaux se sont multipliés pour équilibrer égalité sociale et performance économique : ainsi en France on voit apparaître la Sécurité Sociale en 1945, les salaires minimums le SMIG en 1950 et le SMIC 1970 et les différentes allocations.
Cette intervention de l’Etat s’est accompagnée de politiques keynésiennes si bien que l’on confond souvent les deux. La légitimité de l’Etat fonctionne alors sur la croissance et le plein-emploi. Mais la crise des années 1970 va remettre en cause les politiques keynésiennes, qui restent inefficace face à la montée du chômage, de la perte de vitesse de la croissance. Il y a dès lors selon Rosanvallon (La crise de l’Etat providence 1981) trois remises en cause majeures :
-une crise due à la perte de légitimité puisque le contrat social avec l’Etat reposait sur l’emploi et le dynamisme économique et que l’on assiste à l’effondrement des quatre côtés du carré magique de Kaldor (emploi, inflation, équilibre extérieur, croissance)
-une crise due à une crise de solidarité du fait de la trop forte ponction sur les revenus que représentent les diverses cotisations nécessaires aux allocations reversées pour le chômage ou la santé
-une crise due à la perte de l’équation keynésienne : faible chômage et forte inflation avec l’apparition de la stagflation. Ces remises en cause de l’Etat providence vont provoquer le retour du courant libéral prônant la baisse de l’intervention de l’Etat. Pour eux, comme pour Keynes le taux élevé des prélèvements obligatoires freine l’emploi. En effet, Keynes avait dit que si les taux de prélèvement obligatoire dépassait les 25% alors le capitalisme serait fondamentalement remis en cause, or il avoisine les 36% en GB, 41% en ALL, 32% aux USA et 38.7% en France en 1977. Ce point signale que la crise est encore actuelle puisqu’il est encore en France de 45.5% en 1997. Les charges patronales sont encore aujourd’hui évoquées comme frein à l’emploi. De plus, les libéraux tels Hayeck décrient la trop forte intervention que nécessite l’Etat providence car les investissements publics représentent un frein à l’investissement privé (on parle d’effet d’éviction) si bien que la hausse des coûts signifient des tensions inflationnistes. Cette forte intervention reste problématique pour les libéraux : de ce point de vu l’Etat providence reste en crise car toujours contesté pour son poids : en effet l’intervention de l’Etat dans le revenu national représente en France en 1974-1980 40.4% et 46.5% en 1988, en ALL 42.2% et 42.6% enfin aux USA 32.6% et 34.2%. On n’assiste donc pas à une baisse de l’intervention de l’Etat dans ces pays. De plus, pour les libéraux l’Etat providence s’accompagne de rigidités freinant la croissance ainsi les salaires indexés sur l’inflation. La croissance de la dette publique constitue également un aspect de cette crise et reste encore aujourd’hui difficile à résorber. En effet, l’Etat connaît des problèmes de financement des allocations qu’il verse ce qui se répercute sur les charges. pour le chômage la hausse des demandes d’allocations se confronte à la baisse des personnes cotisant pourtant de plus en plus. De même pou la santé, il y a un effet ciseau entre les rentrées et les sorties d’argent si bien qu’en 1991 est créée la CSG : ce problème reste donc bien d’actualité. Enfin pour le courant libéral, l’Etat doit se borner à ses fonctions régaliennes et rester limiter le plus possible pourtant, l’Etat providence d’aujourd’hui reste un Etat entrepreneur conservant des monopoles tels que les GEN (Grandes Entreprises Nationales : La Poste, EDF-GDF, SNCF, …) l’Etat n’est donc pas toujours le garant de la concurrence sur les marchés. Par ailleurs, selon la vue marxiste de l’Etat providence actuellement celui-ci reste en crise car il représente "la béquille du capitalisme" par le biais de subventions et reste au service de la classe dominante alors que selon Sismondi il doit être protecteur des plus faibles. Les monopoles comme les GEN restent le symbole des accords entre Etat et patrons. De plus, pour Kalecki il existe des cycles politiques représentant les politiques comme des individus intéressés par leurs objectifs personnels faisant ainsi leur choix de politique dans un but purement électoral or aujourd’hui la classe politique de cet Etat providence reste toujours fortement accusé d’opportunisme d’où un désintéressement aux affaires politiques. De plu, l’approche du Public Choice représente l’Etat comme un individu recherchant sa propre maximisation de ses intérêts, cette remise en cause ne pourra s’éteindre que lorsque l’Etat aura subit une déréglementation puisque les règles en place ont été instituées en faveur des groupes de pression. L’Etat providence reste ainsi la proie aux intérêts de ses dirigeants selon Buchanan et Tullock (Les limites de la liberté 1992).
La crise s’est donc marquée par une levée des contestations contre un Etat trop fort et pesant venant évidemment des libéraux mais aussi concernant l’organisme d’Etat lui-même et son fonctionnement pour les socialistes et l’école du Public Choice. Pourtant l’Etat providence reste-t-il en crise ?


Malgré cette crise de légitimité, l’Etat important conserve un rôle à jouer. Selon P. Delmas (Le maître des horloges 1991) l’Etat a trouvé sa place en convergeant avec le marché : deux modèles sont en place : le modèle libéral de droite (USA, GB) avec une faible protection sociale proche du libéralisme pure, et le libéralisme de gauche tel l’ordo libéralisme allemand. En effet, à la lumière des différentes expériences nationales on peut dire que la notion même de crise de l’Etat providence est à nuancer. L’ordo libéralisme allemand se définit comme un Etat peu interventionniste sans nationalisations, sans contrôle des prix ni d’encadrement du crédit. Par contre, par tradition depuis Bismark, l’Etat s’attache à garantir un bien-être social ne freinant en rien ses performances économiques puisque l’ALL représente aujourd’hui le modèle européen. L’Etat organise le libéralisme pour limiter les inégalités mais assurer une flexibilité nécessaire à la croissance. Par ailleurs, la GB, qui a connu un revers important avec Mme Thatcher dans les années 1990, a limité la durée de la crise du fait de sa tradition libérale : il y a eu une baisse des impôts, une baisse de l’intervention et une remise en cause du pouvoir des syndicats. Les USA ont connu ce même revirement vers un recentrage des activités de l’Etat resté toujours très libéral, fondé sur la liberté individuelle. Le cas de la France traditionnellement Etat providence ne semble plus vraiment en crise car au sens des libéraux sa fonction d’entrepreneur a été fortement diminuée avec des privatisations en 1986/93/94/95 et avec la part de l’emploi public dans le salariat, qui passe de 16% en 1982 à 7.7% en 1994. D’une manière générale, les pays européens ne sont plus vraiment en crise puisque la convergence pour l’entrée dans l’UE a nécessité une certaine orthodoxie budgétaire réussie. De plus, aujourd’hui on peut parler d’un mieux d’Etat contredisant l’idée d’un Etat providence encore en crise. Avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), l’Etat se rapproche du consommateur : en effet on peut trouver les sites Internet des différents ministères, l’Etat devient plus transparent avec le site en France de l’INSEE donnant des éléments chiffrés. Avec les comptabilités nationales, l’Etat peut cibler ses interventions et contrairement aux années 1950/60 ses mesures sont moins amples. L’Etat d’aujourd’hui travaille aussi pour le marché avec des mesures de l’aide aux start-up par exemple. De plus, la critique formulée par Ossen sur le pouvoir des lobbies doit être nuancé en France car ils sont interdits mais le rôle des syndicats y a comme en GB fortement diminué libérant un peu de pression pour les dirigeants dans leur décision. Par ailleurs, la décentralisation est engagée pour laisser plus de pouvoir aux collectivités locales et la France pays des associations semble engager la marche vers une automatisation de la solidarité selon Rosanvallon. La remise en cause de l’Etat providence semble s’être apaisé en différenciant les causes de ses excès ainsi Brender dans L’impératif de solidarité prône le retour à l’Etat providence et non à l’Etat entrepreneur. Il paraît effectivement logique que face à l’augmentation du niveau de vie, l’Etat connaisse une croissance afin de répondre aux besoins culturels tels l’éducation rôle légitimé par toutes les théories. De même, la loi Wagner justifie la montée des dépenses régaliennes par la montée des tensions liées au développement de la société. La crise de l’Etat providence a donc été une crise de recentrage de son activité dont la reconversion est actuelle.


Si la crise des années 1980 par le tournant libéral a clairement remis en cause l’Etat providence, certains aspects de cette crise n’ont été résolus selon les pays et leurs traditions. Pourtant, l’Etat a bien évolué en ayant une reconversion vers ses activités propres mais la crise de légitimité semblait s’effacer. Cette prise de conscience du besoin de modernisation en étant plus proche de l’usager est toujours actuel aussi Mr Chirac dans une interview télévisé du 05/08/2000 a-t-il confirmé le besoin d’un plus grand pouvoir donné aux collectivités. Cette redéfinition du cadre étatique vers un mieux d’Etat semble converger avec la mondialisation dépassant le seul cadre national.