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Confronté à des mots courants, donc potentiellement trompeurs, il est toujours utile de consulter le dictionnaire ou à défaut, le jour de l'épreuve, de prendre le temps d'une analyse poussée en partant du sens courant pour aller vers les significations plus subtiles car souvent, comme dans notre cas, métaphoriques. Que dit le Larousse ?
- Arme : Tout moyen d'attaquer quelqu'un ou de se défendre.
- Aliment : Toute substance fournissant à un être vivant les matières et l'énergie nécessaire à sa survie et à son développement.
Nul doute que l'alimentation ne soit une arme, au sens le plus banal, il suffit de penser à la situation des assiégés.
Dans le cas qui nous concerne, les États-Unis ont cru disposer du " pouvoir alimentaire " (food power) dans les années 70, c'est-à-dire de la possibilité pour le gouvernement américain d'imposer ses choix en matière agricole et alimentaire à leurs adversaires (pour l'essentiel le bloc de l'Est à l'époque) et à leurs alliés et concurrents (Canada, Europe, Australie principalement). L'échec fort coûteux pour les États-Unis, de l'embargo de 1979 a montré qu'il n'en était rien : l'embargo intervient à un mauvais moment, alors que le monde bascule dans une situation de surproduction. Même si elle a dû sacrifier une partie de son cheptel, l'URSS n'a aucun mal à trouver de nouveaux fournisseurs, en Europe et en Argentine notamment. Les parts de marché perdues par les Etats-Unis à cette occasion n'ont pas toutes été récupérées ensuite.
Malgré les souffrances de la population irakienne, dix années d'embargo partiel ont eu pour effet principal de diviser l'opinion et les alliés de 1991. L'arme verte apparaît ainsi comme un instrument à double tranchant et de surcroît émoussé !
La multiplication des affaires concernant l'alimentation depuis la fin des années 1990 ainsi que le choix de ce thème comme point de ralliement par les adversaires de la mondialisation (alimentation saine contre " mal bouffe ") montrent que l'axe majeur du combat s'est déplacé du quantitatif au qualitatif : il n'est plus question (pour le moment en tout cas) de mettre en péril la survie d'une population, il est davantage question de peser sur l'orientation de son développement. Aux enjeux économiques et commerciaux (acheter ou vendre ses produits bruts ou transformer, conquérir des parts de marché au détriment du pays ou de l'entreprise concurrente…), se joignent des enjeux sociaux, culturels voire symboliques (est-on " jambon beurre " ou bien " hamburger " ?).
La bataille est ainsi devenue universelle. Aux côtés des États plutôt en retrait aujourd'hui, on trouve des Multinationales et de petits producteurs ou distributeurs, des associations de consommateurs, des organisations politiques et syndicales. De même l'alimentation de base n'est plus seule en cause : aux côtés des céréales qui restent importantes (pensez aux OGM), on trouve des produits tropicaux (banane, café…), la viande et de plus en plus les produits de la mer ; la qualité et le contrôle de la valeur ajoutée sont devenus pour les PDEM et les pays émergents des problèmes centraux même si, ailleurs, entre 500 millions et un milliard de personnes souffrent de sous-alimentation ou de malnutrition.