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" Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas
qu’on te fasse à toi-même ", " tu aimeras ton prochain
comme toi-même "… Nombre de proverbes ou d’œuvres littéraires
invitent l’humanité à la tolérance envers autrui, tentant
ainsi de développer le sentiment d’appartenir à la même espèce.
Cependant, même s’il est vrai que les sentiments humains d’amour, de solidarité…envers
certains êtres expliquent le respect qu’on leur attribue, l’on ne peut nier
l’existence de la haine envers ces êtres pourtant issus de la même
espèce. Dans cette réflexion, nous tenterons premièrement
de définir autrui afin de déterminer s’il est mon alter ego ou mon
ennemi, pour pouvoir ensuite répondre à la question : pourquoi dois-je
respecter autrui ?
La pensée occidentale actuelle est très marquée par la
religion chrétienne, notamment pour ce qui concerne les relations entre
les hommes. Selon la Bible, Dieu créa le monde, puis l’homme,
et à son image. Adam et Eve seraient les ancêtres de tout être
humain, ce qui signifie que nous sommes tous frères. Par ailleurs, Dieu,
être bon par définition, ayant crée l’homme " à
son image ", l’homme est donc forcément bon par nature. Finalement,
le christianisme suggère que tous les hommes sont égaux entre
eux, qu’ils sont frères et qu’ils sont tous bons par nature. Dans cette
" philosophie ", autrui est mon alter ego, c’est-à-dire mon
" autre moi-même ".
Le fait que la religion soit une pure croyance et que l’on ne peut rien prouver
pouvant décrédibiliser cette conception de l’égalité
des hommes, étudions désormais cette question d’un point de vue
plus scientifique. Pour des scientifiques, la vie n’est apparue sur Terre qu’une
seule fois, et par la suite, elle s’est énormément diversifiée,
ce qui signifie que la vie animale et végétale ont la même
origine, tout comme dans la conception chrétienne, mais les scientifiques
n’affirment pas que l’homme est bon par essence.Dans cette philosophie, autrui
est également mon alter ego.
Cependant, la science ne prouve rien : les biologistes n’effectuent que des
probabilités. Ils sont quasiment certains de leur théorie, mais
n’ont aucune preuve incontestable qui vérifierait leur théorie,
analysons désormais les hommes eux-mêmes dans leur globalité.
Il semble évident que chaque homme ressent un sentiment d’humanité,
une impression d’appartenir à la même espèce. En effet,
la solidarité spontanée de toute la planète envers un pays
sinistré pour une catastrophe naturelle par exemple, nous illustre cette
théorie. Ce serait donc parce que nous avons tous le sentiment d’être
frères que nous avons tous souffert avec le peuple chilien lors du récent
tremblement de Terre par exemple.
De plus, il semble que nous ayons besoin de la reconnaissance de cet alter ego
pour survivre. La vie solitaire de Robinson Crusoé dans Vendredi
ou les limbes du Pacifique illustre cet argument.L’homme ne vit pas
uniquement pour lui, il a besoin du regard d’autrui, regard justement exercé
par un métis, considéré par Robinson comme un sous-homme
dans l’œuvre de Michel Tournier, afin d’affirmer justement l’égalité
entre les êtres humains.
L’égalité des hommes semble être acceptée par tous
dans notre société occidentale, puisque nous élisons nos
représentants politiques, que tous nous avons le droit de vote…
Nous acceptons donc plus ou moins consciemment la différence de nos semblables.
Cependant, si globalement l’homme tolère les différences,
il n’accepte pas toujours un individu en particulier différent, et comme
nous sommes pas tous identiques, nous pouvons nous demander si nous sommes véritablement
égaux ou si une simple ressemblance nous unit.
Les intérêts particuliers de chaque individu s’opposant souvent,
de nombreux philosophes ont été amenés à penser
que les hommes vivaient individuellement, chacun pour eux. Ainsi Hobbes écrivit
: " L’homme est un loup pour l’homme ". On comprend aisément
ici qu’il n’est plus question de fraternité entre les êtres humains,
mais de menace, de danger. Cette situation est intéressante car met en
exergue le caractère animal, bestial de l’être humain rapprochant
donc le comportement humain de son essence.
Sartre, dans Huis Clos a également affirmé que l’entente
entre les hommes n’avait rien d’harmonieux, puisque : " L’enfer, c ’est
les autres ". Dans cette philosophie, autrui ne semble en rien correspondre
à mon alter ego, mais plutôt à mon ennemi. Il s’agit donc
d’une lutte éternelle, les rapports entre les hommes ne sont que des
chocs de consciences…
Cependant cette philosophie ne suffit pas à expliquer des actes humains
de bravoure, l’existence même du sentiment amoureux puisque nous luttons
sans cesse contre le reste de l’humanité.
Analysons désormais l’être humain d’un point de vue scientifique
et plus particulièrement génétique. Peut-on dire des hommes
qu’ils sont génétiquement égaux ? Certainement pas, l’
" égalité des hommes " -si cette expression a un sens-
n’est pas prouvée par nos allèles, bien au contraire puisqu’il
semble que certains soient plus disposés à telle ou telle spécificité,
ou soient plus sensibles à telle ou telle névrose. Un tel argument
ouvre certes toutes les dérives, mais il est indéniable. Pourquoi
devrais-je respecter autrui, c’est-à-dire le considérer comme
un être humain à part entière et en accepter toutes les
différences, si l’on peut prouver que cet autrui est inférieur
à moi ?
Par ailleurs, l’Histoire a démontré que si l’être humain
est capable d’accomplir de nobles choses, il est aussi capable d’actes inhumains.
Aussi devons-nous respecter les néonazis alors que des hommes qu’ils
vénèrent ont massacré, déporté… des
millions d’autres êtres humains ? Doit-on respecter les hommes qui eux-mêmes
ne respectent pas l’humanité ?
Finalement, au travers de la première partie de cette
réflexion il semble que si l’égalité des hommes ne peut
être démontrée, le sentiment d’appartenance à une
même espèce est bien présent à l’échelle planétaire,
même si ce sentiment, cet instinct n’est peut-être qu’un idéal.
Peut-être que cette égalité n’existe pas, qu’autrui n’est
pas mon alter ego mais mon complémentaire. La complémentarité
et non l’égalité des hommes expliquerait leurs dépendances
et imposerait par elle-même le respect d’un individu envers autrui, puisqu’il
en dépend. Autrui semble donc être ambivalent, à l’image
du gouffre irrésistible décrit par Baudelaire dans les Fleurs
du Mal décrivant la femme. En effet, chaque individu a un besoin
de reconnaissance d’autrui : personne ne voudrait vivre seul sur la planète,
et cependant autrui par son jugement me détruit, c’est-à-dire
qu’il me chosifie, me déshumanise après m’avoir analysé.
Chaque homme a tendance à " cataloguer " ses semblables, les
classer dans telle ou telle catégorie. L’homme ainsi estimé n’est
plus un être humain mais un objet, privé de sa liberté.
Avec une nature tellement ambivalente l’on peut se demander pourquoi nous devons
respecter autrui. L’on remarque d’ailleurs que l’expression " devoir respecter
quelqu’un " est par elle-même surprenante puisque le respect se gagne
et qu’il n’est en rien une obligation en tant que valeur morale, un devoir et
le risque d’hypocrisie intellectuelle se manifestant par un respect feint est
ici présent. Ainsi dans la suite de cette réflexion, nous tenterons
d’expliquer pourquoi le simple fait d’être autrui, c’est-à-dire
un ou des êtres humains, mérite le respect.
Respecter un individu signifie d’abord respecter les libertés
de cet individu, et comme l’homme est avant tout un animal social, politique…qu’il
doit vivre en société pour survivre, il doit accepter des compromis
faisant passer, comme l’a exprimé Rousseau dans Du Contrat Social,
l’intérêt général avant son intérêt
particulier. L’intérêt général pour la communauté
étant une harmonie entre ses membres, il paraît nécessaire
que chacun respecte la liberté de tous. Une contrainte physique : la
loi a donc été instituée pour imposer ce respect.
Par ailleurs, chaque individu a également une obligation morale de respecter
autrui, qu’il s’agisse d’une religion, comme le christianisme ou de valeurs
transmises lors de l’éducation d’un enfant, notre esprit dualiste tend
à nous faire penser que le Bien se manifeste ici par le respect et le
Mal par son absence. Ainsi nous sommes conditionnés par nos valeurs,
religion, société… pour respecter autrui.
Les causes de ce conditionnement sont multiples, et l’une d’elles est sans doute
qu’autrui est une source incontestable de richesse. En effet, un seul individu,
un être humain ne détient pas la vérité, mais par
l’association de plusieurs consciences, le progrès de l’humanité
est possible. Quel progrès serait possible en mathématiques par
exemple, si chaque individu devait chercher seul sans tenir compte des théorèmes
déjà démontrés par les scientifiques avant lui ?
Nous devons donc respecter autrui car tout le monde peut faire progresser l’humanité
par ses découvertes, inventions, réflexions…
De plus, autrui restera toujours inconnu, c’est-à-dire qu’il semble impossible
à qui que ce soit de connaître parfaitement un individu, une conscience
puisque cet individu ne connaissant pas son inconscient ne se connaît
pas parfaitement lui-même. Ainsi la chosification évoquée
précédemment semble néfaste, et si j’estime que quelqu’un
ne mérite pas mon respect, je peux être dabs l’erreur.
En outre, affirmer que nous devons respecter autrui semble insuffisant car ne
mettant pas en valeur l’effort individuel de chaque homme. Ainsi la réplique
de Caïn à Yahvé dans la Genèse exprimant la double
faute commise par Caïn, id est le meurtre et le sentiment de déresponsabilité
à propos de son frère illustre cette pensée.
(-Yahvé : Où est ton frère ?
-Caïn : Je ne sais pas. Suis-je le gardien de mon frère ? )
Nous sommes donc tous individuellement responsables et par conséquent
l’expression " nous devons respecter autrui " est ici insuffisante,
il est plus exact d’affirmer "je dois respecter autrui ".
Finalement, le devoir de respecter autrui quel qu’il soit permet à l’être
humain de dépasser sa simple condition de mortel. En effet, ainsi, il
dépasse à la fois la nature et sa nature puisque la nature fonctionne
pas le biais de la sélection naturelle et de la destruction du reste
alors que l’homme lui doit respecter tout être humain en particulier et
l’humanité toute entière et que la nature même de l’homme
est à la déshumanité, c’est-à-dire à l’animalité
et qu’ainsi il accède à une certaine idée de justice.
Au cours de cette réflexion, il est apparu qu’égaux ou non, les
hommes, et plus précisément Moi, nous devons respecter autrui
en tant que globalité mais également en tant qu’individus. Les
causes de ce devoir sont multiples puisque nous avons constaté qu’elles
étaient à la fois physiques et politiques, morales, religieuses…
Nous avons également conclu que ces causes étaient plus profondes,
car correspondant à un besoin de dépasser la nature humaine, au
péché d’hybris grec en quelque sorte. Ce devoir nous permet non
seulement de dépasser notre instinct bestial premier mais aussi de trouver
une finalité à l’humanité : désormais notre vie
a un sens puisque nous ne vivons plus comme des animaux, et ce sens est de guider
les générations futures vers une meilleure humanité, c’est
justement pour cela qu’il faut respecter autrui, pour atteindre cet idéal.