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Surnommées les "trente piteuses", ces dernières
années ont été marquées par une crise profonde provoquant
chômage, inflation et recherche exacerbée des gains de productivité.
Ainsi la répartition, c’est-à-dire le partage des bénéfices
entre les différents acteurs tels qu’entre les salariés et les capitalistes,
a évalué par rapport à celle de la période de forte
précédente où la prospérité la facilitait.
Les analyses théoriques aussi bien micro que macro-économiques divergent
quant au choix de distribution des revenus.
Ces théories ont-elles été appliqué ces trente dernières
années pour répartir les revenus dégagés par les entreprises
et l’Etat en France ?
D’un point de vu macro-économique, théories et empirisme se confrontent.
Concernant les entreprises nous examinons les faits face aux théories.
La répartition, qui consiste à partager les excédents sous
forme de revenus, concerne l’Etat. En effet, pendant les années 1970
l’Etat va jouer un rôle important et croissant pour contrebalancer les
effets de la crise. L’Etat en tant qu’allocateur de ressources va donc devoir
répartir au mieux les revenus. D’ores et déjà on peut noter
que les théories classiques ou néoclassiques ne peuvent expliquer
ce rôle important jouer par l’Etat. Effectivement, les théories
classiques donnent un statut minimal au niveau macro-économique : il
s’agit surtout de garantir la concurrence et la sécurité. Or distribuer
des revenus n’est pas un acte économiquement souhaitable pour un Etat
du point de vu classique car l’intervention de l’Etat est considérée
comme néfaste pour le marché qui doit s’autoréguler. Ainsi
en ce qui concerne les analyses libérales l’évolution de la distribution
des revenus, qui est devenue quantitativement croissante pour l’Etat, n’est
nullement justifiée, au contraire.
De plus, l’Etat qui se finance par des prélèvements obligatoires
croissants depuis le début des années 1970 pour s’élever
aujourd’hui à environ 45%, distribue des revenus également en
forte hausse tout au long de la crise et toujours aujourd’hui puisque cela correspond
à un montant de 200 milliards de francs en 1997 sous forme d’allocations
diverses. La théorie peut-elle justifier cette distribution ? Encore
une fois, l’analyse classique ne peut légitimer, c’est-à-dire
donner raison à ce rôle d’allocateur de ressource entrepris par
l’Etat en France depuis 1970. Par contre toutes sortes de mesures telles que
le salaire minimum (le SMIG puis le SMIC) imposé, le RMI (le revenu minimum
d’insertion), les allocations familiales, chômage, vieillesse ou maladie,
sont quant à elles justifier et prôner par l’approche keynésienne
conjointement aux idées de Beveridge. Ce dernier conçoit parfaitement
l’idée d’un Etat allocateur de ressources assimilée à un
système d’assistance de toute personne "du berceau à la tombe".
Ainsi l’Etat aurait une place à jouer dans l’économie autre que
celle de gendarme. L’évolution de la distribution des revenus quantitativement
croissante est désormais justifier et expliquer. L’Etat doit participer
au maintient et au développement du niveau de vie, de confort des acteurs
économiques qui seront de ce fait plus efficace dans l’activité
économique. Cette logique d’assistance, qui soutient la demande essentielle
à la reprise de la croissance d’après les idées keynésiennes,
doit depuis le début des années 1970 aider les plus défavorisés
touchés par la crise à essayer de retrouver un emploi et doit
permettre à l’économie de ne pas s’effondrer par une chute importante
de la demande. Cette idée nous amène à l’extrême
à expliquer cette croissance de la distribution des revenus accordés
par l’Etat avec l’idéologie marxiste, qui voyait dans cette institution
la "béquille du capitalisme". Cette théorie permet dans
une certaine mesure de comprendre pourquoi cette redistribution a évolué
de façon croissante et constante. En effet, dans ce contexte de crise,
l’intervention massive de l’Etat français en terme de revenu depuis 1970
trouvait son explication dans le besoin de l’Etat d’aider les acteurs économiques
à surmonter la crise (une crise du capitalisme) connue depuis le premier
choc pétrolier en 1973.
Par ailleurs on peut citer la loi Wagner qui exprime clairement le fait que
les dépenses sont sur le long terme irréversiblement croissantes,
notamment lors de crises telles celle des années 1970. Cette évolution
de la distribution de revenus de l’Etat est de plus en plus sur le long terme
tourné vers l’éducation et le social ce qui explique l’évolution
dès lors normal et dans la continuation de la répartition des
excédents, au niveau macro-économique. Enfin, par l’approche théorique
du Public Choice, Tullock explique l’évolution de la distribution des
revenus et leur répartition par l’intérêt particulier, que
favorisent les politiques dans une optique de réélection, de plus
la pression de lobbies peut expliquer l’orientation de la distribution des revenus
de l’Etat : ainsi actuellement les aides accordés aux agriculteurs français
touchés par le phénomène de la vache folle.
Finalement, d’après cet aperçu des théories l’évolution
croissante de la distribution des revenus répartis par l’Etat semble
pouvoir être expliqué mais reste contesté fortement par
les libéraux, qui ont engagé un processus de désengagement
de l’Etat.
Si l’évolution de la distribution des revenus a connu une mutation au
niveau quantitatif par la répartition de l’Etat au profit du social,
celle répartie par les entreprises semble plutôt se transformer
au niveau qualitatif c’est-à-dire au niveau de la répartition
au sein des acteurs économiques de l’entreprise : les théories
expliquent-elles ce phénomène ?
Pour une entreprise, qui dégage des excédents, il s’agit de savoir
comment répartir ceux-ci entre la main d’œuvre, les investissements,
les actionnaires et l’épargne. Les théories se sont donc intéressés
à cet aspect de l’entreprise et ont donc cherché à déterminer
la meilleure répartition possible. D’un point de vu empirique, la fin
des 1960 a été marqué par de fortes revendications sociales
(1968) pour de nombreux problèmes notamment celui de la hausse des salaires.
De plus, selon Galbraith l’organisation de l’entreprise s’apparente à
une technostructure où le prestige recherchée par les classes
dirigeantes guide implicitement la répartition des profits dégagés.
les années 1970 sont donc abordées avec une répartition
en faveur des salaires facilitée par la période de prospérité
connue avec les "30 Glorieuses" décrites par Fourastié.
De plus l’inflation galopante nécessite des réajustements fréquents
des salaires. Or la crise, qui éclate, va marquer un coup d’arrêt
à ce système de répartition. En effet, le contexte de récession
économique entraîne une période de gèle des salaires,
de course aux gains de productivité qui changent la donne en ce qui concerne
la distribution des revenus. En outre, de plus en plus la priorité est
redonnée aux actionnaires, propriétaires de l’entreprise et poussent
à la recherche de profit maximal qui doit leur revenir ensuite sous forme
de dividendes. La fin de "l’entreprise managériale" est marquée
par le retour du pouvoir de l’actionnariat qui limite la répartition
au profit des salaires, et des investissements de diversification ou de prestiges
: ils concentrent le partage sur l’investissement productif, la recherche et
développement et en dividendes. Pour conclure sur ce point, les théories,
décrivant une répartition favorisant les salaires ou les dépenses
des dirigeants pour obtenir du prestige, sont rendues obsolètes par l’impact
de la crise.
A propos des théories plus traditionnelles, ces transformations sont-elles
justifiables ? Tout d’abord, on a donc puisque les salaires étaient,
durant les années 1970 et ensuite, généralement gelés
ce qui entraîne donc une baisse de la demande effective, rend les anticipations
des entreprises négatives et bloquent enfin les investissements tout
en nécessitant de s’appliquer sur la productivité en limitant
la part accordée aux salaires. La théorie keynésienne semble
donc pouvoir expliquer ce phénomène par la faiblesse de la demande,
qui entraîne une baisse des investissements productifs. Or ceci se vérifie
en quelque sorte puisque même si la crise n’a pu être envisagé
par la relance de la demande, le mécanisme semble légitimer le
phénomène, qui a vu se développer l’auto investissement
atteignant des pics à 120% : les entreprises épargnent et donc
distribue leurs excédents en faveur de celle-ci, les salaires et les
investissements sont alors gelés.
Pourtant ce phénomène de blocage des salaires et des investissements
apparaît pour les classiques comme la contrainte majeure de cette crise
du début des années 1970 : en effet, pour les libéraux
la relance se fait par l’investissement qu’il encourager, la crise justifie
donc cette évolution vers le blocage de l’investissement, de même
que le chômage est expliquer par le blocage des prix. En effet le marché
du travail est comme tous les autres marchés : il s’autorégule
et s’équilibre lorsque le prix de l’offre et de la demande s’équilibre,
or si les salaires ne sont pas flexibles l’équilibre ne peut se réaliser
: ainsi le SMIG puis le SMIC sont perturbateurs, en contexte de crise, les classiques
expliquent ce phénomène de blocage, de gèle des prix par
la baisse des prix proposés par la demande de travail face à la
volonté de hausse de l’offreur. La répartition en défaveur
pour les salaires s’expliquent donc chez les classiques de ce point de vu. Pourtant
la théorie ricardienne de la baisse tendancielle du profit traçait
une répartition entre main d’œuvre, capitaliste et propriétaires
fonciers où la rente devenait de plus en plus importante d’où
la baisse du profit. Cette analyse apparaît obsolète aujourd’hui
et comme toutes les théories analyse le phénomène actuel
où la majorité de la répartition se fait au profit des
actionnaires et des investissements comme le préconise H. Schmidt : "les
profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emploi d’après-demain"
et où la distribution défavorable pour les salaires est contrebalancée
par le phénomène nouveau des "stock-options" qui représentent
un intéressement aux résultats par un autre biais que les salaires.
Enfin, une nouvelle fois, peut-être peut-on expliquer ce système
de répartition en faveur des actionnaires comme la continuation du processus
de vol du profit aux ouvriers par les capitalises dénigré par
Marx. Dans ce cas, l’évolution est donc expliquer mais surtout totalement
contestée.
Les théories micro et macro-économiques de la
répartition semble donc à travers les différents courants
(contestataires pourtant) expliquer ou légitimer et contester l’évolution
de la distribution des revenus par les entreprises et par l’Etat en France ces
trente dernières années. Cependant ces dernières années,
les récentes mutations du système de répartition tant au
niveau micro-économique soumis à la mondialisation et à
ses pressions (concurrence des gains de productivité, des coûts
salariaux…) qu’au niveau macro-économique soumis à la régionalisation
et ses conséquences ( UE, harmonisation,…) semblent avoir dépassées
le cadre théorique.
Dès lors, les théories doivent-elles évoluer ou est-ce
le système de répartition qui doit s’insérer de nouveau
dans le cadre théorique ?