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Au moment où se mettait en place une économie
monde fonctionnant comme un tout, sur la base de règles libérales
et d’une supranationalité toujours accrue des agents économiques,
le sous-développement était déjà une réalité
depuis plus de 25 ans. Les diverses tentatives pour en sortir avait globalement
échoué. Ces deux phénomènes majeurs du deuxième
XX siècle ont depuis été, comme la montré encore récemment
la conférence de Porto Allegre, à la base de débats souvent
passionnés sur la question du lien entre mondialisation et problème
du sous-développement. Autrement dit, la mondialisation par le type de
liens, d’échanges qu’elle instaure, est-elle à même d’orienter
dans un sens ou dans un autre le problème du sous développement
? Inadaptée aux besoins du Tiers-Monde ou à l’inverse chance pour
sortir du sous-développement, la mondialisation de fait n’est pas neutre
et se présente comme une arme à double tranchant pour les PVD, arme
dont dépend en grande partie leur évolution future.
La mondialisation met en place un système inadapté aux besoins
du Tiers-Monde.
Héritière des règles instaurées en 1947 par le GATT,
la mondialisation met en place une organisation de l’économie mondiale
élaborée par les pays industriels et dont les ficelles sont tenues
par ces derniers. Les PVD ne possèdent pas la maîtrise des organisations
de régulation telles que le FMI, la Banque Mondiale, ni la maîtrise
des marchés et des circuits d’échanges. Donc ils subissent les
règles et sont exclus de leur élaboration.
Ainsi ils se voient imposer une course à la compétitivité
dans le cadre d’une concurrence féroce. Ce système favorise donc
largement les PVD qui n’ont, ni technologies, ni capitaux, ni de main d’œuvre
compétente et qui surtout manquent d’infrastructure pour s’insérer
dans l’économie monde, notamment dans le domaine du transport. On fait
ainsi régulièrement le cas de riches de plus en plus riches et
de pauvres de plus en plus pauvres.
De plus la mondialisation met à mal les tentatives des PVD pour sortir
du sous-développement. Les tentatives d’industrialisation par substitution
d’importations se heurtent par exemple au différentiel de qualité
et de prix entre les productions nationales et celles échangées
sur le marché mondial. De même, la baisse des barrières
tarifaires qui accompagne le processus de mondialisation se fait au détriment
de la protection des industries naissantes des PVD, préalable pourtant
nécessaire à la vue des thèses du protectionnisme éducateur,
mais surtout elle rend obsolètes certains mécanismes mis en place
pour promouvoir le développement, notamment le SPG, d’autant plus que
l’Uruguay Round a globalement ramené les tarifs douaniers des pays riches
à 5%.
Enfin, les FMN, véritables icônes de la mondialisation ont trois
défauts majeurs : elles procéderaient premièrement à
un pillage des ressources des PVD et à l’exploitation d’une main d’œuvre
docile et bon marché, deuxièmement, et particulièrement
dans le cadre des zones franches, elles ne contribueraient pas à enrichir
les PVD qui les accueille dans la mesure où les capitaux sont rapatriés
vers les sièges sociaux dans les pays riches. Et enfin, l’espoir d’un
transfert de technologie se transforme souvent en désillusion, et au
contraire, l’implantation des FMN débouche sur la dualité des
structures économiques des PVD, entre un secteur moderne souvent isolé
géographiquement près des interfaces, et un secteur encore traditionnel
et souvent emprunt d’archaïsme.
A cette vision encore influencée par les thèses tiers-mondistes
s’oppose celle d’un espoir de développement grâce aux opportunités
offertes par la mondialisation.
Selon les thèses libérales, la mondialisation constitue
une opportunité pour les PVD, afin de sortir du sous-développement.
Facette importante de la mondialisation, le commerce international est présenté,
depuis Ricardo, par les analyses théoriques comme source d’enrichissement.
Ainsi les PVD, grâce à la mondialisation et son corollaire, l’essor
des échanges avec des tarifs douaniers réduits, ont tout intérêt
à se spécialiser afin de s’intégrer au mieux dans le commerce
international et bénéficier ainsi de marchés porteurs.
On peut noter ici le réel succès des NPI et des quatre dragons
en particulier, qui ont su jouer de leur avantage d’une main d’œuvre bon
marché pour s’insérer dans le DIT et remonter les filières
en réinvestissant les bénéfices. Au total ils ont réussi
à diversifier leurs exportations et à devenir essentiellement
exportateurs de produits manufacturés et peuvent s’appuyer sur des marchés
locaux maintenant convoités par les pays industriels.
En outre ces NPI ont pu profiter de l’essor des aides et de la délocalisation
des FMN qu’a entraîné la mondialisation. En effet, conjointement
aux débuts de la mondialisation et à la crise dans les pays riches
dans les années 1970, les flux d’investissement se sont réorientés
vers les PVD, créant une véritable manne pour ceux-ci. Capitaux
d’autant plus importants qu’au vue de l’analyse de Rostow du sous-développement
l’absence justement d’investissement et de capitaux est à la base de
ce " retard de développement ". En outre cette période
coïncide avec le boum des délocalisations industriels des FMN. Et
s’il est vrai que la faculté d’entraînement de ces délocalisations
sur le reste de l’économie est peu probante, il demeure ainsi que les
salaires versés aux employés restent supérieurs à
la moyenne des pays et du coup participent à l’enrichissement du marché
local, étape nécessaire à l’amélioration matérielle
des conditions de vie.
Enfin, dans le contexte d’une mondialisation propice aux accords internationaux
et à l’évolution d’acteurs économiques internationaux,
les PVD tentent de s’organiser d’une part dans le cadre d’accords entre producteurs
et d’autre part, dans le cadre d’accords régionaux. La réussite
de l’OPEP dans les années 1970, profitant de conditions extraordinaires,
a suscité l’enthousiasme, mais sa perte de vitesse depuis les années
1980 souligne l’inefficacité sur le long terme des stratégies
de cartel. D’autres tentatives se sont mises en place (cartel de l’étain,
de la bauxite), mais semblent être confrontées aux même problèmes.
Parmi les nombreuses aventures d’accords régionaux, deux obtiennent des
résultats plutôt encourageant : le MERCOSUR et l’ASEAN. Tous deux
consistent en une zone de libre-échange permettant de profiter de marchés
suffisamment vastes pour effectuer des économies d’échelle et
en outre, de développer les échanges Sud/Sud afin de se défaire
un peu des dépendances vis-à-vis du Nord. Cette voie est donc
propice au développement dans la mesure où elle permet de s’insérer
dans une économie monde de plus en plus organisée en blocs régionaux.
La mondialisation semble être une chance pour les PVD les plus avancés.
Pour les autres, le risque de marginalisation est réel. En ce sens, elle
modifie le problème du sous-développement.
La mondialisation se présente donc comme une arme à
double tranchant pour les PVD. La façon dont ils s’y intègrent
conditionne beaucoup leurs perspectives de développement.
La mise en place de la mondialisation a coïncidé avec l’essoufflement
des conceptions tiers-mondistes et la perte de crédit des visions affectives
du problème du sous-développement. La diffusion des thèses
libérales a trouvé un écho dans les années 1980
dans les PVD, en particulier du fait de la réussite des NPI. A l’avenir
donc, il semble globalement partagé que le problème du sous-développement
sera abordé en terme d’insertion ou de marginalisation dans le cadre
de la mondialisation.
En outre, le succès de certains PVD et les conditions favorables qu’offre
la mondialisation pour la conquête de nouveaux marchés amènent
maintenant les pays industriels à craindre ces pays quasiment sortis
du 1/3 Monde. Vision totalement nouvelle du problème du sous développement
qui amène les pays industrialisés à traiter d’anciens PVD
comme des concurrents particuliers. On a une illustration de cette crainte et
de ce nouvel état d’esprit avec les accords multifibres au début
des années 1970 ou bien par le fait que certains NPI aient été
exclus de mécanisme d’aides à l’encontre des PVD. Ceux-ci sont
entrés dans la catégorie des " partenaires rivaux ".
Certains PVD sont confrontés à une contradiction. D’une part leur
insertion dans le commerce mondial et l’économie monde semble inévitable,
et d’autre part celle-ci peut leur être fatale dans la mesure où
les plus faibles sont condamnés à exploiter leurs ressources de
main d’œuvre. Le risque de marginalisation est réel. Le nombre de
PMA a ainsi doublé depuis 1970.
Cette dualité des PVD face à la mondialisation amène aussi
à repenser le problème du sous-développement non plus comme
un tout, comme au début des années 1950, mais à chercher
des adaptations qui doivent être modulées en fonction de cette
diversité croissante du Tiers-Monde : pour les PMA, valoriser les matières
premières en finançant et préparant les diversifications
nécessaires, et pour les plus avancés, favoriser la libéralisation.
Au total, il ne faut ni tomber dans l’euphorie de la mondialisation, ni procéder
à une levée de boucliers tiers-mondistes. La mondialisation a
rendu sensible la diversité des situations parmi les PVD, et a infléchi
dans un sens comme dans un autre, leur processus de développement. La
situation incite donc à une appréhension du problème au
cas par cas, graduelle et pragmatique.