Pourquoi dois-je respecter autrui ?

Bonnes Copies

Bonne Copie du lycée Blaise Pascal de Clermont Ferrand. Cette copie a été notée 13/20. Voici le commentaire du professeur : Angle d’attaque intéressant (partir du fait que naturellement tout nous pousse à ne pas respecter autrui).

Bonne copie du lycée : 63 - Clermont-Ferrand - XXXX

Cette copie a été notée : 13 / 20

Commentaire du professeur : Angle d’attaque intéressant (partir du fait que naturellement tout nous pousse à ne pas respecter autrui).


Untitled Document " Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse à toi-même ", " tu aimeras ton prochain comme toi-même "… Nombre de proverbes ou d’œuvres littéraires invitent l’humanité à la tolérance envers autrui, tentant ainsi de développer le sentiment d’appartenir à la même espèce. Cependant, même s’il est vrai que les sentiments humains d’amour, de solidarité…envers certains êtres expliquent le respect qu’on leur attribue, l’on ne peut nier l’existence de la haine envers ces êtres pourtant issus de la même espèce. Dans cette réflexion, nous tenterons premièrement de définir autrui afin de déterminer s’il est mon alter ego ou mon ennemi, pour pouvoir ensuite répondre à la question : pourquoi dois-je respecter autrui ?


La pensée occidentale actuelle est très marquée par la religion chrétienne, notamment pour ce qui concerne les relations entre les hommes. Selon la Bible, Dieu créa le monde, puis l’homme, et à son image. Adam et Eve seraient les ancêtres de tout être humain, ce qui signifie que nous sommes tous frères. Par ailleurs, Dieu, être bon par définition, ayant crée l’homme " à son image ", l’homme est donc forcément bon par nature. Finalement, le christianisme suggère que tous les hommes sont égaux entre eux, qu’ils sont frères et qu’ils sont tous bons par nature. Dans cette " philosophie ", autrui est mon alter ego, c’est-à-dire mon " autre moi-même ".
Le fait que la religion soit une pure croyance et que l’on ne peut rien prouver pouvant décrédibiliser cette conception de l’égalité des hommes, étudions désormais cette question d’un point de vue plus scientifique. Pour des scientifiques, la vie n’est apparue sur Terre qu’une seule fois, et par la suite, elle s’est énormément diversifiée, ce qui signifie que la vie animale et végétale ont la même origine, tout comme dans la conception chrétienne, mais les scientifiques n’affirment pas que l’homme est bon par essence.Dans cette philosophie, autrui est également mon alter ego.
Cependant, la science ne prouve rien : les biologistes n’effectuent que des probabilités. Ils sont quasiment certains de leur théorie, mais n’ont aucune preuve incontestable qui vérifierait leur théorie, analysons désormais les hommes eux-mêmes dans leur globalité. Il semble évident que chaque homme ressent un sentiment d’humanité, une impression d’appartenir à la même espèce. En effet, la solidarité spontanée de toute la planète envers un pays sinistré pour une catastrophe naturelle par exemple, nous illustre cette théorie. Ce serait donc parce que nous avons tous le sentiment d’être frères que nous avons tous souffert avec le peuple chilien lors du récent tremblement de Terre par exemple.
De plus, il semble que nous ayons besoin de la reconnaissance de cet alter ego pour survivre. La vie solitaire de Robinson Crusoé dans Vendredi ou les limbes du Pacifique illustre cet argument.L’homme ne vit pas uniquement pour lui, il a besoin du regard d’autrui, regard justement exercé par un métis, considéré par Robinson comme un sous-homme dans l’œuvre de Michel Tournier, afin d’affirmer justement l’égalité entre les êtres humains.
L’égalité des hommes semble être acceptée par tous dans notre société occidentale, puisque nous élisons nos représentants politiques, que tous nous avons le droit de vote… Nous acceptons donc plus ou moins consciemment la différence de nos semblables.

Cependant, si globalement l’homme tolère les différences, il n’accepte pas toujours un individu en particulier différent, et comme nous sommes pas tous identiques, nous pouvons nous demander si nous sommes véritablement égaux ou si une simple ressemblance nous unit.

Les intérêts particuliers de chaque individu s’opposant souvent, de nombreux philosophes ont été amenés à penser que les hommes vivaient individuellement, chacun pour eux. Ainsi Hobbes écrivit : " L’homme est un loup pour l’homme ". On comprend aisément ici qu’il n’est plus question de fraternité entre les êtres humains, mais de menace, de danger. Cette situation est intéressante car met en exergue le caractère animal, bestial de l’être humain rapprochant donc le comportement humain de son essence.
Sartre, dans Huis Clos a également affirmé que l’entente entre les hommes n’avait rien d’harmonieux, puisque : " L’enfer, c ’est les autres ". Dans cette philosophie, autrui ne semble en rien correspondre à mon alter ego, mais plutôt à mon ennemi. Il s’agit donc d’une lutte éternelle, les rapports entre les hommes ne sont que des chocs de consciences…
Cependant cette philosophie ne suffit pas à expliquer des actes humains de bravoure, l’existence même du sentiment amoureux puisque nous luttons sans cesse contre le reste de l’humanité.
Analysons désormais l’être humain d’un point de vue scientifique et plus particulièrement génétique. Peut-on dire des hommes qu’ils sont génétiquement égaux ? Certainement pas, l’ " égalité des hommes " -si cette expression a un sens- n’est pas prouvée par nos allèles, bien au contraire puisqu’il semble que certains soient plus disposés à telle ou telle spécificité, ou soient plus sensibles à telle ou telle névrose. Un tel argument ouvre certes toutes les dérives, mais il est indéniable. Pourquoi devrais-je respecter autrui, c’est-à-dire le considérer comme un être humain à part entière et en accepter toutes les différences, si l’on peut prouver que cet autrui est inférieur à moi ?
Par ailleurs, l’Histoire a démontré que si l’être humain est capable d’accomplir de nobles choses, il est aussi capable d’actes inhumains. Aussi devons-nous respecter les néonazis alors que des hommes qu’ils vénèrent ont massacré, déporté… des millions d’autres êtres humains ? Doit-on respecter les hommes qui eux-mêmes ne respectent pas l’humanité ?

Finalement, au travers de la première partie de cette réflexion il semble que si l’égalité des hommes ne peut être démontrée, le sentiment d’appartenance à une même espèce est bien présent à l’échelle planétaire, même si ce sentiment, cet instinct n’est peut-être qu’un idéal. Peut-être que cette égalité n’existe pas, qu’autrui n’est pas mon alter ego mais mon complémentaire. La complémentarité et non l’égalité des hommes expliquerait leurs dépendances et imposerait par elle-même le respect d’un individu envers autrui, puisqu’il en dépend. Autrui semble donc être ambivalent, à l’image du gouffre irrésistible décrit par Baudelaire dans les Fleurs du Mal décrivant la femme. En effet, chaque individu a un besoin de reconnaissance d’autrui : personne ne voudrait vivre seul sur la planète, et cependant autrui par son jugement me détruit, c’est-à-dire qu’il me chosifie, me déshumanise après m’avoir analysé. Chaque homme a tendance à " cataloguer " ses semblables, les classer dans telle ou telle catégorie. L’homme ainsi estimé n’est plus un être humain mais un objet, privé de sa liberté. Avec une nature tellement ambivalente l’on peut se demander pourquoi nous devons respecter autrui. L’on remarque d’ailleurs que l’expression " devoir respecter quelqu’un " est par elle-même surprenante puisque le respect se gagne et qu’il n’est en rien une obligation en tant que valeur morale, un devoir et le risque d’hypocrisie intellectuelle se manifestant par un respect feint est ici présent. Ainsi dans la suite de cette réflexion, nous tenterons d’expliquer pourquoi le simple fait d’être autrui, c’est-à-dire un ou des êtres humains, mérite le respect.

Respecter un individu signifie d’abord respecter les libertés de cet individu, et comme l’homme est avant tout un animal social, politique…qu’il doit vivre en société pour survivre, il doit accepter des compromis faisant passer, comme l’a exprimé Rousseau dans Du Contrat Social, l’intérêt général avant son intérêt particulier. L’intérêt général pour la communauté étant une harmonie entre ses membres, il paraît nécessaire que chacun respecte la liberté de tous. Une contrainte physique : la loi a donc été instituée pour imposer ce respect.
Par ailleurs, chaque individu a également une obligation morale de respecter autrui, qu’il s’agisse d’une religion, comme le christianisme ou de valeurs transmises lors de l’éducation d’un enfant, notre esprit dualiste tend à nous faire penser que le Bien se manifeste ici par le respect et le Mal par son absence. Ainsi nous sommes conditionnés par nos valeurs, religion, société… pour respecter autrui.
Les causes de ce conditionnement sont multiples, et l’une d’elles est sans doute qu’autrui est une source incontestable de richesse. En effet, un seul individu, un être humain ne détient pas la vérité, mais par l’association de plusieurs consciences, le progrès de l’humanité est possible. Quel progrès serait possible en mathématiques par exemple, si chaque individu devait chercher seul sans tenir compte des théorèmes déjà démontrés par les scientifiques avant lui ? Nous devons donc respecter autrui car tout le monde peut faire progresser l’humanité par ses découvertes, inventions, réflexions…
De plus, autrui restera toujours inconnu, c’est-à-dire qu’il semble impossible à qui que ce soit de connaître parfaitement un individu, une conscience puisque cet individu ne connaissant pas son inconscient ne se connaît pas parfaitement lui-même. Ainsi la chosification évoquée précédemment semble néfaste, et si j’estime que quelqu’un ne mérite pas mon respect, je peux être dabs l’erreur.
En outre, affirmer que nous devons respecter autrui semble insuffisant car ne mettant pas en valeur l’effort individuel de chaque homme. Ainsi la réplique de Caïn à Yahvé dans la Genèse exprimant la double faute commise par Caïn, id est le meurtre et le sentiment de déresponsabilité à propos de son frère illustre cette pensée.
(-Yahvé : Où est ton frère ?
-Caïn : Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? )
Nous sommes donc tous individuellement responsables et par conséquent l’expression " nous devons respecter autrui " est ici insuffisante, il est plus exact d’affirmer "je dois respecter autrui ".
Finalement, le devoir de respecter autrui quel qu’il soit permet à l’être humain de dépasser sa simple condition de mortel. En effet, ainsi, il dépasse à la fois la nature et sa nature puisque la nature fonctionne pas le biais de la sélection naturelle et de la destruction du reste alors que l’homme lui doit respecter tout être humain en particulier et l’humanité toute entière et que la nature même de l’homme est à la déshumanité, c’est-à-dire à l’animalité et qu’ainsi il accède à une certaine idée de justice.


Au cours de cette réflexion, il est apparu qu’égaux ou non, les hommes, et plus précisément Moi, nous devons respecter autrui en tant que globalité mais également en tant qu’individus. Les causes de ce devoir sont multiples puisque nous avons constaté qu’elles étaient à la fois physiques et politiques, morales, religieuses… Nous avons également conclu que ces causes étaient plus profondes, car correspondant à un besoin de dépasser la nature humaine, au péché d’hybris grec en quelque sorte. Ce devoir nous permet non seulement de dépasser notre instinct bestial premier mais aussi de trouver une finalité à l’humanité : désormais notre vie a un sens puisque nous ne vivons plus comme des animaux, et ce sens est de guider les générations futures vers une meilleure humanité, c’est justement pour cela qu’il faut respecter autrui, pour atteindre cet idéal.